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et si délibérée, ne pouvoit plus marcher quand elle revint à la cour.

Je ne l'ai vue qu'à son retour, si changée qu'on ne pouvoit pas imaginer qu'elle eût été belle. Elle y fut quelque temps sans voir madame de Maintenon, mais elle m'envoyoit assez souvent chez elle, parce que j'avois l'honneur d'être sa parente; elle me témoignoit mille amitiés.

Insensiblement tout s'efface. Le Roi rendit à madame de Maintenon la parole qu'elle lui avoit donnée de ne jamais voir madame d'Heudicourt; et elle la vit à la fin avec autant d'intimité que si elles n'avoient jamais été séparées. Pour moi, je trouvois madame de Maintenon heureuse d'être en commerce avec une personne d'aussi bonne compagnie, naturelle, d'une imagination si vive et si singulière, qu'elle trouvoit toujours moyen d'amuser et de plaire. Cependant, en divertissant madame de Maintenon, elle ne s'attiroit pas son estime, puisque je lui ai souvent entendu dire: Je ris

des choses que dit madame d' Heudicourt, il m'est impossible de résister à ses plaisanteries; mais je ne me souviens pas de lui avoir jamais rien entendu dire que je voulusse avoir dit1.

Je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai déjà dit de madame de Montchevreuil; si ce n'est qu'elle fut la confidente des choses particulières qui se passèrent après la mort de la Reine2 et qu'elle seule en eut le secret.

Pendant le voyage de Fontainebleau qui suivit la mort de la Reine, je vis tant d'agitation dans l'esprit de madame de Maintenon, que j'ai jugé depuis, en la rappelant à ma mémoire, qu'elle étoit causée par une incertitude violente de son état, de ses pensées, de ses craintes, et de ses espérances; en un mot son cœur n'étoit pas libre, et son esprit étoit fort agité. Pour cacher ses divers mouvemens, et pour justifier les

1. Voy. plus haut, page 95.

2. Le mariage du Roi et de madame de Maintenon.

larmes que son domestique et moi lui voyions quelquefois répandre, elle se plaignoit de vapeurs, et elle alloit, disoit-elle, chercher à respirer dans la forêt de Fontainebleau avec la seule madame de Montchevreuil; elle y alloit même quelquefois à des heures indues. Enfin les vapeurs passèrent, le calme succéda à l'agitation, et ce fut à la fin de ce même voyage.

Je me garderai bien de pénétrer un mystère respectable pour moi par tant de raisons; je nommerai seulement ceux qui vraisemblablement ont été dans le secret. Ce sont M. de Harlay, en ce temps-là archevêque de Paris; M. et madame de Montchevreuil, Bontems, et une femme de chambre de madame de Maintenon, fille aussi capable que qui que ce soit de garder un secret, et dont les sentimens étoient fort au-dessus de son état.

J'ai vu, depuis la mort de madame de Maintenon, des lettres d'elle, gardées à Saint-Cyr, qu'elle écrivoit à ce même abbé

Gobelin que j'ai déjà cité. Dans les premières, on voit une femme dégoûtée de la cour, et qui ne cherche qu'une occasion honnête de la quitter; dans les autres qui sont écrites après la mort de la Reine, cette même femme ne délibère plus, le devoir est pour elle marqué et indispensable d'y demeurer : et dans ces temps différens, la piété est toujours la même.

C'est dans ce même temps que madame de Maintenon s'amusa à former insensiblement et par degrés la maison royale de Saint-Louis; mais il est bon, je crois, d'en raconter l'histoire en détail.

Madame de Maintenon avoit un goût et un talent particuliers pour l'éducation de la jeunesse. L'élévation de ses sentimens, et la pauvreté où elle s'étoit vue réduite, lui inspiroient surtout une grande pitié pour la pauvre noblesse ; en sorte qu'entre tous les biens qu'elle a pu faire dans sa faveur, elle a préféré les gentilshommes aux autres; et je l'ai vue toujours choquée de ce qu'excepté

certains grands noms on confondoit trop à la cour la noblesse avec la bourgeoisie.

Elle connut à Montchevreuil une Ursuline dont le couvent avoit été ruiné, et qui peut-être n'en avoit pas été fàchée; car je crois que cette fille n'avoit pas une grande vocation. Quoi qu'il en soit, elle fit tant de pitié à madame de Maintenon, qu'elle s'en souvint dans sa fortune, et loua pour elle une maison. On lui donna des pensionnaires, dont le nombre augmenta à proportion de ses revenus. Trois autres religieuses se joignirent à madame de Brinon (car c'est le nom de cette fille dont je parle) et cette communauté s'établit d'abord à Montmorency, ensuite à Rueil; mais le Roi ayant quitté Saint-Germain pour Versailles, et agrandi son parc, plusieurs maisons s'y trouvèrent renfermées, entre lesquelles étoit Noisy-leSec. Madame de Maintenon le demanda au Roi pour y mettre madame de Brinon avec sa communauté. C'est là qu'elle eut la pensée de l'établissement de Saint-Cyr ; elle

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