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moulin da sieur Parrain, situé sur la rivière d'Annette; mais le tribunal correctionnel de Beauvais a fait entière abstraction de ce moyen, et il a confirmé, le 27 mai 1824, le jugement de première instance, en adoptant purement et simplement les motifs des premiers juges.

Pourvoi en cassation de la part du sieur Parrain, pour contravention à l'art. 16, tit. 2, du Code rural de 1791, ct pour violation des règles de compétence. On a dit, pour justifier ce pourvoi :

Il s'agit de savoir si l'inondation causée par les eaux d'un moulin, lorsque la hauteur du déverṣoir n'a pas été réglée par l'autorité administrative, constitue un délit ou un quasidélit; si c'est un fait passible d'une peine correctionnelle, où si ce fait peut seulement donner lieu à une action en dommages et intérêts, de la compétence des tribunaux civils? Nous réduisons la question à ces termes : car il faut écarter d'abord le prétendu règlement de 1759, que l'adversaire a invoqué devant le tribunal de Beauvais, et qu'il reproduit aujourd'hui devant la Cour. Eu effet, ce prétendu règlement n'est autre chose qu'une sentence, qu'un jugement entre parties, qui ne peut être opposé qu'à celles qui y ont figuré, qui ont été mises à même d'y faire valoir leurs droits. A l'égard du sieur Parrain, dont les auteurs n'y ont nullement été appelés, cette sentence du maître particulier des eaux et forêts est res inter alios judicata. On peut d'autant moins la lui opposer que son moulin est situé sur un autre bras de rivière, et que rien ne prouve que la quantité d'eau nécessaire pour faire alimenter les moulins dont parle cette sentence soit suffisante pour faire marcher le moulin de Saint-Rieul.Vainement dit-on que la sentence dispose d'une manière générale, et que les officiers des eaux et forêts pouvaient faire des règlemens. D'abord le droit de faire des règlemens ap partenait plus éminemment aux grands-maîtres qu'aux maîtres particuliers des eaux et forêts. Ensuite les officiers forestiers pouvaient bien faire des règlemens, dans l'exercice de leurs fonctions administratives; mais ils n'en faisaient jamais

dans l'exercice de leur pouvoir judiciaire; le droit de disposer par voie réglémentaire et jugement était une prérogative qui n'appartenait;qu'aux parlemens. Mais ce qui écarte plus invinciblement la sentence de 1759, c'est que ni le tribunal de Senlis ni celui de Beauvais n'ont fondé leurs décision sur ce prétendu règlement; ils l'ont reconnu inapplicable, ou, pour mieux dire, ils l'ont passé sous silence; ils ont raisonné comme s'il n'existait pas; et, sous ce rapport, c'est un fait, c'est un acte qu'ils ont souverainement apprécié.

Les tribunaux de Senlis et de Beauvais ont donc examiné et résolu la question dans les termes où nous l'avons posée; ils ont décidé que l'inondation causée par la trop grande élévation des eaux d'un moulin constituait un délit correctionnel, encore que la hauteur du déversoir n'eût pas été réglée · par l'autorité administrative. Or, en jugeant ainsi, ces tribunaux nous paraissent avoir enfreint les lois de la matière.

La solution de la difficulté réside dans les art. 15 et 16 de la loi du 6 octobre 1791 et dans l'art. 457 du. Còde pénal. Rappelons d'abord ces différens textes. L'art 15 de la loi du 6 octobre 1791 est ainsi conçu : « Personne ne pourra inonder volontairement l'héritage de son voisin, ni lui a transmettre les eaux d'une manière nuisible, sous peine de payer le dommage, et une amende qui ne pourra excé«der la somme du dédommagement. » Cet article pose en principe général que nul ne peut, sans délit, inonder l'héritage de son voisin; il n'exige nullement que la hauteur du déversoir ait été déterminée par l'autorité administrative; et si aucune dérogation n'avait été faite à la règle qu'il établit, il n'est pas douteux que le jugement dénoncé serait à l'abri de la censure. Mais après l'art. 15 vient immédiatement l'art. 16 de la même loi, dont voici la disposition: « Les propriétaires ou fermiers des moulins et usines cona struits ou à construire seront garans de tous dommages que « les eaux pourraient causer aux chemins et aux propriétés par la trop grande élévation du déversoir ou autrement.

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Ils seront forcés de tenir les eaux à une hauteur qui ne nuise à « personne et qui sera fixée par le directoire du département, d'après l'avis du directoire du district. En cas de contra« vention, la peine sera une amende qui ne pourra excéderla somme du dédommagement. » Deux observations se présentent sur cet article: d'abord, il est spécial aux proprié taires de moulins et usines; ensuite il se borne à déclarer le propriétaire d'un moulin ou d'une usine garant des dommages que les eaux pourraient causer par la trop grande élévation du déversoir ou autrement. Il ne prononce contre lui de peine qu'autant qu'il existe un règlement de l'autorité administrative qui détermine la hauteur des eaux, et que l'inondation a été la suite de la contravention à ce règlement. Alors seulement il y a délit; dans le premier cas, il n'y a que quasi-déļit, c'est une simple responsabilité civile que la loi établit. Ainsi l'art. 16 déroge manifestement, en faveur des propriétaires d'usines et de moulins, à la disposition géné rale de l'art. 15. Tandis que, dans l'art. 15, le législateur qualifie délit et punit d'amende toute inondation occasionée par la trop grande élévation du déversoir d'un étang, d'un cours d'eau, d'une rivière, sans examiner si la hauteur de ce déversoir a été ou non réglée par l'autorité ; l'art. 16 ne voit de délit dans l'inondation causée par la trop grande élévation des eaux d'un moulin ou d'une usine que dans le cas où un arrêté de l'autorité administrative avait fixé la hauteur de ees eaux. Tel est le sens littéral et évident des art. 15 et 16 du Code rural de 1791.

