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la communiqua au Roi; et bien loin de trouver en lui de la contradiction, il s'y porta avec une ardeur digne de la grandeur de son âme. Cet édifice, superbe par l'étendue de ses bâtimens, fut élevé en moins d'une année, et en état de recevoir deux cent cinquante demoiselles, trente-six dames pour les gouverner, et tout ce qu'il faut pour servir une communauté aussi nombreuse. Si je dis des dames et non religieuses, en parlant de celles qui devoient être à la tête de cette maison, c'est que la première idée avoit été d'en faire des espèces de chanoinesses, qui n'auroient pas fait de vœux solennels; mais, comme on y trouva des inconvéniens, il fut résolu, quelque temps avant la translation de Noisy à Saint-Cyr, d'en faire de véritables religieuses on leur donna des constitutions et l'on fit un mélange de l'ordre des Ursulines avec celui des filles de SainteMarie.

On sait que, pour entrer à Saint-Cyr, il

faut faire également preuve de noblesse et de pauvreté; et fil sy glasse quelquefois des abus dans un de ces deux points, ce n'est ni la faute des fondateurs, ni celle des dames religieuses de cette maison. Le généalogiste du Roi fait les preuves de la noblesse; l'évêque et l'intendant de la province certifient la pauvreté: si donc ils se laissent tromper, ou qu'ils le veuillent bien être, c'est que tout est corruptible, et que la prévoyance humaine ne peut empêcher les abus qui se glisseront toujours dans les établissemens les plus solides et les plus parfaits.

Les louanges qu'on donneroit à celui-ci seroient foibles et inutiles; il parlera, autant qu'il durera, infiniment mieux à l'avantage de ses fondateurs qu'on ne pourroit faire par tous les éloges; et il fera toujours désirer que les rois successeurs de Louis XIV soient non-seulement dans la volonté de maintenir un établissement si nécessaire a la noblesse, mais de le multiplier, s'il est

possible, quand une longue et heureuse paix

le leur permettra.

Quel avantage n'est-ce point pour une famille aussi pauvre que noble, et pour un vieux militaire criblé de coups, après s'être ruiné dans le service, de voir revenir chez lui une fille bien élevée, sans qu'il lui en ait rien coûté pendant treize années qu'elle a pu demeurer à Saint-Cyr, apportant même encore un millier d'écus, qui contribuent à la marier ou à la faire vivre en province? Mais ce n'est là que le moindre objet de cet établissement; celui de l'éducation que cette demoiselle a reçue, et qu'elle répand ensuite dans une famille nombreuse, est vraiment digne des vues, des sentimens et de l'esprit de madame de Main

tenon.

Madame de Brinon présida, dans les commencemens de cet établissement, à tous les règlemens qui furent faits, et l'on croyoit qu'elle étoit nécessaire pour les maintenir. Mais, comme elle en étoit encore plus per

suadée que les autres, elle se laissa si fort emporter par son caractère naturellement impérieux, que madame de Maintenon se repentit de s'être donné à elle-même une supérieure aussi hautaine. Elle renvoya donc cette fille dans le temps qu'on la croyoit au comble de la faveur; car les gens de la cour, qui la regardoient comme une seconde favorite, la ménageoient, lui écrivoient, et la venoient quelquefois voir; chose qui ne plut pas encore à madame de Maintenon. Enfin, pendant un voyage de Fontainebleau, elle eut ordre de sortir de Saint-Cyr, et d'aller dans tel autre lieu qu'il lui conviendroit, avec une pension honnête.

De tous les gens qui la connoissoient, qui lui faisoient la cour auparavant, et à qui elle avoit fait plaisir, il ne se trouva que madame la duchesse de Brunswick qui la voulût bien recevoir. Elle la garda chez elle jusqu'à ce qu'elle eût écrit à madame sa tante, princesse Palatine, en ce temps-là abbesse de Montbuisson, qui voulut bien

la recevoir. Madame la duchesse de Brunswick lui fit l'honneur de l'y mener ellemême; et elle fut non- seulement bien reçue, mais bien traitée jusqu'au dernier moment de sa vie.

Madame de Maintenon, qui a toujours estimé et respecté madame la duchesse de Brunswick, respectable par tant d'autres endroits, lui sut le meilleur gré du monde de son procédé en cette occasion.

Madame de Brinon aimoit les vers et la comédie, et, au défaut des pièces de Corneille et de Racine, qu'elle n'osoit faire jouer, elle en composoit de détestables, à la vérité; mais c'est cependant à elle, et à son goût pour le théâtre, qu'on doit les deux belles pièces que Racine a faites pour Saint-Cyr. Madame de Brinon avoit de l'esprit, et une facilité incroyable d'écrire et de parler; car elle faisoit aussi des espèces de sermons fort éloquens, et, tous les dimanches après la messe, elle expliquoit l'Évangile roit pu faire M. Le Tourneur.

comme au

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