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quelques années de stage? Qui lui contestera aussi le droit de régler le nombre de juges-auditeurs qui doivent être placés dans un ressort?

Je vois un honorable député qui fait un signe négatif, ce qui indiquerait qu'il regarde la disposition au moins comme douteuse. Je n'ai pas besoin de m'engager ici dans une discussion; car le pouvoir de fixer le nombre des juges-auditeurs dans chaque ressort a été délégué au gouvernement par la loi de 20 avril 1810, qui, dans sa dernière disposition, dit que ce nombre sera fixé par des règlements d'administration publique. Or, l'ordonnance de 1824 n'est autre chose qu'un règlement d'administration publique, rendu en vertu de la loi de 1810. Comme il est incontestable que l'autre diposition est du même genre que celle-ci, vous reconnaîtrez avec moi, Messieurs, que les deux ordonnances dont il s'agit n'ont changé au décret de 1813 que ce qui était réglementaire, et que, par conséquent, nous ne mé. ritons pas le reproche d'avoir empiété sur l'autorité législative."

L'orateur, en parlant de l'inamovibilité des conseillers-auditeurs et des juges-auditeurs, a pensé que la bonne administration de la justice exigeait qu'ils fussent placés d'une manière invariable, non seulement dans le ressort auquel ils appartenaient, mais encore dans les sièges où ils avaient été primitivement placés. Messieurs, entendre de cette manière l'inamovibilité des conseillers-auditeurs et des juges-auditeurs, ce n'est pas seulement méconnaître les dispositions de la loi de 1810 et du décret de 1813, mais encore la nature et le but de cette institution. Les conseillers-auditeurs et les juges-auditeurs ont été institués pour former de dignes magistrats et pour subvenir aux besoins du service par la création de chambres temporaires qui, concourant avec les chambres permanentes à l'administration de la justice, absorbassent promptement l'arriéré dont on aurait à se plaindre. Vous perdez cet avantage si vous les attachez invariablement à leur siège; vous n'avez plus alors une institution auxiliaire de l'ordre judiciaire. Leur inamovibilité consiste en ce qu'ils ne peuvent être dépouillés du titre de juges ni enlevés au ressort auquel ils appartiennent, pour être transportés, comme l'a dit le préopinant, du nord au midi. Mais il ne faut pas empêcher qu'ils ne deviennent momentanement les auxiliaires des tribunaux qui en ont besoin, afin de hâter le cours de la justice; car la justice n'est bien rendue que lorsqu'elle est impartiale et prompte; et ce n'est qu'à ce prix qu'elle mérite la protection du monarque et la reconnaissance des peuples.

M. le marquis de Cambon. La discussion que vous venez d'entendre nous a fait perdre de vue le chapitre lui-même et une proposition de réduction qui se trouvait dans le premier rapport de la commission, et sur laquelle M. le rapporteur a glissé très légèrement dans son second rapport, qu'on a appelé un résumé; je veux parler des 30,200 francs que le ministre même avait cru pouvoir supprimer.

Dans le premier rapport on n'a pas manqué de bonnes raisons pour appuyer cette suppression et empêcher que la somme de 30,200 francs ne reçut la destination qu'on voulait lui donner. M. le garde des sceaux a reconnu d'abord qu'il pouvait opérer une économie de 18,200 francs sur l'article intitulé: Des chefs et employés de tous grades; mais il vous a demandé d'appliquer cette

T. Lil.

somme en accroissement des traitements du secrétaire général et des directeurs.