Maintenant, quelle est la raison de la différence que ce Code établit entre les propriétaires d'étangs, de cours d'eau de rivières, et les propriétaires d'usines et de moulins? Pourquoi cette sévérité à l'égard des premiers, et, en faveur des seconds, pourquoi cette indulgence? Nous pourrions nous borner à répondre que, lorsque la loi est claire, il est superflu de rechercher l'esprit qui en a dicté les dispositions, Mais, au reste, le motif de la distinction est sensible; il est dans la nature même des choses; l'esprit de la loi est ici en

parfaite harmonie avec son texte; il n'est personue qui n'aperçoive une différence entre l'inondation occasionée parle débordement d'un étang ou d'une rivière, et celle qui peut être le résultat de la surélévation du déversoir d'une usine on d'un moulin. L'irruption d'une masse d'eau, telle que celle qui est ordinairement contenue dans un étang ou une rivière, présente un danger très-grave; elle peut avoir les conséquences les plus funestes pour les propriétés et pour les personnes. C'est pour ce motif que le législateur a usé de rigenr; il a voulu prévenir une négligence dont les suites peuvent être désastreuses, en punissant cette négligence comme un délit : il n'a donc pas dû distinguer entre le cas où la hauteur des eaux à été fixée et celui où elle n'a point été déterminée par l'autorité administrative. Mais en est-il de même de l'inondation causée par la trop grande élévation du déversoir d'un moulin ou d'une usine? Le débordement des eaux nécessaires pour alimenter une usine ou un moulin pent-il faire concevoir les mêmes craintes? A-t-il dú exciter au même degré la sollicitude du législateur? On ne saurait le penser. Sans danger pour la vie des hommes, le débordement des eaux d'une usine ou d'un moulin ne peut être que légèrement dommageable pour les propriétés, en raison du volume peu considérable de ces eaux. Le législateur a donc cru avoir accordé une garantie suffisante aux propriétaires voisins, au moyen de l'action civile en dommages et intérêts qu'il leur a réservée; il n'a regardé le propriétaire d'usines ou de moulins comme délinquant, il ne lui a infigé de peine qu'autant que l'inondation aurait été, de sa part, le résultat d'une infraction à un règlement qui aurait fixé la hauteur de ces eaux, parce qu'alors seulement la négligence du meunier ou de l'usinier acquiert une gravité qui lui donne le caractère d'un délit.

Le demandeur a cherché ensuite à s'appuyer de l'autorité de deux arrêts de la Cour de cassation, rendus dans deux espèces analogues, les 2 février 1816 et 25 janvier 1819 (.

(1) Le premier arrêt est rapporté dans ce Journal, tom. 3 de 1817,

Il est nécessaire, a-t-il dit, pour apprécier ces décisions qui préjugent la question en notre faveur, de se fixer sur le véritable sens de l'art. 457 du Code pénal. La généralité des termes de cet article avait d'abord fait penser à la Cour qu'il abrogeait la distinction créée par les articles 15 et 16 du Code rural entre les propriétaires d'étangs et rivières et les propriétaires d'usines et de moulins, et qu'il abrogeait cette distinction en ce sens, que l'inondation causée soit par les eaux d'un étang, soit par celles d'un moulin, ne pourrait désormais constituer un délit que dans le cas où il existerait un règlement qui aurait déterminé la hauteur des eaux, sauf, toutefois, l'action civile en dommages et intérêts de la part du propriétaire dont l'héritage aurait été inondé. Cette idée a servi de base à l'arrêt du 2 février 1816. Mais la Cour régulatrice n'a point tardé à reconnaître, par

p. 146. Voici l'espèce du deuxième arrèt.—Un sieur Blaise Gueron, propriétaire d'un étang qui'avait causé du dommage par son débordement, avait été renvoyé par le tribunal correctionnel de Troyes de la plainte formée contre lui, parce que, la hauteur du déversoir de son étang n'ayant point été déterminée par l'autorité administrative, il n'existait pas de disposition pénale qu'on pùt lui appliquer. Sur le pourvoi du procureur du roi près ce tribunal, ARRÊT de la section criminelle, du 23 janvier 1819, par lequel : — «LA COUR, -Vu les art. 15 et 16 du titre 2 de la la loi du 16 octobre 1791, sur la police rurale, vu aussi l'art. 457 du Code pénal, Considérant que ledit article 15 contient des dispositious prohibitives; que, par la première, il est défendu d'inonder l'héritage de son voisin ; que cette défense générale s'applique à toutes espèces d'inondations sur lesquelles il n'est point disposé spécialement, et quels qu'en aient été les moyens; que, par la deuxième, qui est différente de la première, puisqu'elle en est séparée par une particule disjonctive, il est défendu de transmettre les eaux à l'héritage de son voisin d'une manière nuisible; que cette prohibition particulière, qui ne suppose pas une inondation, u'est relative qu'aux dommages que peuvent causer des eaux daus le cours qu'on leur a donné, ou dans un cours naturel auquel on aurait fait produire des effets nuisibles par des moyens quelconques ; que la contravention à ces deux prohibitions est punie, par ledit article, d'une amende qui peut être portée jusqu'à la somme du dédommagément»; qu'elle constitue conséquemment un délit de la compétence de la juri

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