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Dans l'intervalle de la mort de Jacques Bernoulli, à la publication de son ouvrage; Montmort et Moivre firent paraître deux traités sur le calcul des probabilités. Celui de Montmort a pour titre Essai sur les Jeux de hasard: il contient de nombreuses applications de ce calcul, aux divers jeux. L'auteur y a joint dans la seconde édition, quelques lettres dans lesquelles Nicolas Bernoulli donne des solutions ingénieuses de plusieurs problèmes difficiles, de probabilité. Le traité de Moivre, postérieur à celui de Montmort, parut d'abord dans les Transactions Philosophiques de l'année 1711. Ensuite l'auteur le publia séparément, et il l'a perfectionné successivement dans les trois éditions qu'il en a données. Cet ouvrage est principalement fondé sur la formule du binome; et les problèmes qu'il contient ont, ainsi que leurs solutions, une grande généralité. Mais ce qui le distingue, est la théorie des suites récurrentes, et leur usage dans ces matières. Cette théorie est l'intégration des équations linéaires aux différences finies à coefficiens constans, intégration à laquelle Moivre parvient d'une manière trèsheureuse. Comme il est toujours intéressant de connaître la marche des inventeurs; je vais exposer celle de Moivre, en l'appliquant à une suite récurrente dont la relation entre trois termes consécutifs est donnée. D'abord, il considère la relation entre les termes consécutifs d'une progression géométrique, ou l'équation à deux termes, qui l'exprime. En la rapportant aux termes inférieurs d'une unité, il la multiplie dans cet état, par un facteur constant, et il retranche le produit, de l'équation primitive. Par là, il obtient une relation entre trois termes consécutifs de la progression géométrique. Moivre considère ensuite une seconde progression géométrique dont la raison des termes, est le facteur même qu'il vient d'employer. Il diminue pareillement d'une unité, l'indice des termes, dans l'équation de cette nouvelle progression dans cet état, il la multiplie par la raison des termes de la première progression, et il retranche le produit, de l'équation primitive; ce qui lui donne entre trois termes consécutifs de la seconde progression, une relation entièrement semblable à celle qu'il a trouvée pour la première progression. Puis il observe que si l'on ajoute terme à terme, les deux progressions; la même relation subsiste entre trois quelconques

de ces sommes consécutives. Il compare les coefficiens de cette relation, à ceux de la relation des termes de la suite récurrente proposée; et il trouve pour déterminer les rapports des termes consécutifs des deux progressions, une équation du second degré dont les racines sont ces rapports. Par là, Moivre décompose la suite récurrente, en deux progressions géométriques multipliées, chacune, par une constante arbitraire qu'il détermine au moyen des deux premiers termes de la suite récurrente. Ce procédé est exactement celui que Lagrange a depuis employé pour l'intégration des équations linéaires aux différences à coefficiens constans.

Très-peu de temps avant ces recherches de Moivre, Taylor avait donné dans son excellent ouvrage intitulé Methodus incrementorum, la manière d'intégrer l'équation linéaire aux différences du premier ordre, avec un coefficient variable, et un dernier terme fonction du seul indice. C'est donc à ces deux illustres géomètres, que l'on est redevable de la considération et de l'intégration de ce genre d'équations. A la vérité, les relations des termes consécutifs des progressions arithmétiques et géométriques, ne sont que les cas les plus simples des équations linéaires aux différences. Mais on ne les avait pas envisagés sous ce point de vue, l'un de ceux qui se rattachant à des théories générales, ont conduit à ces théories, et sont par là, de véritables découvertes.

Moivre a repris dans son ouvrage, le théorème de Jacques Bernoulli sur la probabilité des résultats donnés par un grand nombre d'observations. Il ne se contente pas de faire voir, comme Bernoulli, que le rapport des événemens qui doivent arriver, approchera sans cesse de celui de leurs possibilités respectives: il donne de plus une expression élégante et simple de la probabilité que la différence de ces deux rapports, sera contenue dans des limites données. Pour cela, il détermine le rapport du plus grand terme du développement d'une puissance très-élevée du binome, à la somme de tous ses termes; et le logarithme hyperbolique de l'excès de ce terme, sur les termes qui en sont très-voisins. Le plus grand terme étant alors le produit d'un nombre considérable de facteurs; son calcul numérique devient impraticable. Pour l'obtenir par une approximation convergente, Moivre fait usage d'un

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beau théorème de Stirling sur le terme moyen du binome élevé à une haute puissance, théorème remarquable, surtout en ce qu'il introduit la racine carrée du rapport de la circonférence au rayon, dans une expression qui semble devoir être étrangère à cette transcendante. Aussi Moivre fut-il singulièrement frappé de ce résultat, l'un des plus curieux et des plus utiles de l'analyse des suites.

