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confesseur de cette princesse n'eût point d'esprit, et ne fût qu'un cagot, ignorant des véritables devoirs de chaque état. J'en juge par une lettre de madame de Maintenon à l'abbé Gobelin1, où elle lui dit : « Je suis ravie que le monde loue ce que fait le Roi. Si la Reine avoit un directeur comme vous, il n'y a pas de bien qu'on ne dût attendre de l'union de la famille royale; mais on eut toutes les peines du monde, sur la médianoche, à persuader son confesseur, qui la conduit par un chemin plus propre, selon moi, à une carmélite qu'à une reine. »

Enfin, soit par la faute du confesseur, soit la timidité de la Reine, ou par la par

violence, comme je l'ai dit, d'une passion si longtemps malheureuse, il faut avouer qu'elle n'avoit rien en elle de ce qui pouvoit la faire aimer, et qu'au contraire le Roi avoit en lui toutes les qualités les plus propres à

1. Du 2 juin 1682.

plaire, sans être capable d'aimer beaucoup. Presque toutes les femmes lui avoient plu, excepté la sienne, dont il exerça la vertu par ses galanteries; car d'ailleurs le Roi n'a jamais manqué à la considération qu'il devoit à la Reine, et a toujours eu pour elle des égards qui l'auroient rendue heureuse, si quelque chose avoit pu la dédommager de la perte d'un cœur qu'elle croyoit lui être dû.

Entre toutes les maîtresses du Roi, madame de Montespan est celle qui fit le plus de peine à la Reine, tant par la durée de cette passion et le peu de ménagement qu'elle eut pour elle, que par les anciennes bontés de cette princesse. Madame de Montespan avoit été dame du palais par le crédit de Monsieur, et elle fut quelque temps à la cour sans que le Roi fit attention ni à sa beauté, ni aux agrémens de son esprit. Sa faveur se bornoit à la Reine, qu'elle divertissoit à son coucher pendant qu'elle attendoit le Roi: car il

est bon de remarquer que la Reine ne se couchoit jamais, à quelque heure que ce fût, qu'il ne fût rentré chez elle, et, malgré tant de galanteries, le Roi n'a jamais découché d'avec la Reine.

Elle aimoit alors madame de Montespan, parce qu'elle la regardoit comme une honnête femme, attachée à ses devoirs et à son mari. Aussi sa surprise fut égale à sa douleur, quand elle la trouva, dans la suite, si différente de l'idée qu'elle en avoit eue. Le chagrin de la Reine ne fut pas adouci la conduite et les procédés de madame de Montespan, d'autant plus que ceux de M. de Montespan obligèrent le Roi, pour retenir sa maîtresse à la cour et pour lui donner des distinctions sans qu'elle les partageât avec lui, de la faire surintendante de la maison de la Reine.

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Je sais peu le détail de ce qui se passa alors au sujet de M. de Montespan; tout ce que j'en puis dire, c'est qu'on le regar

doit comme un malhonnête homme et un fou. Il n'avoit tenu qu'à lui d'emmener sa femme; et le Roi, quelque amoureux qu'il fit, auroit été incapable dans les commencemens d'employer son autorité contre celle d'un mari. Mais M. de Montespan, bien loin d'user de la sienne, ne songea d'abord qu'à profiter de l'occasion pour son intérêt et sa fortune; et ce qu'il fit ensuite ne fut que par dépit de ce qu'on ne lui accordoit pas ce qu'il vouloit. Le Roi se piqua à son tour; et, pour empêcher madame de Montespan d'être exposée à ses prices, il la fit surintendante de la maison de la Reine, laissant faire en province à ce misérable Gascon toutes ses extravagances.

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J'ai trouvé, dans les lettres de madame de Maintenon à l'abbé Gobelin qu'il y avoit eu une séparation en forme au Châtelet de Paris entre M. et madame de Montespan '.

1. Cette séparation eut lieu au mois de juillet 1676.

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Madame de Maintenon en parle par rapport à la sûreté d'une fondation que madame de Montespan vouloit faire aux Hospitalières. On voit encore par là qu'elle a dans tous les temps été occupée de bonnes

œuvres.

La mort de la Reine ne donna à la cour qu'un spectacle touchant. Le Roi fut plus attendri qu'affligé; mais comme l'attendrissement produit d'abord les mêmes effets, et que tout paroit considérable dans les grands, la cour fut en peine de sa douleur. Celle de madame de Maintenon, que je voyois de près, me parut sincère, et fondée sur l'estime et la reconnoissance. Je ne dirai pas la même chose des larmes de madame de Montespan, que je me souviens d'avoir vue entrer chez madame de Maintenon sans que je puisse dire pourquoi ni comment. Tout ce que je sais, c'est qu'elle pleuroit beaucoup, et qu'il paroissoit un trouble dans toutes ses actions, fondé sur celui de son esprit, et peut-être sur la

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