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faveur; et enfin le Roi lui-même et madame de Maintenon la virent quelque temps avant la mort de Monseigneur. Ils allèrent dîner à Meudon, et après le dîner, où elle n'étoit pas, ils allèrent seuls avec la Dauphine dans l'entre-sol de Monseigneur, où elle étoit.

La liberté de mes souvenirs me fait revenir à M. le comte de Vermandois, fils du Roi et de madame de La Vallière, prince bien fait et de grande espérance. Il mourut de maladie à l'armée, à sa première campagne1, et le Roi donna son bien, dont il héritoit, à madame la princesse de Conti, sa sœur, et sa charge d'amiral à M. le comte de Toulouse, le dernier des enfans du Roi et de madame de Montespan.

Mademoiselle de Nantes, sa sœur, épousa M. le duc de Bourbon2; et, comme elle n'avoit que douze ans accomplis, on ne les

1. Le 18 novembre 1683.
2. Petit-fils du grand Condé.

mit ensemble que quelques années après. Ce mariage se fit à Versailles, dans le grand appartement du Roi, où il y eut une illumination et toute la magnificence dont on sait que le Roi étoit capable; le grand Condé et son fils n'oublièrent rien pour témoigner leur joie, comme ils n'avoient rien oublié pour faire réussir ce mariage.

Madame la Duchesse eut la petite vérole à Fontainebleau, dans le temps de sa plus grande beauté. Jamais on n'a rien vu de si aimable ni de si brillant qu'elle parut la veille que cette maladie lui prit : il est vrai que ceux qui l'ont vue depuis ont eu peine à croire qu'elle lui eût rien fait perdre de ses agrémens. Quoi qu'il en soit, elle courut risque de perdre encore plus que la beauté, et sa vie fut dans un grand péril; le grand Condé, alarmé, partit de Chantilly, avec la goutte, pour se renfermer avec elle, et ve

1. Mademoiselle, de Nantes, fille du Roi et de madame de Montespan, femme de M. le duc de Bourbon, fils du grand Condé.

nir lui rendre tous les soins, non-seulement d'un père tendre, mais d'une garde zélée. Le Roi, au bruit de l'extrémité de madame la Duchesse, voulut l'aller voir; mais M. le Prince se mit au travers de la porte pour l'empêcher d'entrer, et il se fit là un combat entre l'amour paternel et le zèle d'un courtisan, bien glorieux pour madame la Duchesse. Le Roi fut le plus fort, et passa outre malgré la résistancé de M. le Prince.

Madame la Duchesse revint à la vie; le Roi alla à Versailles, et M. le Prince demeura constaminent auprès de sa belle-petite-fille. Le changement de vie, les veilles et la fatigue, dans un corps aussi exténué le sien, lui causèrent la mort peu de temps après.

que

M. le prince de Conti profita des dernières années de la vie de ce héros, heureux dans sa disgrâce d'employer d'une manière aussi avantageuse un temps qu'il auroit perdu à la cour. Mais je ne crois pas

déplaire à ceux qui par hasard liront un jour mes Souvenirs, de leur raconter ce que je sais de MM. les princes de Conti, et surtout de ce dernier, dont l'esprit, la valeur, les agrémens et les mœurs ont fait dire de lui ce que l'on avoit dit de Jules César.

La paix dont jouissoit la France ennuya ces princes; ils demandèrent au Roi la permission d'aller en Hongrie : le Roi, bien loin d'être choqué de cette proposition, leur en sut gré, et consentit d'abord à leur départ; mais, à leur exemple, toute la jeunesse vint demander la même grâce, et insensiblement tout ce qu'il y avoit de meilleur en France, et par la naissance et le courage, auroit abandonné le royaume pour aller servir un prince, son ennemi naturel, si M. de Louvois n'en avoit fait voir les conséquences, et si le Roi n'avoit pas révoqué la permission qu'il avoit donnée trop légèrement. Cependant MM. les princes de Conti ne cédèrent qu'en apparence à ces derniers ordres : ils partirent secrètement

par

avec M. le prince de Turenne et M. le prince Eugène de Savoie1. Plusieurs autres devoient les suivre à mesure qu'ils trouveroient les moyens de s'échapper; mais leur dessein fut découvert par un page de ces princes qu'ils avoient envoyé à Paris, et qui s'en retournoit chargé de lettres de leurs amis. M. de Louvois en fut averti, et on arrêta le page comme il étoit sur le point de sortir du royaume. On prit, et M. de Louvois apporta au Roi ces lettres, parmi lesquelles il eut la douleur d'en trouver de madame la princesse de Conti, sa fille, remplies des traits les plus satiriques contre lui et contre madame de Maintenon. Celles de MM. de La Rochefoucauld et de quel

1. Le prince Eugène sortit de France en 1683 avec les princes qui avoient obtenu du Roi la permission d'aller combattre comme volontaires sous les drapeaux de l'empereur. Le prince de Savoie ne revint pas et prit du service. C'est en 1685 que les princes partirent sans prendre congé du Roi, ce qui entraîna leur disgrâce (voy. les Mémoires de La Fare). Note de M. de Monmerqué.

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