La commission avait jugé à propos de la supprimer je ne vois pas pourquoi nous l'allouerions dans la situation nouvelle où nous nous trouvons, et qui nous prescrit la plus stricte économie; car les motifs d'économie que M. le rapporteur a fait valoir subsistent plus que jamais. La commission proposait également la réduction de 12,000 francs; M. le rapporteur disait que cette économie se justifiait par l'allègement du loyer et la diminution de l'entretien du mobilier qui venait d'être renouvelé. Il me semble que nous serions inexcusables de ne pas opérer ces économies. Je sais qu'elles sont bien misérables, qu'il est presque honteux de venir les réclamer; mais vous avez bien d'autres objets sur lesquels vous serez obligés, bien à regret, de faire des réductions. Vous sentez que je veux parler des ministres du culte, de ces malheureux desservants qui sont presque dans la misère, et dont vous ne pourrez peut-être cette année élever les traitements au taux convenable. Certes, ce n'est pas dans une telle situation que vous pouvez vous permettre d'augmenter des traitements déjà élevés. J'en appelle à la conscience de la Chambre. M. le rapporteur vous a dit que, sur ce point, il s'en rapportait au ministre. Moi aussi, je serais charmé de pouvoir m'en rapporter au ministre; mais vous êtes, Messieurs, les dispensateurs de la fortune publique, et vous n'avez pas été envoyés ici pour vous en remettre à la discrétion des ministres; lorsque vous reconnaissez qu'une somme doit être retranchée vous devez le faire. Je demande en conséquence que la somme de 30,200 francs soit supprimée sur la totalité de l'allocation.

M. Petou. J'appuie la réduction proposée, ou plutôt je propose une réduction du cinquième sur le traitement du ministre lui-même. (Ön rit.)

Messieurs, les membres de cette Chambre qui ont jeté le premier cri d'alarme sur la position intérieure et extérieure de la France; ceux qui ont signalé la marche dangereuse du ministère; ceux qui n'ont cessé, depuis le mois de décembre dernier, de prédire tous les maux qui sont déjà les résultats, quant à nos recettes, de la détresse et de la ruine de l'industrie, eussent désiré se tromper dans leurs conjectures.

Ces résultats étaient infaillibles; aussi ceux qui les ont annoncés d'avance n'ont d'autre mérite que d'avoir dit la vérité: c'était un devoir. Ils ne viennent donc pas à cette tribune revendiquer les palmes d'une si triste victoire.

Effrayés, les premiers, des symptômes qui se manifestaient depuis plusieurs années, sous une administration qui n'inspirait aucune confiance, ils déplorent les fautes innombrables commises jusqu'à ce jour, sans chercher en ce moment à le faire ressortir et accabler leurs auteurs par des reproches mérités.

Si la modération fut jamais nécessaire, c'est au moment où il faut entrer dans les calculs détaillés d'un budget grossi par des demandes aussi excessives qu'inconsidérées, d'un budget dont les Ininistres reconnaissent si tard la nécessité de dimiDuer d'un seul coup 23 millions.

Vous ne serez pas sans remarquer l'inhabileté qui a présidé à la contexture de ce budget énorme, qui dépassait celui de 1827, dans une année où l'état des choses annonçait aux yeux les moins exercés une diminution inévitable dans les recettes.

Ce qu'il importe de savoir aujourd'hui, c'est

d'être assurés si, même au moyen de ce retranchement de 23 millions dont ce budget était surchargé, nous pourrons, par des recettes incertaines, faire face aux dépenses fixes de l'année 1828. Je ne le pense pas, parce que je suis convaincu que les choses ne feront qu'empirer, tant que le système qui amène cet état déplorable, subsistera dans notre malheureux pays.

Je comprends qu'il ne me sera pas permis d'énumérer les effets de ce système absurde, et que resserré dans la stricte discussion d'un article, je ne pourrais en franchir les bornes je ne le tenterai pas.

Mais ne vous étonnez pas, Messieurs, si je n'ai pas abordé cet article en montant à cette tribune: vous éprouveriez comme moi un certain embarras, si vous aviez à attaquer, comme premier article de réduction, le traitement d'un ministre, et cependant c'est par celui-là qu'il faut commencer, si l'on veut enfin entrer avec franchise et fermeté dans la carrière des réductions.

Pour assurer les services indispensables de l'Etat, vous reconnaîtrez qu'il faut de toute nécessité, lorsque nous sommes menacés d'un déficit de 53 millions pour 1828, supprimer les places inutiles, les cumuls, les sinécures, et réduire ces gros traitements enflés outre mesure.

En 1812, le traitement de MM. les ministres était de 80,000 francs; il est aujourd'hui porté à 150,000. Ne serait-ce pas une chose raisonnable et d'un bon exemple que de le réduire à 120,000 francs?

