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COUR DE CASSATION.

Le rapport est-il dú par l'héritier au légataire, lorsque celui-ci réunit à cette qualité celle d'héritier? (Rés. nég.) Cod. civ., art. 857.

Les biens donnés en avancement d'hoirie doivent-ils, dans ce cas, étre compris fictivement dans la masse héréditaire, pour déterminer la quotité disponible? (Rés. nég.) Cod. civ., art. 922.

LA DAME LAMOTTE, C. LA DAME SABATTIER.

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Le savant jurisconsulte Chabot de l'Allier, dans son Commentaire sur les Successions, s'était proposé ces questions; mais il les laissa sans solution. La difficulté qu'elles lui présentaient lui parut grave; et il se borna à rapporter un arrêt de la Cour de Pau, du 13 juin 1818, qui la résout affirmativement, et un arrêt de la Cour de cassation, da 30 décembre 1816, qui se prononce pour la négative (1).

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La jurisprudence des Cours royales d'Agen et de TouBuse a été constamment jusque aujourd'hui en opposition, sur ce point, avec celle de la Cour régulatrice (2), qui a persévéré dans la sienne. Cette Cour décida par un second arrêt, en date du 27 mars 1822, que l'héritier qui était en même temps légataire par préciput ne pouvait être admis, ea cette dernière qualité, à prendre une part quelconque sur les sommes données en avancement d'hoirie qui étaient rapportées par ses cohéritiers, et que son prélegs ne devait être pris que sur les biens existans dans la succession au moment du décès du testateur (3). La doctrine consacrée par les deux arrêts de la Cour de Cassation que nous venons

(1) Voy. ce Journal, tom. 3 de 1817, p. 5.

(2) Voy. les arrêts de Toulouse et d'Agen, des 27 juillet 1819 et 24 janvier 1821, rapportés tom. 2 de 1821, p. 115.

(3) Voy. tom. 2 de 1822, p. 353.

Tome 1er de 1825.

Feuille 16.

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d'indiquer a été adoptée aussi par la Cour royale de Nismes, qui a jugé dans le même sens par un premier arrêt, en date du 8 juin 1819, rapporté dans ce Journal, tom. 2 de 1820, p. 176, et par un second arrêt, qu'elle rendit sar notre plaidoiric, le 30 mai 1821, dans la cause des enfans Madier contre Salignon Caritat. Celui que nous recueillons aujourd'hui vient ajouter aux précédens le poids de son autorité. Cette dernière jurisprudence doit nécessairement prévaloir, et faire cesser une funeste diversité d'opinions sur les effets de l'art. 857 du Code civil, dont le texte et l'esprit répugnent également à des distinctions qui ne sauraient s'accorder avec sa disposition, conçue dans des termes

absolus.

Le sieur Jourdan, père des dames Sabatier, de SaintArroman et Lamotte, avait exercé, de son vivant, des libéralités en faveur des deux premières. Il leur avait donné, par acte entre vifs et en avancement d'hoirie, à la première, un pré et une vigne, de la valeur de 13,813 fr.; et à la seconde, 4,000 fr. La troisième n'avait reçu qu'une pension alimentaire de 200 fr.

Plus tard, et en 1809, voulant user de la faculté que lai conférait l'art. 1075 du Code civil, il fit un testament par lequel il opéra entre ses trois filles la distribution et le partage de ses biens immeubles. Il y comprit non seulement ceux qui restaient en sa possession, mais encore ceux dont il avait disposé. Il en porta la valeur à 64,000 fr.; il déclara en donner le quart, par préciput et hors part, à la dame Sabatier; et en représentation de ce quart et de la portion qui lui était attribuée par la loi, s'élevant à 32,000 fr., il assigna à sa part le pré et la vigne qu'elle possédait déjà en vertu de la donation qu'il lui en avait précédemment faite, et d'autres immeubles, d'une valeur égale à l'excédant en somme qui lui revenait pour le complément de son lot. Il assigna aussi à la part des dames de Saint-Arroman et Lamotte, et pour chacune d'elles, une valeur en immeubles de 16,000 fr.

Après la mort du sieur Jourdan, ces deux dernières attaquèrent ce partage; elles en provoquèrent la rescision et la nullité pour cause de lésion, et comme ayant été fait au mépris de l'art. 857 du Code civil, aux termes duquel le légataire ne peut exercer ses droits sur les objets donnés en avancement d'hoirie, dont le rapport n'est dû qu'entre cohéritiers, mais seulement sur les biens qui se trouvent en la possession du père à l'époque de son décès.

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La dame Sabatier résista à cette demande : elle prétendit que le testament devait être exécuté. Néanmoins la nullité du partage fait par le sieur Jourdan fut prononcée par jugement du tribunal civil de Bagnères, en date du 17 août 1818, par le motif « qu'aux termes de l'art. 857 du Code civil, le rapport n'est dû par le cohéritier qu'aux autres cohéritiers, et non au légataire, ce qui est conforme encore à l'arrêt de la Cour de cassation du 30 décembre 1816, et qu'ainsi le legs du préciput fait par le père commun, en faveur de la dame Sabatier sa fille, ne pouvait être pris que sur les biens seulement qui étaient au pouvoir du sieur Jourdan père lors de son décès, etc...».

