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Cour de Paris, M. Desèşe président, MM. Mollot et DeLangre avocats, par lequel:

« LA COUR, -Faisant droit sur l'appel des sieur et demoiselle Ricordeau du jugement rendu par le tribunal civil de Paris, le 21 février 1824;-Considérant que Dumarest, maudataire salarié des sieur et demoiselle Ricordeau, ayant vendu à Cléret les inseriptions dont il s'agit, pouvait et devait toucher le prix de la vente dans les trois jours qui ont suivi le transfert et précédé la disparition de Cléret; Qu'il y a de sa part une faute dont il doit la réparation; A Mis et MET l'appellation et le jugement dont est appel au néant; Emendant, décharge les appelans des condamnatious contre eux prononcées; Au principal, condamne Dumarest à rembourser aux sieur et demoiselle Ricordeau la somme de 4,140 fr., montant, au cours de la place, du transfert fait le 29 juillet 1825, par Dumarest à Cléret,· de la rente de 225 fr. dont il s'agit, au moyen duquel remboursement, subroge, en tant que de besoin, ledit Dumarest dans tous les droits et actions des sieur et demoiselle Ricordeau. >>

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COUR D'APPEL DE ROUÉN.

La femme qui n'a pas pris d'inscription pour conserver son hypothèque légale pendant les deux mois de l'exposition du contrat de vente des biens de son mari peut-elle néanmoins exercer ses droits sur le prix resté dans les mains de l'acquéreur? (Rés. aff.) Cod. civ., art. 2135 et 2195.

Le peut-elle lors méme que son mari, vendeur, a transporté le prix à un tiers qui a fuit signifier son transport à l'acquéreur? (Rés, aff.) Cod. civ., art. 1690 et 2166.

LA DAME TARDIF, C. DUFOUR.

Nous avons soutenu l'affirmative de la première question dans ce Journal, t. 3 de 1823, p. 281, en rapportant un arrêt de

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la Cour de Metz, du 5 février 1823, qui avait jugé le contraire. Mais déjà la Cour royale de Grenoble avait, le 8 juillet 1822, consacré notre opinion. (V. tom. 1 de 1824, p. 69.) Voici un nouvel arrêt rendu dans le même sens.

Par contrat da 17 juin 1822', le sieur Auguste Tardif a vendu une maison, qu'il possédait à Rouen, au, sicur Alexandre Tardif son frère, moyennant, la somme de 38,100 fr. Ce contrat a été transcrit et exposé dans l'auditoire du tribunal, le 27 du même mois, en sorte que les deux mois pendant lesquels l'exposition devait avoir lieu expiraient le 27 août suivant.

Il faut remarquer que l'épouse du vendeur avait contre son mari des reprises à exercer, pour raison desquelles la loi lui accordait une hypothèque légale. Mais elle ne prit aucune inscription.

Dès le 24 juillet, le sieur Auguste Tardif avait transporté à la dame Dufour de Longuerne, qui avait acheté quelques créances sur lui, les 38,101 fr. ; et cette dame avait, le 1er août, pendant les deux mois de l'exposition, fait signifier sa cession ou transport à l'acquéreur.

Cependant ce dernier n'avait pu encore se libérer de son prix, à cause de plusieurs inscriptions qui grevaient la maison, lorsque la dame Auguste Tardif, qui avait obtenu sa séparation et fait liquider ses reprises, forma, dans les mains de l'acquéreur, une saisie-arrêt pour le montant de sa dot.

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De son côté, la dame Dufour de Longuerne, cessionnaire du prix de la vente, en réclama le paiement; mais elle fut mise en cause sur la demande en validité de la saisie-arrêt de la dame Tardif, et les parties se trouvèrent en présence.

La dame Tardif sontint que, tant que l'acquéreur ne s'était pas dessaisi du prix de la vente, elle avait le droit d'exercer son hypothèque légale sur ce prix, quoiqu'elle n'eût pas formé d'inscription, et que la dame Dufour de Longuerne ne pouvait avoir plus de droits que son cédant, qui était obligé de souffrir l'exercice de cette hypothèque.

La dame Dufour de Longuerne répondit que l'immeuble vendu avait passé dans les mains de l'acquéreur affranchi de l'hypothèque légale de la dame Tardif, qui n'aurait pu conserver un droit de suite qu'en formant inscription dans les deux mois de l'exposition du contrat."

