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Le général Crewe demande la nullité de l'emprisonnement, et s'appuie sur ce que le sieur Brunet, ayant cessé d'être Français, en se faisant naturaliser en Angleterre, ne pouvait profiter du privilége accordé par cette loi. Brunet ne contesta pas le fait de cette naturalisation, et la Cour royale de Rouen, croyant qu'elle avait été complète, le considéra comme dépouillé de la qualité de Français, aux termes de l'art. 17 du Code civil, et ordonna la mise en liberté de son débiteur, par arrêt du 17 août 1817 (1).

Cet arrêt fnt cassé le 19 janvier 1819 (2), sur le motif que, d'après les publicistes anglais, la naturalisation n'est acquise en Angleterre que par acte du parlement, que la dénization, qui s'y accorde par de simples lettres-royaux n'y est considérée que comme une concession de l'exercice de certains droits et libertés interdits aux étrangers, qui commence la naturalisation, mais qui ne l'accomplit pas, et dès lors n'est pas suffisante pour opérer la pérté de la qualité de Français et des droits y inhérens.

Sur le renvoi de l'affaire à la Cour royale de Paris, arrêt dans le même sens, du 17 juillet 1820 (3), contre lequel se pourvoit à son tour le général Crewe.

Trois moyens ont été présentés par le demandeur en cassation; mais nous ne dirons rien du premier, fondé sur un fait dont l'existence n'a point été prouvée.

président du tribunal de première instance dans lequel se trouvera l'étranger non domicilié pourra, s'il y a de suffisans motifs, ordonner son arrestation provisoire sur la requête du créancier français.-Art. 3. L'arrestation provisoire n'aura pas lieu ou cessera, si l'étranger justifie qu'il possède sur le territoire français un établissement de commerce ou des immeubles, le tout d'une valeur suffisante pour assurer le paiement de la dette, ou s'il fournit pour caution une personne domiciliée et reconnue solvable. Voy. sur ce dernier article le 16e du Code civil et le 167o du Code de procédure civile.

(1) V. ce Journal, tom. 1 de 1818, pag. 197.

(2) Ibid., tom. 1 de 1819, pag. 477•.

(3) Ibid., tom. 3 de 1820, p. 70.

Le deuxième moyen se tirait d'une prétendue violation des dispositions législatives qui ordonnent que, si deux magistrats proches parents sont du même avis dans une délibération, leurs voix ne soient comptées que pour une seule. Les anciennes règles qui, d'après l'édit de Louis XIV du mois d'août 1669, un autre édit du mois de janvier 1631 et une déclaration du 3 septembre 1728, défendaient que des 5 parens ou alliés jusqu'au degré d'oncle et de neveu inclusivement fussent simultanément membres du même tribunal sans lettres de dispense, et qui, alors même qu'ils étaient dispensés, prescrivaient la confusion de leurs suffrages, lorsqu'ils partagaient la même opinion, se trouvent maintenues aujourd'hui par un avis du conseil d'Etat, du 17 mars 1807, approuvé par le chef du gouvernement, le 23 avril suivant, et par l'art. 63 de la loi du 20 avril 1810, qui a abrogé l'incompatibilité plus étendue établie par l'article 9 de la loi du 2-11 septembre 1790, et par l'art. 207 de la constitution du 5, fructidor an 3 (Voir sur cette matière le Répertoire de M. Merlin, aux mots Opinion, ne 8, et Parenté, no 6).

Ces principes ont été méconnus, disait-on pour le général Crewe, en ce que l'arrêt dénoncé, auquel avaient participé MM. Lechanteur père et fils, ne faisait pas mention de leurs suffrages respectif; de sorte qu'il était impossible de justifier d'une manière légale s'ils avaient été comptés régulièrement..Sans doute il n'est nécessaire d'aucune énonciation pour que l'on considère un arrêt comme ayant été rendu à la pluralité des suffrages, en conformité de l'art. 116 du Code de procédure civile, parce qu'alors il s'agit du mode ordinaire de recueillir les voix; mais quand une formalité toute spéciale est imposée, quand une márche particulière et inusitée doit être suivie, son accomplissement ne saurait se présumer il faut que la preuve s'en trouve dans l'arrêt, qui doit contenir en lui-même tous les élémens de sa validité. Et qui pourrait contester cette nécessité, lorqu'il est consacré par la jurisprudence de

la Cour de cassation qu'un arrêt est nul, s'il ne mentionne pas qu'il a été rendu publiquement (1), encore bien qu'aucun texte de loi ne prescrive cette énonciation.

Le troisième moyen présenté par le demandeur reposait sur une violation de l'art. 17 du Code civil, que la Cour de Paris aurait commise en admettant entre la dénization et la naturalisation par acte du parlement une distinction non établie par la loi. Le général Crewe produisait à l'appui de son recours deux pièces qu'il s'était procurées depuis.

La première était la copie certifiée à Londres, le 19 mai 1821, d'un acte de naturalisation du parlement, sanctionné par le roi, le 22 juin 1819 en faveur de Samuel-Dominique de Luigi, né à Parme en Italie; et il prétendait induire du rapprochement de cette pièce avec le diplôme de dénization obtenu par Brunet en 1806 que les clauses de l'un étaient en tout point conformes à celles de l'autre.

