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ais je laisse Saint-Cyr et le théâtre pour revenir à madame de

Montespan, qui demeura encore à la cour quelques années, dévorée d'ambition et de scrupules, et qui força enfin le Roi à lui faire dire, par M. l'évêque de Meaux, qu'elle feroit bien pour elle et pour lui de se retirer. Elle demeura quelque temps à Clagny, où je la voyois assez souvent avec madame la Duchesse; et, comme elle venoit aussi la voir à Versailles pendant le siége de Mons, où les princesses ne suivirent pas le Roi, on disoit que madame

de Montespan étoit comme ces âmes malheureuses, qui reviennent dans les lieux qu'elles ont habités expier leurs fautes. Effectivement on ne reconnut à cette conduite ni son esprit ni la grandeur d'âme dont j'ai parlé ailleurs; et mème, pendant les dernières années qu'elle demeura à la cour, elle n'y étoit que comme la gouvernante de . mademoiselle de Blois.

Il est vrai qu'elle se dépiquoit de ses dégoûts par des traits pleins de sel et des plaisanteries amères.

Je me souviens de l'avoir vue venir chez madame de Maintenon un jour de l'assemblée des pauvres; car madame de Maintenon avoit introduit chez elle ces assemblées au commencement de chaque mois, où les dames apportoient leurs aumônes, et madame de Montespan comme les autres. Elle arriva un jour avant que cette assemblée commençàt; et, comme elle remarqua dans l'antichambre le curé, les sœurs grises, et tout l'appareil de la dévotion que madame

de Maintenon professoit, elle lui dit en l'abordant: Savez-vous, madame, comme votre antichambre est merveilleusement parée pour votre oraison funèbre? Madame de Maintenon, sensible à l'esprit et fort indifférente au sentiment qui faisoit parler madame de Montespan, se divertissoit de ses bons mots, et étoit la pre mière à raconter ceux qui tomboient sur elle.

Les enfans légitimés du Roi ne perdirent rien à l'absence de madame de Montespan. Je suis même convaincue que madame de Maintenon les a mieux servis qu'elle n'auroit fait elle-même; et je paroîtrai d'autant plus croyable en ce point, que j'avouerai franchement qu'il me semble que madame de Maintenon a poussé trop loin son amitié pour eux; non qu'elle n'ait pensé, comme toute la France, que le Roi, dans les derniers temps, les a voulu trop élever; mais il n'étoit plus possible alors d'arrêter ses bienfaits, d'autant plus que la vieillesse

et les malheurs domestiques du Roi l'avoient rendu plus foible, et madame la duchesse du Maine plus entreprenante. J'expliquerai plus au long ce que je pense sur cette matière, quand je raconterai ce qui s'est passé dans les dernières années de la vie de Louis XIV.

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M. de Clermont-Chatte, en ce temps-là officier des gardes, ne déplut pas à madame la princesse de Conti, dont il parut amoureux; mais il la trompa pour cette même mademoiselle Chouin dont j'ai parlé. Son infidélité et sa fausseté furent découvertes par un paquet de lettres que M. de Clermont avoit confié à un courrier de M. de

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Luxembourg pendant une campagne. Ce courrier portant à M. de Barbezieux les lettres du général, il lui demanda s'il n'avoit point d'autres lettres pour la cour, à quoi il répondit qu'il n'avoit qu'un paquet pour

1. Madame de Caylus a déjà raconté ces faits. Voy. page 121.

mademoiselle Chouin, qu'il avoit promis de lui remettre à elle-même. M. de Barbezieux prit le paquet, l'ouvrit, et le porta au Roi ; on vit dans ces lettres le sacrifice dont je viens de parler; et le Roi, en les rendant à madame la princesse de Conti, augmenta sa douleur et sa honte. Mademoiselle Chouin fut chassée de la cour, et se retira à Paris, où elle entretint toujours les bontés que Monseigneur avoit pour elle. Il la voyoit secrètement, d'abord à Choisy, maison de campagne qu'il avoit achetée de Mademoiselle, et ensuite à Meudon. Ces entrevues ont été longtemps secrètes; mais à la fin, en y admettant tantôt une personne, tantot une autre, elles devinrent publiques, quoique mademoiselle Chouin fût presque toujours enfermée dans une chambre quand elle étoit à Meudon. On se fit une grande affaire à la cour d'être admis dans le particulier de Monseigneur et de mademoiselle Chouin: madame la Dauphine même, bellefille de Monseigneur, le regarda comme une

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