Plusieurs savans parmi lesquels ou doit distinguer Deparcieux, Kersseboom, Wargentin, Dupré de Saint-Maure, Simpson, Sulmich, Price et Duvillard, ont réuni un grand nombre de données précieuses sur les naissances, les mariages et la mortalité. Ils ont donné des formules et des tables relatives aux rentes viagères, aux tontines, aux assurances, etc. Mais dans cette courte notice, je ne puis qu'indiquer ces travaux estimables, pour m'attacher aux idées originales. De ce nombre, est la distinction des espérances mathématique et morale, et le principe ingénieux que Daniel Bernoulli a donné pour soumettre celle-ci à l'analyse. Telle est encore l'application heureuse qu'il a faite du calcul des probabilités, à l'inoculation. On doit surtout, placer au nombre de ces idées originales, la considération directe des possibilités des événemens, tirées des événemens observés. Jacques Bernoulli et Moivre supposaient ces possibilités, connues; et ils cherchaient la probabilité que le résultat des expériences à faire, approchera de plus en plus de les représenter. Bayes, dans les Transactions Philosophiques de l'année 1763, a cherché directement la probabilité que les possibilités indiquées par des expériences déjà faites, sont comprises dans des limites données; et il y est parvenu d'une manière fine et très-ingénieuse, quoiqu'un peu embarrassée. Cet objet se rattache à la théorie de la probabilité des causes et des événemens futurs, conclue des événemens observés; théorie dont j'exposai quelques années après, les principes, avec la remarque de l'influence des inégalités qui peuvent exister entre des chances que l'on suppose égales. Quoique l'on ignore quels sont les événemens simples que ces inégalités favorisent; cependant cette ignorance même accroît souvent, la probabilité des événemens composés. En généralisant l'analyse et les problèmes concernant les probabilités, je fus conduit au calcul des différences. finies partielles que Lagrange a traité depuis, par une méthode

fort simple, et dont il a fait d'élégantes applications à ce genre de problèmes. La théorie des fonctions génératrices, que je donnai vers le même temps, comprend ces objets, parmi ceux qu'elle embrasse, et s'adapte d'elle-même et avec la plus grande généralité, aux questions de probabilité, les plus difficiles. Elle détermine encore par des approximations très-convergentes, les valeurs des fonctions composées d'un grand nombre de termes et de facteurs; et en faisant voir que la racine carrée du rapport de la circonférence au rayon entre le plus souvent dans ces valeurs, elle montre qu'une infinité d'autres transcendantes peuvent également s'y introduire.

Plusieurs savans géomètres ont appliqué le calcul des probabilités, aux votes et aux décisions des assemblées électorales et délibérantes; mais jusqu'ici, leurs recherches n'offrent aucun résultat bien re→ marquable, sur cet objet que compliquent tant de passions et d'inté→ rêts divers qui trop souvent agitent ces assemblées. L'une des plus utiles applications du calcul des probabilités, concerne les milieux qu'il faut choisir entre les résultats des observations. Plusieurs géomètres s'en sont occupés, et Lagrange a publié dans les Mémoires de Turin, une belle méthode pour déterminer ces milieux, quand la loi des erreurs des observations est connue. J'ai donné pour le même objet, une méthode fondée sur un artifice singulier qui peut être employé avec avantage dans d'autres questions d'analyse, et qui en permettant d'étendre indéfiniment dans tout le cours d'un long calcul, les fonctions qui doivent être limitées par la nature du problème, indique les modifications que chaque terme du résultat final doit recevoir, en vertu de ces limitations. Mais ces méthodes supposent connue, la loi des erreurs des observations; ce qui n'est pas. Heureusement, j'ai trouvé que si les observations sont en grand nombre, la recherche des milieux que l'on doit choisir, devient indépendante de cette loi. On a vu précédemment, que chaque observation fournit une équation de condition, du premier degré, qui peut toujours être disposée de manière que tous ses termes soient dans le premier membre, le second étant zéro. L'usage de ces équations est une des causes principales de la grande précision de nos tables astronomiques; parce que l'on a pu ainsi faire concourir un nombre immense d'excellentes ob

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servations, à la détermination de leurs élémens. Lorsqu'il n'y a qu'un seul élément à déterminer, Côtes avait prescrit de préparer les équations de condition, de sorte que le coefficient de l'élément inconnu fût positif dans chacune d'elles, et d'ajouter ensuite toutes ces équations, pour former une équation finale d'où l'on tire la valeur de cet élément. La règle de Còtes fut suivie par tous les calculateurs. Mais quand il fallait déterminer plusieurs élémens; on n'avait aucune règle fixe pour combiner les équations de condition, de manière à obtenir les équations finales nécessaires: seulement, on choisissait pour chaque élément, les observations les plus propres à le déterminer. Ce fut pour obvier à ces tâtonnemens, que Legendre et Gauss imaginèrent d'ajouter les carrés des premiers membres des équations de condition, et d'en rendre la somme un minimum, en y faisant varier chaque élément inconnu par ce moyen, on obtient directement autant d'équations finales, qu'il y a d'élémens. Mais les valeurs déterminées par ces équations, méritentelles la préférence sur toutes celles que l'on peut obtenir par d'autres moyens? C'est ce que le calcul des probabilités pouvait seul apprendre. Je l'appliquai donc à cet objet important, et je fus conduit par une analyse délicate, à la règle que je viens d'indiquer, et qui réunit ainsi à l'avantage de faire connaître par un procédé régulier, les élémens cherchés, celui d'en donner les valeurs les plus avantageuses, ou qui ne laissent à craindre que les plus petites erreurs possibles.

J'ai rassemblé tous ces objets dans l'ouvrage que j'ai publié sous ce titre, Théorie analytique des Probabilités, et dans lequel je me suis proposé d'exposer de la manière la plus générale, les principes et l'analyse du calcul des probabilités, ainsi que les solutions des problèmes les plus intéressans et les plus difficiles que ce calcul présente.

On voit par cet Essai, que la théorie des probabilités n'est au fond, que le bon sens réduit au calcul: elle fait apprécier avec exactitude, ce que les esprits justes sentent par une sorte d'ins-tinct, sans qu'ils puissent souvent s'en rendre compte. Si l'on considère les méthodes analytiques auxquelles cette théorie a donné naissance, la vérité des principes qui lui servent de base,

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