Les ministres eux-mêmes en consentant à réduire ces traitements et surtout à se retirer en même temps, rendraient un immense service à l'Etat.

Ce serait le seul acte ministériel dont la France reconnaissante garderait le souvenir. (On rit et des murmures s'élèvent).

M. Ferdinand de Berthier. Je n'ai qu'une simple question à adresser à M. le rapporteur. L'observation faite par M. le marquis de Cambon est de la plus grande justesse. Une réduction de 30,200 francs était proposée sur le chapitre Ier du ministère de la justice. Cependant, soit à cause d'une erreur d'impression ou de l'empressement que l'on a mis à nous distribuer les feuilles, soit que la commission ait changé d'avis, il est certain que la proposition n'existe plus; et pourtant on vous annonce un déficit d'environ 23 millions! Cela a dû frapper tous les esprits et paraître fort extraordinaire. M. le rapporteur a gardé le silence. Je vous demanderai si, dans une nouvelle réunion, la commission a changé d'avis ou si elle persiste dans sa première proposition de supprimer les 30,200 francs?

M. Fouquier-Long, rapporteur. La réponse que j'aurai l'honneur de faire à l'orateur est toute simple. Le dernier amendement de la commission qui est compris dans le résumé, a pour objet de faire rentrer dans les crédits de 1827. Nous ne pouvions plus alors maintenir des réductions que nous avions proposées, puisque nous n'aurions plus eu le chiffre de 1827. Je sais qu'il n'était pas impossible de le faire; mais pour cela nous aurions été obligés d'entrer dans la voie des exceptions, ce qui aurait allongé singulièrement vos discussions et rendu très difficile le travail de la Chambre, à raison des combinaisons qui se seraient établies sur le chiffre primitif des propositions faites par le gouvernement, et sur les questions agitées au sein de la com

mission et qui ont amené les soixante amendements qu'elle vous avait proposés. La commission, obligée de se tenir dans le chiffre de 1827, à cause de l'inquiétude qui s'était manifestée sur la réalisation des produits présumés, a dû maintenir les allocations de l'année précédente pour le ministère de la justice comme pour les autres ministères, tout en exprimant le vœu que lors de la présentation des comptes, les réductions qu'elle aurait d'abord jugées convenables fussent opérées, et que ces mêmes sommes ne se représentassent plus. Telle est l'explication que j'ai cru devoir donner à la Chambre et qui, je l'espère, satisfera l'orateur auquel je réponds.

M. de Peyronnet, garde des sceaux. Je dois ajouter à la réponse générale que vient de vous soumettre M. le rapporteur de la commission, une réponse de détails qui sera mieux placée dans ma bouche que dans la sienne. Mon intention ne peut être que de répondre aux doutes élevés par M. le marquis de Cambon. Quant aux autres parties de la discussion, je n'y répondrai pas, c'est votre décision seule qui peut y répondre.

M. le marquis de Cambon a remarqué que votre commission vous avait proposé une réduction de 30,200 francs sur le chapitre de l'administration centrale du département de la justice. Cette réduction se divise en deux parts, dont l'une, de 18,200 francs applicable au personnel de l'admi nistration; et l'autre, de 12,000 francs, applicable au matériel. Le fondement de cette dernière réduction porterait, selon l'auteur, sur ce qu'une partie de la somme était destinée à l'entretien du mobilier, et que ce mobilier venait d'être renouvelé en totalité; que l'autre partie de la somme s'appliquait au payement des contributions, qui, pendant l'exercice de 1828, ne devraient plus être à la charge du département de la justice.

Pour bien apprécier ces suppositions et ces calculs, je prie la Chambre de me permettre de lui rappeler avec quelle économie, que je pourrais appeler sordide, cette partie du département de la justice a été administrée depuis un certain nombre d'années. Le chapitre de l'administration centrale de la justice s'élevait, avant 1816, à 1,086,000 francs; c'était une somme considérable et, certes, si elle n'avait pas éprouvé des réductions importantes, je serais le premier à reconnaître qu'il faudrait en imposer de nouvelles; mais loin de là, elle a été réduite de plus de la moitié, puisqu'elle ne se trouve plus que de 516,300 francs. Cette dernière somme est-elle nécessaire? telle est la question. S'il fallait la résoudre d'un mot, je vous dirais, la main sur la conscience : « Oui, elle est nécessaire. » Mais je dois vous donner ici quelques explications.

