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Aussi, lorsque le 18 mai, après avoir ouvert, à la Maison du Bois, la Conférence de la Paix, M. de Beaufort proposa d'adresser à S. M. l'Empereur de Russie un télégramme de félicitations et d'appeler M. de Staal à la présidence de l'assemblée, il vit sa motion rallier l'unanimité des suffrages. La vice-présidence fut confiée au premier délégué hollandais, M. de Karnebeek.

Pour faciliter les travaux de la Conférence, on convint de répartir les différents Délégués entre plusieurs Commissions chargées de l'étude des huit points mentionnés dans la circulaire russe.

Trois Commissions furent ainsi formées); elles eurent à s'occuper :

La première, des questions concernant la guerre et la marine (limitation des effectifs et des budgets militaires, limitation de l'emploi des engins de guerre);

La deuxième, de l'examen de la Déclaration de Bruxelles et de l'application aux guerres maritimes des règles posées par la Convention de Genève;

La troisième, de l'arbitrage.

Quoique le programme tracé par la circulaire russe fût strictement limité, on eut plusieurs fois à invoquer, au cours des discussions, l'article que, très prudemment, les premiers Délégués avaient tenu à faire insérer dans le règlement pour empêcher certaines Puissances d'introduire devant la Conférence des questions qui ne rentraient pas dans sa compétence.

C'est en vertu de cet article que furent écartés, après avoir été examinés par une Commission spéciale, dite Commission des adresses et pétitions, les divers mémoires remis à la Conférence par les Comités arméniens, par les Jeunes Turcs et par quelques autres groupes politiques.

L'organisation des Commissions pouvant soulever quelques susceptibilités nationales ou personnelles, il sembla nécessaire de ne les constituer qu'après une nouvelle réunion des premiers Délégués. Il était difficile, en effet, de concilier les intérêts et les prétentions des nations représentées. Le petit nombre des Commissions ne permettait pas de donner satisfaction au désir que les grandes Puissances pouvaient manifester d'avoir chacune une place importante dans les différents bureaux. On aurait pu laisser la présidence des trois Commissions à des hommes connus par une compétence spéciale et non point désignés par l'élévation de leur situation personnelle ou par l'importance de leur pays. En déclinant à l'avance et ouvertement toute candidature, les représentants des grandes Puissances auraient donné un heureux exemple de bon accord et de désintéressement. Sans méconnaître les avantages de cette solution, conseillée par la Délégation française, la majorité des Délégués proposa une autre combinaison. D'après ce projet, les Délégués des grandes Puissances recevaient

(1) La Délégation française fut répartie de la manière suivante :

1" Commission: M. BIHOURD, Général MOUNIER, Amiral PÉPHAU.

2* Commission : Général MoUNIER, Amiral PÉPHAU, M. Louis RENAULT.

3 Commission: M. LEON BOURGEOIS, Baron D'Estournelles de CONSTANT, M. Louis RENAULT.

le titre de Présidents d'honneur des diverses Commissions; exception était faite en ce qui concernait le premier Délégué de France et le premier Délégué de Belgique à qui l'on demandait, en raison de leur expérience des débats parlementaires, d'accepter la présidence effective de la 3o et de la 1re Commission, les rapporteurs des Commissions et le rapporteur général du Congrès, lesquels étaient désignés d'avance.

Au cours des pourparlers auxquels ce projet donna lieu, la Délégation française crut devoir faire quelques observations qui amenèrent la suppression des fonctions de rapporteur général et l'ajournement de toute désignation de rapporteur; sur sa demande également, on accepta dans les listes de vice-présidence un certain nombre de Délégués des petites Puissances. Ces points admis, notre Délégation accepta le principe des présidences d'honneur données aux premiers Délégués des grandes Puissances et des présidences effectives confiées aux premiers Délégués belge et français, mais à la condition que la 2o Commission eût aussi un président effectif et dont la compétence fût reconnue par tous.

La constitution des bureaux des trois Commissions ainsi élaborée dans des réunions officieuses des premiers Délégués fut ratifiée par la Conférence en assemblée plénière. M. Bernaert et M. de Martens furent nommés présidents de la re et de la 2o Commission, et M. Léon Bourgeois accepta les fonctions de président de la 3o Commission; au nombre des vice-présidents qui furent choisis, nous devon citer, dans la re Commission, M. l'Amiral Péphau, le Général Mounier, et, dans la 3o, M. d'Estournelles.

