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cun porta à la masse générale son industrie et ses talens. Mais qu'il y a loin de là à l'organisation de la société, telle que nous la voyons aujourd'hui, et que d'institutions il fallut essayer avant d'établir leurs rapports et de connaître les secours mutuels qu'elles pourraient se prêter ! Les arts nés de nos premiers besoins, comme l'agriculture, ayant précédé tous les autres, le souvenir du premier qui inventa un instrument utile, était perdu depuis long-tems, lorsqu'on eut l'idée de transmettre les noms de ceux qui avaient rendu quelque service à la société.

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Ajoutons qu'il y a dans plusieurs instrumens une complication de choses dont la réunion exigea des siècles et des individus différens. Telle est la charrue. Le soc, la flèche, le sep, le manche, les coutres, les roues qui la composent, ne furent inventés ni à la même époque, ni par le même individu. Celui qui imagina d'appliquer des roues à cet instrument u'en était point l'inventeur : mais il rendit un grand service en donnant à toutes les parties existantes un assemblage qui rendit leur emploi plus facile et plus prompt.

Le silence gardé par la plupart des historiens sur l'agriculture, ou le laconisme avec lequel ils en parlent, n'a donc rien d'étonnant ui de blâmable. Avouons d'ailleurs qu'il faut à la curiosité des lecteurs une série d'événemens, de guerres, d'actions éclatantes; soyons justes, ce n'est pas la faute des écrivains si ce que nous estimons le

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mieux, ce que nous apprécions le plus, n'est pas toujours ce qui nous plaît davantage.

L'estime est un sentiment froid mais durable; l'agriculture le mérite, on ne le lui refuse pas : mais c'est l'enthousiasme qui distribue les couronnes; elles sont dues aux guerriers. La carrière qu'ils parcourent est celle de l'honneur; la défense de la patrie arme leurs bras ; la gloire est leur plus douce récompense; c'est celle à laquelle ils attachent le plus de prix ; ils ont tout sacrifié pour l'obtenir. Le cultivateur reçoit la sienne dans la tranquillité dont il jouit, dans son indépendance, dans cette paix inaltérable qu'on ne goûte qu'au milieu du spectacle de la nature. Quel sacrifice a-t-il fait? Son tems? Mais il s'est écoulé rapidement dans des jouissances continuelles. Ses travaux? Ils entretinrent sa santé, l'espérance les embellit toujours. Sa fortune? Elle s'est accrue ou tout au moins conservée. Il fut toujours heureux : le bonheur et la gloire habitent rarement ensemble; le plus souvent il faut choisir entre l'un ou l'autre ; pourquoi donc exiger qu'ils se trouvent réunis ?

Telles sont les réflexions que nous croyons devoir adresser à ceux qui se plaignent du peu d'espace que l'art agronomique occupe dans les annales du monde. On a peu de matériaux pour l'histoire de l'agriculture. Les Romains honorérent cet art pendant plusieurs siècles, et les Chinois en ont fait une institution politique et reli

gieuse. Il n'eut ensuite chez la plupart des peuples que quelques momens de faveur. Il existe encore plusieurs ouvrages des Romains sur la culture des terres; mais on n'a point l'histoire proprement dite de l'agriculture, ce qui vient de la nature du sujet même ; cette histoire ne consisterait guère que dans l'exposé des diverses tentatives faites à des époques reculées, par les premières familles du genre humain, pour rendre la terre féconde et perpétuer les productions utiles. Mais si l'on voit, aujourd'hui même où les sociétés sont plus civilisées, où les esprits sont plus éclairés, si l'on voit encore si peu de cultivateurs se rendre compte par écrit de leurs opérations, on ne doit point être étonné du silence gardé par les premiers écrivains, qui étaient totalement étrangers à l'agronomie.

On ne saurait révoquer en doute l'estime qu'avaient les différens peuples pour l'agriculture, les historiens nous en ont transmis des preuves nombreuses. Les Athéniens défendaient, sous peine de mort, de tuer le bœuf qui servait à la charrue. Il n'était pas même permis de l'offrir en sacrifice. A la prise de Carthage, Rome se réserva les vingthuit livres d'agriculture du capitaine Magon ; elle les fit traduire et distribua tous les autres livres. Constantin défendit aux créanciers de saisir les esclaves, les boeufs et les instrumens de labour. Il excepta les cultivateurs de l'obligation où étaient les habitans des provinces de fournir des chevaux à ses courriers et des boeufs aux voitures publiques.

L'empereur Pertinax voulait que le champ laissé en friche appartînt à celui qui le cultiverait. Il exemptait d'impôt pendant dix ans un champ nouvellement défriché, et l'esclave qui l'ensemençait recouvrait aussitôt sa liberté. Plusieurs de nos rois, et particuliérement Henri IV, Louis XII, Louis XIV et Louis XV, rendirent des ordonnances favorables à l'agriculture. Avant ces ordonnances, l'art fut long-tems négligé ou plutôt ignoré en France jusqu'au seizième siècle, où la culture fut momentanément améliorée. Les travaux champêtres n'étaient qu'une routine aveugle transmise d'âge en âge..

On n'a peut-être point assez envisagé cette époque sous le rapport qui mérite de l'attention; je veux dire sous celui des connaissances humaines. Elles ont, dans le commencement et vers le milieu de ce siècle, fait tout-à-coup de rapides progrès, et sans les guerres civiles qui les ont arrêtées subitement, elles en auraient probablement fait davantage. Si nous nous reportons idéalement sur le sol français à l'époque dont nous parlons, nous serons obligés de convenir que les sciences avaient un bien plus grand nombre d'obstacles à vaincre qu'elles n'en ont eu depuis. Ce qui contribue à leurs progrès, c'est la facilité et la rapidité des communications. On voit maintenant d'où il faut partir. Une nouvelle découverte est aussitôt connue que faite. L'imprimerie et les journaux la propagent au loin. Dans le seizième siècle les communications étaient moins faciles et plus

lentes, les grandes routes plus rares, la navigation moins perfectionnée, l'imprimerie ne faisait que de naître. On avait alors plus de découvertes que de moyens de les publier. Ajoutons à ces obstacles les guerres civiles qui, en forçant tout le monde à se battre pour attaquer ou se défendre, durent nécessairement détruire le goût de l'étude et détourner des recherches utiles. Enfin, les préjugés religieux faisaient traiter un savant de sorcier et le condamnaient au feu. Si l'on veut être de bonne foi et rendre à Belon, à Palissy et à plusieurs autres, dont les écrits sont encore consultés avec fruit, la justice qui leur est due on est obligé de convenir que les écrivains du 16° siècle ne méritent rien moins que le mépris ou l'oubli. Quelques-uns de ceux qui leur ont succédé se sont approprié leurs dépouilles: Les plagiats littéraires (1) ont été une source de débats et de querelles. Il n'en est pas de même, à ce qu'il paraît, dans les arts et les sciences, du vol fait, soit d'une méthode, soit d'une invention, et il est probable que l'une et l'autre sont regardées comme étant le patrimoine de tout le monde dụ moins aurions-nous quelque raison de le croire.

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(1) Voici un exemple singulier d'un plagiat littéraire rapporté par de décrire M. de Landine. En 1735, l'académie de Marseille proposa les avantages que le mérite retire de l'envie. Le discours de l'abbé Moult fut couronné.

En 1746, Dijon proposa le même sujet. Vingt-deux écrits concou rurent; deux, venus de provinces différentes, se trouvèrent conformes, et chacun des deux était la fidèle copie du discours de l'abbé Moult, jusqu'à l'épigraphe,

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