Le bail de l'hôtel ne finit que vers le tiers de l'année; ainsi il faudra payer une partie des contributions. Le mobilier a été renouvelé, mais en très petite partie. Ce n'est pas une dépense qu'il ne me soit pas permis d'avouer, car la plupart d'entre vous savent dans quel état se trouvait le mobilier de la chancellerie depuis cinq ans. Mais de ce que j'ai employé quelques économies pour réparer une partie du mobilier, il ne faut pas en conclure qu'il n'y ait plus rien à faire. Au reste, la somme destinée à cet usage n'est pas considérable: il ne s'agit que de 4 à 5.000 francs.

Je dois m'expliquer aussi sur les 18,200 francs. Voici la vérité sur ce point: Quelques personnes ont cru, dans le cours de la discussion, que nous sollicitions des allocations nouvelles pour augmenter les traitements; elles sont dans l'erreur;

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nous ne sollicitons pas d'allocations nouvelles pour des traitements, mais pour les pensions de retraite qui ont été réglées conformément aux lois et ordonnances, et pour lesquelles il n'existe plus de ressources suffisantes. Nous ne réclamons, dans ce chapitre, que ce que vous avez trouvé strictement nécessaire depuis 1822, et dans des temps plus difficiles que celui auquel nous sommes parvenus.

Voici pourquoi nous avons parlé d'augmenter quelques traitements: il est arrivé que, par suite d'une mesure que j'avais eu occasion de prendre, je prévoyais une économie de 18,200 francs sur le chapitre du matériel de l'administration de la justice. Comme il y avait des parties du service en souffrance et qui étaient rétribuées de manière à mériter la qualification d'injustices, j'ai eu à délibérer, avant de vous remettre cette somme, si Je n'avais pas à en faire l'emploi légitime que ma conscience me prescrivait. Votre délibération m'apprendra si je me suis trompé.

Il y avait un malheureux employé dont le traitement n'était que de 800 francs; ne vous en étonnez pas, car c'est ainsi qu'on est rétribué dans le département de la justice; je l'ai augmenté de 200 francs; si vous retirez la somme sur laquelle il doit être payé, il le sera néanmoins; car il y aurait injustice à ne pas le faire.

J'avais auprès de moi des collaborateurs dont Je ne saurais assez faire l'éloge, certains que je suis que vous applaudirez à tout le bien que je dirai d'eux, des collaborateurs sans le zèle, sans l'activité desquels mon administration n'aurait pas obtenu les succès qu'il m'a été flatteur d'entendre reconnaître par un orateur que j'ai été à regret obligé de combattre sur d'autres points. Eh bien, ces hommes expérimentés, auxquels personne ne refusera l'hommage d'une estime si bien méritée, ces hommes travaillent courageusement avec moi sans se plaindre de la modicité de leur traitement, et je leur dois tout le bien que je puis me flatter d'avoir fait; leur traitement s'élève seulement à la moitié de celui que reçoivent dans d'autres administrations des hommes qui ont obtenu la même confiance, et qui consacrent à des travaux semblables leur zèle et leurs talents. Il était de mon devoir de demander pour eux, quand ils ne demandaient rien, quand ils s'y refusaient même : oui, Messieurs, quand ils s'y refusaient; je dois le dire à cette tribune. A peine ont-ils su que la modique augmentation de 3,000 francs que je me proposais de leur procurer à l'aide des économies que j'avais faites, éprouvait quelques difficultés dans l'esprit des membres de votre commission, l'un d'eux est venu, au nom de tous, me demander la permission d'instruire la commission qu'ils réclamaient euxmêmes la faveur de cette suppression. Je la leur ai refusée, parce que je ne devais pas céder à un sentiment aussi honorable. Ils ont violé, pour la première fois, la défense que j'avais faite, et je sais qu'ils sont allés trouver le président de la commission pour le conjurer de demander la suppression de l'allocation. Voilà les hommes que j'ai le bonheur de voir placés auprès de moi, et pour lesquels je demande de porter le traitement à 15,000 francs au lieu de 12,000.