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La dame Sabatier appela de ce jugement devant la Cour d'appel de Pau, qui le réforma par arrêt du 2 juin 1821, et ordonna que la portion disponible léguée à la dame Sabatier par le testament de son père serait fixée sur la masse påtrimoniale, composée non seulement des biens qui étaient en la possession du testateur à son décès, mais encore des biens par lui donnés en avancement d'hoirie, lesquels y entreraient fictivement, etc. → Cette Cour donna pour mo÷ tifs de sa décision, & sur la question relative au moyen pris de ce qu'il y aurait excès dans les dispositions faites en faveur de la dame Sabatier, en ce que le testateur aurait réglé la quotité disponible non seulement sur les biens qu'il a laissés à son décès, mais encore sur ceux dont il avait déjà disposé en avancement d'hoirie; -- Que, pour la solution de cette question, il convient de la subdivi

ser, et d'examiner ro comment la masse de la succession doit être composée, pour calculer la quotité disponible; 2o sur quels biens cette quotité, une fois fixée, doit être prise;

« En ce qui touche la composition de la masse qui doit être formée pour la fixation de la quotité disponible, que l'ar ticle 922 du Code civil porte « que la réduction se détermine « en formant une masse de tous les biens existans au décès « du donateur ou testateur; on y réunit fictivement ceux a. dont il a été disposé par donations entre vifs, d'après leur

état à l'époque des donations, et leur valeur au temps du « décès du donateur; on calcule sur tous ces biens, après « en avoir déduit les dettes, quelle est, eu égard à la qua«lité des héritiers qu'il laisse, la quotité dont il a pu dis« poser »;—Qu'il a été prétendu que cet article était inapplicable à l'espèce, 1o parce qu'il est modifié par l'art. 857 du Code civil, lequel, en déclarant que le rapport n'est pas dû aux légataires, exclut les biens donnés en avancement d'hoirie de la masse qui doit être formée pour fixer la quotité disponible réclamée par les légataires; 2o parce que cet article, qui se trouve dans le titre des réductions des donations et legs, ne s'applique que dans le cas seulement où il y a lieu ly à réduction, et non dans les autres cas;

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« Que, relativement à l'objection prise de l'art. 857, il est à remarquer que, dans le sens de cet article, par le mot rapport, l'on doit entendre, ainsi que l'enseignent les adteurs du Nouveau Répertoire, l'acte par lequel les héritiers qui ont été avantagés par le défunt remettent à la masse de la succession ce qui leur a été donné pour être compris dans le partage; Mais de ce que cet article ne veut pas que les héritiers remettent à la masse, en faveur des légataires, les biens qu'ils ont reçus, il ne s'ensuit pas que l'on ne doive pas faire entrer fictivement ces biens dans la masse pour la fixatión de la quotité disponible;-Qu'il est certain que, si l'art. 922 a déclaré que les biens précédemment donnés n'entreraient dans la masse que fictivement, c'est précisément parce qu'il supposait que ces biens n'étaient pas sujets au rapport,

car s'ils eussent été sujets au rapport, ils eussent été réunis à la masse réellement, et non pas fictivement : d'où il suit que l'art. 857 ne fait aucune restriction à l'art. 922; qu'il est certain, au contraire, que ces deux articles se concilient parfaitement, et que même le dernier est la conséquencé et le complément du premier;

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« Que, relativement à l'objection prise de ce que l'article 922 ne s'applique que lorsqu'il y a lieu à réduction, la réserve et la quotité disponible sont corrélatives, de telle sorte que la fixation de l'une est nécessairement la fixation de l'autre le législateur, en traçant le mode à suivre pour la fixation de la réserve, lorsqu'elle est réclamée par les héritiers, a donc tracé, en même temps, celui qui doit être suivi lorsque les légataires réclament la portion disponible: aussi l'article 922 est-il la seule disposition du Code qui règle comment la masse doit être composée pour évaluer la quotité dis. ponible;-Que si, pour la fixation de la quotité disponible, la masse ne devait pas être également composée, soit que les légataires réclament leurs legs, soit que les héritiers réclament leur réserve, il enrésulterait que la quotité disponible augmenterait ou décroîtrait, selon que la délivrance serait deman

dée

par les héritiers ou les légataires, ce qui serait contraire à la disposition finale de l'art. 922 et aux dispositions des articles 913 et 915 du Code civil, qui ne font dépendre le plus ou le moins d'étendue de la quotité disponible que du nombre et de la qualité des héritiers;-Que d'ailleurs le législateur, qui a réglé la masse disponible et la masse indisponible, n'a pu vouloir qu'un père, en payant d'avance la réserve, entamât, par çela seul, la quotité disponible; qu'un tel système empêcherait les libéralités en ayaucement d'hoirie, qui favorisent les mariages; qu'il établirait une véritable antiJomie entre les dispositious des art. 857 et 922, et amènerait à cette conséquepce, que le testateur, afin d'assurer sa disposition, se verrait obligé d'exagérer sa libéralité, afin'de mettre par-là.ses héritiers dans la nécessité de demander la réduction, ce qui serait absurde;

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