La seconde était une réponse non datée, mais légalisée par le consul général de France, le 20 juin 1821, du procureur général et du solliciteur général de Sa Majesté Britannique, à une pétition que le général Crewe avait présentée, le 10 novembre 1820, à sir Charles Stuart, ambassadeur d'Angleterre en France, pour obtenir de lui un acte de notoriété, constatant que la Cour royale s'était trompée cn supposant, entre la dénization et la naturalisation proprement dite, une différence qui n'était pas admise par la jurisprudence des tribunaux anglais, mais que sir Stuart avait renvoyée à ces personnages comme autorités compétentes. « Un dénizen, lit-on dans cette réponse, devient par sa patente sujet britannique, dans toute l'étendue de ce terme. Il est classé par ceux-ci, et devient nécessairement an membre de la nation britannique ; et en conséquence il peut poursuivre devant la Cour de ce pays ou y être poursuivi de la même manière qu'une personne née.

(1) Voir notamment un artêt de cette Cour da 19 mai 1813, tom. 3 de 1815, p. 542.

dans les Etats du roi de la Grande-Bretagne, quoiqu'il ne puisse prétendre à tous les priviléges d'un sujet naturel et né tel. Les exceptions sont désignées dans les lettres patentes de dénization. De la même manière une personne naturalisée par acte da parlement devient par-là un sujet britannique; mais elle n'a pas non plus droit à tous les priviléges d'un sujet naturel et né tel. Les exceptions sont détaillées dans l'acte qui le naturalise, et sont, en général, à peu de chose près, les mêmes que celles qui sont contenues dans la patente de dénization. Il n'y a qu'une seule différence essentielle entre la personne naturalisée par dénization et celle qui l'est par un acte du parlement. Dans le premier cas, la naturalisation ne compte que de la date de la patente; et dans le dernier cas, elle a un effet rétroactif. Suivant les lois anglaises, le dénizen doit précisément la même fidélité au roi de la Grande-Bretagne, de la même manière et dans la même extension, qu'une personne naturalisée par acte du parlement, ou un sujet naturel né tel. Signe R. GIFFORT, procureur général de Sa Majesté ; J. S. COPLEY, solliciteur général de Sa Majesté. »

Ces documens ne pouvaient être d'un grand poids dans la décision de la cause. En effet, le prétendu acte de notoriété était dans une forme que notre législation ne permettait pas de regarder comme légalement probante, et il était d'ailleurs, en quelque sorté, contredit par l'acte de naturalisation accordé à Luigi en 1819, qui différait notamment de l'acte de dénization obtenu en 1866 par Brunet; en ce que, par celui-ci, Brunet était seulement déclaré habile à acquérir, posséder, aliéner, donner, LÉGUER et recevoir par donation, des immeubles situés dans la Grande-Bretagne, au lieu que par celui-là Luigi était de plus déclaré apte, sous tous les rapports, à tous effets et sous toutes conditions quelconques à HÉRITER, c'est-à-dire à recueillir des successions ab intestat, capacité dont la loi d'Angleterre exclut les étrangers, ceux même qui sont dénizés, comme n'ayant pas, suivant l'expression du publiciste anglais, le sang qui fait hèri

tier (inheritable blood). Pour pouvoir recueillir une succession immobilière ab intestat,'il faut, dit Rlacsk tone, liv. 2, chap. 15, de l'Acquisition par échette, pag. 88, traduit de Chompré, édition de 1823, que l'héritier n'ait pas cessé un instant dans sa vie de jouir de la plénitude des droits civils, et la loi seule peut purger l'incapacité qui résulte de l'extranéité ou de toute autre cause, telle que la bâtardise, la mort civile, la naissance même de l'enfant d'un dénizé avant la dénization de son père. La prohibition d'hériter à l'égard du déuizé s'accorde donc parfaitement, suivant ces principes, avec l'impuissance, où sont les lettres de dénization de produire un effet rétroactif, ainsi qu'on le reconnaît, même dans la réponse du procureur général et du solliciteur général de Sa Majesté Britannique.

M. Merlin, qui, dans son supplément au Répertoire, vo Denization, tom. 16, pag. 17, présente cette critique des pièces produites par le général Crewe, y émet, l'opinion qu'en les supposant convaincantes ils ne pouvait s'en prévaloir devant la Cour de cassation, et y puiser un motif de reproche contre l'arrêt de la Cour de Paris, à laquelle il n'avait pu en être donné connaissance.

Cette objection nous paraîtrait sans réponse, si les actes nouvellement produits devant la Cour régulatrice.avaient eu pour objet de donner naissance à un moyen sur lequel la Cour royale n'aurait pas prononcé ni pu prononcer, ou bien encore d'établir la preuve contraire d'un fait que la Cour dont l'arrêt était dénoncé aurait été dans la néces sité d'admettre, d'après les élémens de l'instruction (1). Mais

(1) On trouve un exemple de ce dernier ças dans l'espèce d'un arrêt de la Cour de cassation, du 22 mars 1819, rapporté dans les Questions de droit, vo Etranger, § 4, t. 3, p. 20. Le sieur Swan, étranger, avait été arrêté en vertu de la loi du 10 septemdre 1807, à la requête de plusieurs créanciers, du nombre desquels était un sieur Lubbert, qualifié dans tous les actes de la procédure de natif de Bordeaux, et dont la naissance en cette ville était constatée par un acte de baptême én forme authentique. Il se pourvut en cassation contre un arrêt de la Cour de París, do

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