(On demande à aller aux voix.)

M. Benjamin Constant. Je demande la parole.

M. le Président. Elle est à M. de Cambon, qui l'avait d'abord réclamée.

M. de Cambon. Les fonctions que nous avons à remplir ici seraient extrêmement pénibles, si les réductions que nous proposons pouvaient paraître injurieuses, soit au ministre, soit aux personnes auxquelles l'allocation était destinée. Je vous ai fait à cet égard ma profession de foi. Je déclare en mon particulier que parmi les personnes dont a parlé M. le garde des sceaux j'en connais une, pour laquelle j'ai la plus parfaite estime, et si un devoir impérieux ne nous prescrivait pas l'économie, j'aurais vu avec plaisir que son traitement fût augmenté, ainsi que ceux des autres personnes que je ne connais pas.

M. le garde des sceaux à déplacé la question. Nous ne doutons pas du mérite de ses collaborateurs. Une économie de 18,200 francs a été destinée par M. le garde des sceaux à augmenter les traitements de ses collaborateurs. Je n'aurais fait aucune réflexion sur cet objet; mais ce n'est pas moi, c'est la commission qui vous avait proposé de supprimer cette somme. Je ne prétends pas contester les économies que M. le garde des Sceaux a faites; mais est-ce une raison pour n'en pas faire encore?

A l'égard des 12,000 francs, je me suis borné à répéter ce qu'avait dit le rapporteur de la commission. M. le garde des sceaux vous assure qu'il aura encore une partie du mobilier à renouveler. C'est à vous à voir, si vous êtes, cette année, en position de faire un sacrifice pour cet objet. Quant à moi, ce n'est pas mon avis. Je pense que nous devons nous renfermer plus que jamais dans la plus stricte économie.

J'ai observé tout à l'heure que vous auriez à regretter, lorsque vous serez arrivés au budget du ministre des affaires ecclésiastiques, de ne pouvoir porter le traitement des desservants à un iaux convenable. C'est à mes yeux la première nécessité de l'Etat, une nécessité devant laquelle doit cédér toute considération d'économie. Il est urgent de placer les ministres du culte dans une position où ils n'aient pas à tendre la main et où ils puissent remplir dignement leur ministère. Aussi, malgré les principes d'économie que je professe, je n'hésiterai pas à donner mon assentiment à une propositon qui tendra à améliorer le sort des desservants. Si j'insiste tant sur les diverses économies qu'il me paraît possible d'opérer dans les autres ministères, c'est parce qu'elles pourront concourir à former l'allocation réclamée pour le clergé. Sans doute, ces diverses réductions ne seront pas suffisantes pour atteindre un but și desiré; mais nous serons toujours heureux de les trouver.

Ce n'était pas à moi que M. le garde des sceaux devait adresser ses observations; mais au rapporteur de la commission, car je n'avais fait que rappeler ce qu'il avait dit. Je serais désolé que l'on pût mal interpréter mes paroles. Personne n'est mieux disposé que moi en faveur des personnes pour lesquelles on réclame une augmentation de traitement. Aussi je ne suis pas étonné qu'elles aient été les premières à vouloir y renoncer; mais la Chambre ne doit pas être arrêtée par de pareilles considérations. J'insiste pour la suppression.

(On demande vivement la clôture de la discussion.)

(M. Benjamin Constant obtient la parole contre la clôture.)

M. Benjamin Constant. Je n'ai qu'une simple observation à faire. Dans un moment où il est question d'économies, où un déficit a été

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signalé, où nous devons chercher à réparer la triste situation dans laquelle ce déficit nous place, tout le monde sent la nécessité des réductions. Votre commission proposait la réduction de 30,200 francs dans la prévision où elle était alors des 23 millions d'excédant de produits; et aujourd'hui qu'un déficit est annoncé, elle vous propose de renoncer à cette réduction! Comment expliquer ce singulier raisonnement? Il me semble que, dans cette situation, vous ne pouvez pas fermer la discusssion, sans permettre qu'on vous présente toutes les observations qui peuvent vous engager à faire des économies; car sans cela vous feriez croire que vous voulez étouffer la discussion, ce qui, certes, ne peut être dans votre intention. Si vous avez été attendris par le tableau que M. le garde des sceaux vous a offert, vous permtterez qu'on rectifie ce tableau, et vous ne voudrez pas qu'on renonce ainsi aux réductions. Je demande à donner quelques explications.

