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MÉLANGES.

JOSEPH LAVALLÉE À L.-J.-P. BALLOIS.

Extrait d'un Voyage dans le département de la Côte-d'Or.

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Le département de la Côte-d'Or, l'un des plus beaux de la République par son étendue et sa richesse territoriale, est aussi un de ceux où l'amour de la liberté s'est déployé avec le plus d'énergie. Les bataillons de la Côte d'Or, justement célèbres, n'ont conservé du caractère des anciens Bourguignons, que ce courage, qui leur fit se fonder une patrie loin des forêts où la nature les avait placés. Ces dignes esoldats, adoucis aujourd'hui par l'amabilité française, semblent se rappeler encore cette fierté que leurs pères avaient puisée dans le -commerce des Romains; et pour faire triompher la République, n'ont gardé de la férocité de leurs ancêtres, que l'activité qui brise les obstacles; n'ont retenu des Romains que l'habitude de la victoire; et n'ont disputé à

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leurs concitoyens français, que le premier rang en générosité.

La grande richesse de ce département, est l'inestimable don que lui fit la nature dans l'excellence de ses vins; breuvage délicieux dont l'ame sensible, dont la piété filiale ne doivent parler qu'avec respect, puisqu'il embellit et prolonge la vieillesse; puisque le salubre parfum de ce falerne gaulois peut réchauffer les veines glacées de l'homme que la maladie poursuit. Le passage des mers est interdit à sa délicatesse, et le Créateur sembla doter ses côteaux d'un bienfait qu'il leur défendait de partager avec la terre.

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Hélas! paisiblement assis sur les gradins des autels de Comus, nous voyons les rubis du Nuits et du Volney jaillir des amphores de cristal dans nos 'coupes d'agathe, las folâtre joie vient humecter nos lèvres de l'essence que les pampres du Vougeot déposèrent dans l'urne aux vastes flancs. Le plaisir et l'aimable publi des maux voltigent autour de nous; et les infortunés, dont la bêcher laborieuse va solliciter la terre d'épancher la sève dans les seps délicats de la vigne timide, ne portent presque jamais à leurs langues desséchées par le travail, la liqueur

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bienfaitrice que leur art nous procure. Le front couvert de myrthes, nous buvons nonchalamment sous nos lambris dorés, le nectar dont la pourpre colore nos regards amoureux : souvent alors notre cothurne superbe glisse étonné sous nos pas chancelans; et la main qui pressura pour nous la grappe diaprée, n'a souvent que de l'eau pour détremper un pain, que le soleil dessèche dans sa chaumière ouverte aux rigueurs des saisons. Humanité! foule à tes pieds cet usage impie; rends au pauvre les dons de la nature! C'est aussi pour lui qu'elle couvrit la terre, et de fleurs et de fruits; et qu'à son tour, Anacréon soit le philosophe des hameaux.

Avant de vous parler des villes, dont l'élégance pèse sur les plaines fertiles de ce département, rappelons à votre souvenir celles que le tems a détruites. C'est-là, mon ami, que les regards surpris admiraient jadis les superbes remparts de la Thèbes gauloise, Là gissait cette Alesia (1), où César, ce vainqueur de l'uniyers, douta quelques instans, de la constance

(1) Cette ville d'Alesia s'appelle Alise aujourd'hui ce n'est plus maintenant qu'un village.

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de la victoire. Cette forteresse immense couronnait le front d'une montagne de cent cinquante toises d'élévation. Elle n'est plus; la montagne lui survit : la montagne s'usera à son tour, car tout périt sur la terre, excepté la vertu.

Quatre-vingt mille hommes défendaient Alesia; mais quatre-vingt mille hommes ne purent ébranler la fortune du Romain. Vous le savez, les dieux alors s'étaient tous déclarés pour César, Alesia ne fut point exempte du sort de l'univers. César, triomphant, y pénétra les torches à la main. Les torrens du sang des habitans sillonnèrent les flancs de la montagne, dont la croupe supportait cette ville que les siècles avaient élevée; les ruines des palais, des temples, des murs, disparurent sous la flamme; et leurs cendres dispersées par les vents, furent au loin couvrir les prés que l'Armançon arrose.

Dijon, chef-lieu de ce département, est une des belles villes de la République. Elle doit son origine à la superstition. On en douterait presque la superstition détruit et n'édifie jamais. Aurélien (1), dit-on, dans la guerre

(1) Lucius Domitius Aurelianus, empereur. La flatterie fait commettre un mensonge à Vopiscus, quand

qu'il fit à Tétricus, fut obligé, pour une opé ration militaire, de détruire un village appelé Burgus Deorum. Ce nom lui laissa des remords qu'accrut encore sa mère, que Vopiscus prétend avoir été prêtresse du soleil. Par ses conseils, il bâtit un temple sur le sol qu'avait occupé ce village, le nomma Divio, dont on a fait Dijon par corruption. Les enfans de Hugues Capet, successeurs des anciens ducs de Bourgogne, y firent presque tous leur séjour, l'agrandirent et l'embellirent.

Ce fut à cette cour, long-tems aussi fastueuse que puissante, que prit naissance ce cérémonial que depuis l'on nomme étiquette. Marie de Bourgogne en introduisit l'usage dans la maison d'Autriche, qui dans la suite en communiqua le ridicule à toutes les cours de l'Európe. L'étiquette est un espèce d'esclavage puérile qui n'oblige que les courtisans, et dont les sages peuvent s'affranchir. De tous les présens que Marie de Bourgogne fit à Maximilien son époux, ce ne fut pas assurément le plus riche. Les vastes états qu'elle lui apporta en dot étaient

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il dit que la mère d'Aurélien était prêtresse du soleil. Aurélien était de la Pannonie, et né de l'une de ces familles que l'on nommait improprement obscures.

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