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portoient, et par les moyens qu'il employoit. Cependant, comme il avoit de l'esprit, il a ébloui pendant un temps un temps les gens les plus sages. Madame de Maintenon n'a pas même été exempte d'avoir quelque bonne opinion de lui; ce qui a paru par des audiences particulières qu'elle a bien voulu lui donner quelquefois. Madame de Maulevrier, fille du maréchal de Tessé, qui fut bien avec madame la Dauphine jusqu'à la mort de son mari, s'est brouillée avec cette princesse pour n'avoir pas voulu, à ce qu'on dit, lui rendre ses lettres; mais, dans la vérité, pour avoir, je crois, répandu ce bruit-là sans fondement. Quoi qu'il en soit, il est certain qu'elle a toujours été mal avec elle depuis, quoiqu'elle fût fille du premier écuyer de cette princesse, et d'un homme dont le Roi s'étoit servi pour travailler à son mariage.

Nangis est le second pour lequel madame la Dauphine a eu du goût. Je ne parlerai pas de celui-là comme j'ai parlé de l'autre,

214 SOUVENIRS DE MADAME DE CAYLUS.

et j'avouerai que je le crois comme le public: la seule chose dont je doute, c'est que cette affaire soit allée aussi loin qu'on le croit, et je suis convaincue que cette intrigue s'est passée en regards et en quelques lettres tout au plus. Je me le persuade par deux raisons: l'une, que madame la Dauphine étoit trop gardée, et l'autre que Nangis étoit trop amoureux d'une autre femme qui l'observoit de près, et qui m'a dit à moi-même que, dans le temps qu'on soupconnoit qu'il pouvoit être avec madame la Dauphine, elle étoit bien assurée du contraire, puisqu'il étoit avec elle.

FIN.

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CAYLUS, ET SUR M. DE CAYLUS, SON FILS AÎNÉ, AU RÉDACTEUR DU JOURNAL DES DÉBATS.

On vient de réimprimer, monsieur, les Souvenirs de madame de Caylus1. Cet ouvrage a réveillé dans moi d'autres souvenirs.

M. le comte de Caylus m'honoroit de son estime et de son amitié. Je ne l'ai pas quitté pendant les dernières années de sa vie, et je peux dire qu'il est mort entre mes bras.

de

Voici comment il m'avoit raconté l'origine cet ouvrage.

Madame sa mère étant malade, il lui faisoit une fidèle compagnie. Il lui conseilla un jour de se distraire de ses maux en lui dictant des anecdotes de la cour de Louis XIV; elle répon

1. C'est l'édition de Renouard, publiée en 1804.

dit que sa tête n'étoit pas assez libre pour donner une forme convenable à des Mémoires. « Eh bien! répliqua M. de Caylus, nous intitulerons cela Souvenirs, et vous ne serez assujettie à aucun ordre de date, à aucune liaison. » Madame de Caylus y consentit, et c'est au pied de son lit M. de Caylus écrivit cet ouvrage sous la dictée de sa mère.

que

Il n'est pas vrai, comme le prétend l'éditeur, que ces Souvenirs ont couru le monde en copies manuscrites jusqu'en 1770. M. de Caylus ne les avoit confiés qu'à quelques amis intimes dont il connoissoit la délicatesse et la discrétion : il étoit si scrupuleux à cet égard qu'il refusa de les prêter à madame Geoffrin, son amie, à cause des gens de lettres dont elle étoit environnée, et qui auroient pu en prendre des copies: mais, pour satisfaire aux désirs de cette dame, il me chargea de lui en faire moi-même la lecture dans plusieurs séances, et dans un petit comité composé de M. Marmontel, qui logeoit alors chez elle, M. d'Alembert, et mademoiselle Despinasse1.

Un soir, un homme de lettres, que je n'aurai pas l'indiscrétion de nommer pour ne pas flétrir la grande réputation dont il a joui, qui n'est cependant aucun de ceux qui honorent aujour

4. De L'Espinasse.

d'hui la littérature, se présenta chez M. de Caylus; après les complimens d'usage, il lui témoigna le désir de lire les Souvenirs, et le pria, de les lui confier pour vingt-quatre heures. Je fis à M. le comte de Caylus un signe négatif; cet homme s'en aperçut, et, s'adressant à moi, il me dit que je devois connoître sa discrétion; qu'il étoit incapable d'abuser de la confiance de M. de Caylus; qu'accablé du travail dont il étoit chargé, il n'avoit de libre que quelques instans dans la soirée, qu'il les emploieroit à cette lecture; qu'il donnoit sa parole d'honneur que le manuscrit ne sortiroit pas de ses mains, et promettoit de le rapporter le lendemain à la même heure.

M. de Caylus céda à ses instances; et lorsque ce littérateur fut sorti, il me dit, avec la familiarité dont il m'honoroit : « Dis-moi, Ma

« rin, pourquoi le signe que tu m'as fait ? » Je lui répondis que j'avois mes raisons, et que je désirois qu'il n'eût pas à se repentir de sa complaisance.

Quelque temps après, nous apprîmes que cet ouvrage avoit été imprimé en Hollande. Il me fut facile, par mes liaisons avec les libraires de France et des pays étrangers, dans la place que j'occupois alors', de découvrir l'auteur de cette

4. Marin étoit censeur royal de la librairie il fut aussi

:

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