(On réclame de nouveau la clôture de la discussion.)

(La Chambre, consultée, ferme la discussion sur le chapitre.)

M. le Président. Le premier amendement est celui de M. Petou, qui consiste à retrancher 30,000 francs sur le traitement du garde des sceaux. Est-il appuyé?

Voix diverses: Non, non !...

M. Benjamin Constant. Je l'appuie. Si vous adoptez cette réduction, on trouvera la somme nécessaire pour augmenter les traitements du secrétaire général et des directeurs.

(L'amendement est mis aux voix et rejeté.)

Les deux amendements proposés par M. de Cambon, qui consistent: l'un dans une réduction de 18,200 francs applicable à l'article 2 du chapitre I, et l'autre dans une réduction de 12,000 francs applicable à l'article 4, sont successivement mis aux voix et rejetés.

La Chambre adopte le chapitre Ier, Administration centrale,dont le chiffre s'élève à 666,300 francs. Elle adopte ensuite le chapitre II, Ministres d'Etat 200,000 francs.

La discussion s'établit sur le chapitre III, Conseillers d'Etat et maître des requêtes, 634,500 fr.

M. Méchin. Messieurs, à côté des institutions dont la Charte ou des lois organiques déterminent le pouvoir, le rang et les attributions, il en est une dont les attributions, le rang et le pouvoir ne résultent en quelque sorte que d'une tacite reconduction.

Est-ce dans les lois antérieures à 1789, ou dans les constitutions consulaires et impériales que cette reconduction tacite prend son origine?

Est-ce dans les ordonnances royales qui, déjà trois fois, depuis la Restauration, l'ont soumise à des modifications diverses, que cette institution doit trouver sa racine légale ?

La place qu'elle n'a cessé d'obtenir dans nos budgets et quelques attributions partielles conférées à cette institution, font-elles plus que de constater le fait de son existence, et peuventelles suppléer à la loi de création qui lui manque ?

Si elle est un corps politique, où est la loi politique qui l'a placée à la sommité de la hiérarchie administrative? est-elle en même temps un corps judiciaire? La loi seule pouvant conférer

juridiction, où est la loi qui lui confère juridiction? où est la source légale de sa jurisprudence? Considérée seulement comme le conseil du mo narque, et tout en reconnaissant le droit inconlestable qui appartient au prince d'appeler auprès de sa personne celles qu'il juge en état, par leurs lumières et leur expérience, de l'aider dans l'administration des affaires publiques, je demande si cette institution remplit les conditions de cette haute destination?

Tantôt fractionnée en comités consultatifs, elle est vis-à-vis des ministres dans un état de subordination passive; tantôt elle plane au-dessus d'eux, juge et annule leurs décisions.

Conseillers du ministère, ses membres peuvent sans nul doute être répudiés par lui, si leurs conseils cessent de lui être agréables; mais devenus les juges de leurs actes, est-il bien convenable que ces juges soient amovibles, et chaque jour exposés à expier, par la perte de leurs emplois, l'inflexibilité de leurs jugements.

Depuis cette institution, naguère soumise à une rénovation annuelle, et toujours reformable au gré du pouvoir, tient-elle le droit d'interposer les arrêts entre les intérêts privés et ceux de la puissance contre laquelle ils cherchent un recours? Quelle garantie offrent ces juges qui n'en ont eux-mêmes aucune contre les coups de l'arbitraire, et qui peuvent être, au gré d'un ministre, précipités de la situation élevée où ils sont, dans l'obscurité et la disgrâce?