Cette défense fut accueillie par un jugement du tribunal civil de Rouen, dont voici les motifs : « Attendu qu'à l'appui de sa prétention, la dame Tardif invoque les art. 2121, 2134 et 2155 du Code civil, et qu'elle en induit que la vente faite par son mari de la maison acquise par Tardif aîné, et le transport que le premier a fait du prix de cette maison, n'ont pu nuire aux droits qui lui sont acquis du jour de son contrat de mariage; que, si l'on peut justement induire des art. 2121, 2134 et 2135 que la femme, pour acquérir une hypothèque légale sur les biens de son mari, est dispensée de prendre inscription, parce que cette hypothèque existe indépendamment de cette formalité, c'est une grave erreur de prétendre que, pour la conservation de cette hypothèque, elle soit dispensée d'inscrire dans le cas où, comme dans l'espèce, le mari a vendu l'immeuble légalenient grevé, et que F'acquéreur a rempli les formalités indiquées pour la purge des hypothèques légales, parce que, si la loi donne une hypothèque légale à la femme, la loi l'oblige à la conserver dans les cas qu'elle détermine, et elle la lui fait perdre si elle néglige de se conformer à ce qu'elle lui prescrit; ~ "Que, s'il en était autrement, ce şerait en vain que l'acquéreur ferait transcrire son contrat d'acquisition, et qu'il remplirait les formalités indiquées par les art. 2193, 2194 et 2195, puisque, quelque précaution qu'il prît, ces articles seraient sans effet pour lui ;-Que la purge des hypothèques légales deviendrait impossible à opérer, et que l'immeuble en resterait toujours grevé, en sorte que la femme, de concert'avec le mari, pourrait impunément garder le silence pendant les deux mois qui saivraient la transcription et l'af fiche da contrat, inspirer ainsi à l'acquéreur de bonne foi la confiance ou que la femme n'a rien à réclamer sur l'im

neable vendu par son mari, ou que ses droits sont garantis l'ailleurs, ou qu'elle en est remplie, le mettre par cela même lans la nécessité de verser son prix aux mains du mari venleur, pour ensuite le dépouiller de l'immeuble ou lui en faire payer une seconde fois le prix; - Attendu que la lói, qui veille pour tous, loin d'avoir dispensé la femme de prendre uscription pour la conservation de son hypothèque légale lans le cas de vente d'immeublés par le mari, l'a, au conraire, obligée à remplir cette formalité dans les deux mois. le la transcription et de la publicité donnée au contrat; que ees dispositions sont formelles et que la femme qui ne s'y conforme pas perd son hypothèque légale ; qu'elle ne peut recourir que contre son mari pour le recouvrement de ses Iroits, et non sur l'acquéreur et les créanciers : d'où suit que la dame Tardif est mal fondée dans sa prétention et doit en être déboutée. »

Appel de la part de la dame Tardif.

Elle a d'abord rappelé toute la faveur dont les lois ont constamment environné la dot des femmes: Reipublicæ interest mulieres dotes salvas habere. C'est dans le même esprit que l'art. 2135 du Code civil veut que l'hypothèque légale de la femme existe indépendamment de toute inscription.

Qu'importe que, pour plus de garantie, la loi charge le mari, les parens, le procureur du roi, de former des inscriptions au nom de la femme: le sort de l'hypothèque légale He dépend pas de la vigilance de ces personnes. Qu'elles agissent ou n'agissent point, cette hypothèque n'en existe pas moins, et les créanciers ne peuvent s'en plaindre: car, en contractant avec le mari, ils ont connu ou dû connaître sa condition.

Cependant la position du tiers détenteur a dû exciter la sollicitude du législateur. De là les art. 2195, 2194 et 2195 du Code civil, qui indiquent les formalités à remplir pour purger les hypothèques Jégales, et qui portent qu'à défaut d'inscription de la part de la femme, daus les deux mois de l'exposition du contrat, les immeubles vendus passent à

l'acquéreur sans aucune charge à raison des dots, reprises, etc. Mais, il faut bien le remarquer, ce n'est qu'à l'égard de l'acquéreur, ou plutôt de l'immeuble, que l'hypothèque est éteinte. La loi ne dispose que pour lui seul. Il est libre de ne pas remplir les formalités prescrites : alors il reste grevé de l'hypothèque légale. A-t-il, au contraire, observé les formalités prescrites, l'immeuble devient libre dans ses mains. S'il paie, il n'aura rien à craindre, même de la part de la femme; mais tant qu'il c -conservera le prix dans ses mains, chacun des créanciers y participera selon l'ordre de ses hypothèques régulièrement inscrites, et la femme est dispensée d'inscription.

Nulle distinction à faire, sous ce rapport, entre l'immeuble et le prix. Le prix est l'immeuble lui-même. Chacune des hypothèques s'est convertie en action sur ce prix. La fiction est bien connue ; elle fait toute la base du système hypothécaire. Autrement, il n'y aurait jamais que des créanciers chirographaires.

Telle est l'opinion admise par tous les auteurs, et notamment par M. Persil, Régime hypothécaire, pag. 392, et Questions sur les Priviléges et Hypothèques, tom. 2, pag. 82; M. Delvincourt, Cours de Code civil, tom. 2, pag. 691; enfin, M. Grenier, Traité des Hypothèques, tom. I, pag. 595, no 266. Ce magistrat a rétracté, il est vrai, cette opiion dans le tom, 2 de son ouvrage (pag. 427, no 490), en cédant à l'autorité d'un arrêt de la Cour de cassation, du 21 novembre 1821, rendu en matière d'expropriation forcée (1); mais les motifs de cet arrêt, en l'approfondissant, ne sont pas applicables au cas d'une vente volontaire, et ne détruisent nullement les raisons développées par M. Grenier à l'appui de sa première opinion.

Au surplus, ajoutait l'appelante, il est évident que, dans l'espèce, le mari n'a pu déléguer le prix de son immeuble au préjudice de sa femme, lui qui était chargé de prendre in

(1) Voyez ce Journal, tome 1er de 1822, page 529.

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