Une semaine ayant été ainsi consacrée non à des préliminaires de pure forme, mais à de laborieuses et fréquentes réunions officieuses, en vue d'une organisation préparatoire qui devait singulièrement faciliter, par la suite, la bonne marche des discussions, les travaux de la Conférence de la Paix commencèrent le 23 mai.

2.

PREMIÈRE COMMISSION.

La première Commission qui avait été chargée, sous la présidence de M. Bernaert, de l'examen des quatre premiers points de la Circulaire du Comte Mouravieff, se subdivisa en deux Sous-Commissions :

La première, dont M. Bernaert conserva la direction, eut à s'occuper des propositions qui concernaient la guerre sur terre (paragraphe 2 en partie; paragraphe 3); La deuxième étudia, sous la présidence de M. de Karnebeek, le paragraphe 4 et celles des dispositions du deuxième paragraphe qui pouvaient s'appliquer à la guerre

maritime. L'examen du premier paragraphe de la Circulaire (limitation des effectifs et des budgets militaires) fut réservé à la première Commission, en séance plénière.

PREMIÈRE SOUS-COMMISSION.

(GUERRE.)

Afin de faciliter la discussion, les propositions russes avaient été précisées de la

manière suivante :

1o Armement de l'infanterie;

2o Des balles expansives et explosives;

3o Matériel de l'artillerie;

4o Des poudres employées comme propulsifs;

5° Emploi des explosifs dans la guerre de campagne;

6o Des explosifs nouveaux;

7o Lancement d'explosifs ou des projectiles du haut des ballons ou par des moyens analogues;

8° Moyens de destruction non encore découverts.

Dès la première réunion, il fut facile de constater que les Délégués de chaque Puissance, tout en paraissant animés du désir de répondre aux intentions humanitaires de S. M. l'Empereur de Russie, puisaient, soit dans leurs convictions propres, soit dans les instructions de leur Gouvernement, l'intention bien arrêtée de n'accepter aucune mesure qui aurait eu pour effet de diminuer en réalité les forces offensives ou défensives de leur pays ou mème de limiter la progression de ces forces.

Armement de l'infanterie.

Au début de la première séance, le Colonel Gilinsky, Délégué militaire de Russie, reconnaissant toutes les difficultés que la Sous-Commission allait rencontrer dans sa tâche, fit observer qu'il était logique d'essayer de se mettre d'accord sur les points faciles avant d'aborder la discussion des autres.

H proposa donc d'étudier en premier lieu l'armement de l'infanterie, car, dit-il, la plupart des pays ont un fusil dont ils sont satisfaits pour le moment et dont la valeur est sensiblement équivalente.

Il lui semblait possible de convenir pour un terme à fixer, cinq ou dix ans, que l'on n'apporterait pas de changements aux modèles actuels. Il parut à plusieurs Délégués que cette opinion sur l'équivalence des fusils était loin d'être exacte; aussi demandèrent-ils que les nations dont l'armement se trouverait arriéré eussent le droit de choisir parmi les modèles les plus avantageux.

D'autres firent observer que l'on ne pouvait admettre l'interdiction d'améliorer certains détails, reconnus défectueux à l'usage, et que, par suite, il était nécessaire de fixer d'avance avec précision ce qui serait autorisé.

Après quelque résistance, la Délégation russe consentit à rédiger une nouvelle proposition fixant, pour les dimensions du fusil, la vitesse et le poids de la balle, des limites entre lesquelles les inventeurs auraient liberté de se mouvoir.

Cette seconde proposition devait soulever de nouvelles difficultés; les limites indiquées par le Colonel Gilinsky ne parurent pas avoir une précision suffisante; elles laissaient en dehors un certain nombre de modèles déjà existants; aussi, malgré les discussions les plus approfondies et bien que de nombreuses formules de rédaction eussent été proposées, le résultat définitif ne fut malheureusement pas différent de celui que l'on redoutait tout d'abord; aucune Puissance ne voulait se condamner à l'immobilité pour une durée quelconque.

D'ailleurs les discussions révélèrent certaines difficultés accessoires qu'il peut être intéressant de signaler.