Telle est, Messieurs, une partie des questions que fait naître à chaque instant l'existence du Conseil d'Etat constitué tel qu'il est : cet étrange état de choses a porté plusieurs personnes éclairées parmi lesquelles il en est que je vois assises devant moi, au banc ministériel, à penser et à dire que le Conseil d'Etat était une institution inutile au moins, sinon incompatible avec nos institutions actuelles; dangereuse en elle-même, et l'occasion d'une dépense trop onéreuse.

Je ne crois pas qu'un jour je pense autrement que je le fais aujourd'hui; mais à tous risques, je dois me hâter de dire que je crois utile, indispensable, l'existense d'un Conseil d'Etat, mais d'un Conseil d'Etat créé par la loi, constitué de manière à ce qu'il soit en harmonie avec nos lois fondamentales, et armé de garanties qui relèvent sa dignité et lui concilient la confiance publique.

Pour fixer une bonne fois nos idées sur cette importante matière, quelque désir que j'aie de ne pas retarder la délibération de la Chambre, c'est une nécessité de ma discussion d'entrer dans quelques détails et comparer rapidement les choses et les faits.

Avant 1789, le conseil du roi était divisé en cinq principaux départements:

Le conseil d'Etat ou des affaires étrangères;
Le conseil des dépêches;

Le conseil royal des finances;
Le conseil royal de commerce;

Le conseil privé ou conseil des parties.

Le conseil des affaires étrangères ou Conseil d'Etat, toujours présidé par le roi, était composé des personnes que S. M. jugeait à propos d'y appeler. L'admission, même une seule fois, dans ce conseil, conférait à jamais le titre de ministre d'Etat.

Le conseil des dépêches était celui où l'on délibérait sur les affaires intérieures. Le chancelier, le président, les quatre secrétaires d'Etat y avaient entrée et voix délibérative.

Le conseil royal des finances et celui du com

merce font, par leur seule dénomination, suffisamment connaître les attributions qui leur appartenaient.

Le conseil privé, ou des parties, avait des attributions plus variées; il revit dans celles de la Cour de cassation et dans le comité du contentieux il faudra voir jusqu'à quel point le comité du contentieux aurait des restitutions à faire à la Cour de cassation, héritière naturelle du conseil des parties.

Ce conseil connaissait de toutes les affaires contentieuses entre les particuliers et l'administration, lorsqu'elles intéressaient la manutention des lois et des ordonnances royales; du sein de ce conseil émanaient deux comités importants sous le nom de grande et petite direction.

Au conseil des parties appartenaient encore la cassation des arrêts des cours et tribunaux, les conflits, les règlements de juridiction, les évocations sur parentés et beaucoup d'autres attributions judiciaires, ou à peu près judiciaires.

Dans ce conseil, dont les séances étaient solennelles, et où le roi était toujours censé présent, les maîtres des requêtes faisaient leurs rapports debout et découverts.

Vous vous souvenez encore, Messieurs, des plaintes continuelles des cours souveraines et du public contre les arrêts du conseil et les abus d'autorité qui lui étaient sans cesse reprochés. Toutefois, ces institutions étaient en rapport avec l'état des choses d'alors. Le roi confondait en lui-même tous les pouvoirs, et c'est celte confusion qui, quel que soit le caractère personnel du prince et l'action modératrice des corps intermédiaires, constitue le despotisme ou le pouvoir absolu.

Le roi Louis XVI tenta de remédier aux inconvénients nombreux dont il avait été frappé lui-même. Par un règlement du 9 août 1789, les anciennes formes du Conseil d'Etat reçurent d'importantes modifications qui furent à peu près le type de ce qui a été fait depuis. Ges réformes ne purent être que passagères, et ne précéder que de peu de temps des réformes plus décisives.

Toutes les affaires contentieuses qui ressortissaient au conseil des dépêches, durent, en vertu du règlement que je viens de citer, être renvoyées de chaque département ministériel à un comité que S. M. établit sous le titre de comité du contentieux.

Ce comité remettait son avis aux secrétaires d'Etat respectifs qui en rendaient un compte particulier au roi le roi en délibérait ensuite dans un conseil formé de conseillers d'Etat, composant le comité du contentieux, du maître des requêtes rapporteur, et du secrétaire d'Etat dans le département duquel se trouvait l'affaire à discuter.

