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coucha, dans la conciergerie de Niort, de Françoise d'Aubigné, depuis madame Scar. ron, et ensuite madame de Maintenon.

Je me souviens d'avoir entendu raconter que madame d'Aubigné, étant venue à Paris demander au cardinal de Richelieu la grâce de son mari, ce ministre avoit dit en la quittant: Elle seroit bien heureuse si je lui refusois ce qu'elle me demande.

Il est aisé de croire qu'un tel homme n'avoit pas beaucoup de religion; mais il est rare qu'il en parlât à sa fille et à une enfant ; car j'ai ouï dire à madame de Maintenon que, la tenant entre ses bras, il lui disoit : Est-il possible que vous, qui avez de l'esprit, puissiez croire tout ce qu'on vous apprend dans votre catéchisme?

Les mauvaises affaires que M. d'Aubigné s'étoit faites l'obligèrent à la fin de prendre un établissement en Amérique. Il y mena sa famille, qui consistoit en une femme, deux garçons, et cette petite fille, qui n'avoit, je crois, que dix-huit mois, et

qui fut si malade dans le trajet, qu'on fut prêt à la jeter à la mer, la croyant morte.

M. d'Aubigné mourut à la Martinique, à son second voyage1, car je crois avoir entendu dire qu'il en avoit fait deux. Quoi qu'il en soit, madame d'Aubigné revint en France avec ses enfans: elle trouva leurs biens vendus et dissipés par les créanciers de leur père, et par l'injustice de quelquesuns de ses parens. Ma grand'mère, sœur de leur père, et femme de mérite, prit soin de cette famille malheureuse, et surtout de la petite fille, qu'elle demanda à sa mère, et qu'elle élevoit comme ses propres enfans; mais mon grand-père et ma grand'mère étant huguenots, madame de Neuillan, mère de la maréchale de Navailles et parente de M. d'Aubigné, demanda à la Reine mère un ordre pour retirer cette enfant de leurs mains.

1. Il mourut, au retour de son second voyage de la Martinique, dans un voyage qu'il fit à Orange (Note de madame de Caylus.)

Madame de Neuillan voulut faire par là sa cour à la Reine; mais son avarice la fit bientôt repentir de s'être chargée d'une demoiselle sans bien, et elle chercha à s'en défaire à quelque prix que ce fût. C'est dans ce dessein qu'elle l'amena à Paris, et qu'elle la mit dans un couvent, où elle se fit catholique, après une longue résistance pour sa jeunesse ; car je crois qu'elle n'avoit pas encore quatorze ans faits.

Je me souviens, à propos de cette conversion, d'avoir entendu dire à madame de Maintenon, qu'étant convaincue sur les articles principaux de la religion, elle résistoit encore, et ne vouloit se convertir qu'à condition qu'on ne l'obligeât pas l'obligeât pas de croire que sa tante qui étoit morte, et qu'elle avoit vue vivre dans sa religion comme une sainte, fût damnée.

Après que madame de Neuillan eut fait mademoiselle d'Aubigné catholique, elle la maria au premier qui se présenta; et ce fut M. Scarron, trop connu par ses ouvrages

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pour que j'aie rien de nouveau à dire de lui.

Voilà donc Françoise d'Aubigné, à quatorze ans, dans la maison d'un homme de la figure et du caractère de M. Scarron, remplie de jeunes gens attirés par la liberté qui régnoit chez lui. C'est là cependant que cette jeune personne imprima, par ses manières honnêtes et modestes, tant de respect, qu'aucun n'osa jamais prononcer devant elle une parole à double entente, et qu'un de ces jeunes gens dit: S'il falloit prendre des libertés avec la Reine ou avec madame Scarron, je ne balancerois pas, j'en prendrois plutôt avec la Reine. Elle passoit ses carêmes à manger un hareng au bout de la table, et se retiroit aussitôt dans sa chambre, parce qu'elle avoit compris qu'une conduite moins exacte et moins austère, à l'âge où elle étoit, feroit que la licence de cette jeunesse n'auroit plus de frein, et deviendroit préjudiciable à sa réputation. Ce n'est pas d'elle seule que je

tiens ces particularités; je les tiens de mon père, de M. le marquis de Beuvron, et de plusieurs autres qui vivoient dans la maison dans ce même temps.

Je me souviens d'avoir ouï raconter qu'étant un jour obligée d'aller parler à M. Fouquet, elle affecta d'y aller dans une si grande négligence, que ses amis étoient honteux de l'y mener. Tout le monde sait ce qu'étoit alors M. Fouquet, son foible pour les femmes, et combien les plus haut huppées et les mieux chaussées cherchoient à lui plaire. Cette conduite, et la juste admiration qu'elle causa, parvinrent jusqu'à la Reine. Le baron de La Garde lui en parla le premier, et fut cause qu'à la mort de M. Scarron cette princesse, touchée de la vertu et du malheur d'une fille de condition réduite à une si grande pauvreté, lui donna une pension de deux mille livres, avec laquelle madame Scarron se mit dans un couvent, et ce fut aux Hospitalières du faubourg Saint-Marceau. Avec cette modique

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