On se demanda si, alors même que les Puissances se seraient mises d'accord, les engagements pris ainsi par elles auraient une sanction. On ne méconnut pas que l'honneur et la bonne foi des Gouvernements seraient, dans bien des cas, suffisants pour assurer cette sanction; mais il était impossible de considérer une telle garantie comme absolument efficace en toute hypothèse; elle aurait exigé d'ailleurs dans la rédaction des dispositions techniques une précision à laquelle l'ensemble des débats que nous avons rappelé, ne laissait point espérer de parvenir.

D'autres questions furent soulevées :

Si l'on autorise les Puissances dont l'armement est arriéré à prendre un nouveau modèle parmi les plus perfectionnés, on ne saurait, a-t-on dit, leur interdire de fondre diverses améliorations en un seul type; on aboutirait ainsi à cette conclusion contradictoire que ces Puissances seraient alors dotées de fusils supérieurs à tous

les autres.

Aurait-on le droit, pendant la période fixée, de fabriquer un nouvel armement, quitte à ne pas le mettre entre les mains des troupes, s'il se trouvait achevé avant le terme accepté? Quoiqu'il pût y avoir un certain danger à donner aux troupes une arme dont elles ne sauraient pas se servir, la généralité des Puissances n'a pas mis en doute que le pays qui aurait entrepris cette fabrication bénéficierait d'une

grande avance sur tous les autres; que l'on ne pouvait, en conséquence, autoriser la fabrication en grand, mais que les études ne devaient pas tomber sous le coup de l'interdiction.

En résumé, malgré tous les efforts de la Commission, il fut impossible de se mettre d'accord sur un texte précis pour limiter, même temporairement, la fabrication de l'armement de l'infanterie. L'échec des diverses propositions, présentées à cet égard, parut rendre désormais inutile l'examen des problèmes, plus difficiles encore, touchant les autres parties de l'armement, énumérés dans la proposition de la Délégation russe.

Ce fut ainsi presque sans débat et l'on pourrait dire d'un commun accord que les différents Délégués militaires reconnurent l'impossibilité d'imposer aux Gouvernements des mesures restrictives dans les questions qui concernent le matériel de l'artillerie de campagne et de siège, les poudres, l'emploi des explosifs dans la guerre de campagne, les explosifs à découvrir et l'invention de nouveaux moyens de s'entredétruire.

Toutefois deux points spéciaux furent mis à part et devinrent l'objet d'engagements respectifs des Puissances représentées : nous voulons parler de l'emploi des balles expansives et de l'emploi des ballons.

Balles expansives. Les balles dum-dum ou expansives ont été l'objet d'un débat assez vif entre les Puissances continentales et l'Angleterre, à laquelle se joignirent les États-Unis.

Le Délégué anglais a soutenu que cette balle ne méritait pas les reproches que l'opinion publique lui adressait en raison des effets terribles attribués par erreur à son emploi: cette balle, disait-il, n'éclate pas dans le corps humain, elle se gonfle sans se briser et remplace en réalité une balle de calibre plus fort, tout en jouissant des propriétés balistiques appartenant aux balles de petit calibre.

la

Le général Ardagh ajoutait (et ses paroles amenèrent une très vive protestation de part du Délégué militaire allemand) que le fâcheux renom de cette balle serait dû en grande partie aux expériences faites en Allemagne avec une sorte de contrefaçon de la balle anglaise.

Faute d'essais vérifiés avec soin, il n'est pas possible d'infirmer absolument l'opinion du délégué anglais, mais, a priori, on peut affirmer qu'une balle qui se gonfle au choc doit produire des désordres beaucoup plus graves qu'une balle indéformable, ayant d'avance le calibre auquel parvient la première après son expansion.

Quoiqu'il en soit, la plupart des délégués reconnurent la nécessité d'interdire l'emploi de ces balles et, malgré la résistance de l'Angleterre et des États-Unis, la Conférence vota la Déclaration suivante :

Les Puissances contractantes s'interdisent l'emploi des balles qui s'épanouissent ou s'aplatissent facilement dans le corps humain, telles que les balles à enveloppe dure dont l'enveloppe ne couvrirait pas entièrement le noyau ou serait pourvue d'incisions.

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