Il en fut de même pour ce qui concernait le conseil royal des finances, S. M. se réservant d'y appeler le contrôleur général, toutes les fois que les circonstances l'exigeraient.

Vous aurez déjà remarqué, Messieurs, que les secrétaires d'Etat n'avaient pas toujours le titre de ministres, titre qui ne pouvait s'acquérir que par l'admission au Conseil d'Etat ou des affaires étrangères. Pendant sa première administration, M. Necker ne put obtenir son admission au Conseil d'Etat, cependant les circonstances et l'importance. menaçante de son département y rendaient sa présence nécessaire.

Le 25 novembre 1790, l'Assemblée nationale créa le tribunal de cassation et lui transféra la plus grande partie des attributions du conseil

privé ou des parties. Ce conseil fut en mêm temps supprimé, le 27 juillet 1791 : l'ancien Con seil d'Etat disparut, et l'on renvoya aux tribunaux de district les affaires pendantes aux conseils des finances, du commerce, des dépêches, à la grande et à la petite direction et à des commissions particulières. Les affaires dans lesquelles l'Etat plaidait contre les particuliers, comme créancier ou comme débiteur, furent attribuées aux tribunaux de Paris. Les attributions conférées au tribunal de cassation lui sont restées; mais il n'a pas été investi de toutes celles qui lui appartebaient naturellement. Le décret du 27 avril 1791 n'a statué que sur les affaires pendantes aux divers conseils; mais il n'a pas réglé devant qui ces affaires devaient être ultérieurement portées. Il en résulta qu'elles furent ou suspendues ou décidées par les ministres, et le plus souvent par la législative qui avait absorbé une grande somme d'attributions administratives.

Ces détails historiques, que j'abrège autant que je puis, mettrait sur la voie de ce qu'il conviendrait aujourd'hui de faire.

Mais quoique le roi n'eût plus de part à la puissance législative que par la sanction, les soins du gouvernement rendaient indispensable le secours d'un conseil. La loi du 27 avril 1791 y pourvut. Ce conseil se composa du roi et des ministres, et un secrétaire y fut attaché. Ce n'était, à proprement parler, que l'ancien Conseil d'Etat, proprement dit, ou des affaires étrangères, et quelques débris du conseil des dépêches.

Hâtons-nous, Messieurs, de traverser une nuit profonde et sanglante. Au milieu de ces ténèbres que sillonnait en traits si brillants la gloire de nos armées, il ne faut plus chercher des institutions régulières.

De l'an III à l'an VIII, les conflits d'attributions, l'interprétation des lois, le jugement du contentieux administratif furent dévolus aux décisions ministérielles confirmées par le directoire exécutif et souvent aussi sanctionnées par le Corps législatif. Il fut alors expressément défendu aux ministres de prendre des décisions collectivement et de se réunir en conseil. Cela devait être, puisque la puissance exécutive suprême était dévolue à une autorité composée.

En l'an VIII, le chaos s'éclaircit et l'ordre pénétra dans l'administration. C'est à cette époque que prit naissance ce Conseil d'Etat célèbre par le mérite et les connaissances de ses membres, et du sein duquel vont sortir ces Codes parmi lesquels se place avec tant de prééminence le Code civil qui régit maintenant une partie des nations européennes. L'organisation de ce Conseil d'Etat fut d'abord d'une extrême simplicité et obtint de prompts succès.

Le Conseil d'Etat avait, au nombre de ses attributions, celle de discuter contradictoirement les projets de loi avec le Tribunat. Ce seul fait rendait sa création indispensable; il était un rouage essentiel de la Constitution d'alors.

Ce Conseil d'Etat fut en même temps investi du droit de prononcer sur les conflits et sur les affaires coutentieuses dont furent dépouillés les ministres qui en étaient en possession, depuis la dissolution de l'ancien Conseil d'Etat, concurremment avec la législature.

Les ministres étaient admis au Conseil d'Etat, mais leur voix n'était pas comptée. Il en était ainsi des conseillers d'Etat directeurs généraux, qui n'avaient pas droit de suffrage dans les affaires de leur ressort.

Mais ces sages restrictions n'eurent pas de

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