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« à employer pour en généraliser la pratique? Y aura-t-il lieu de procéder de préfé«rence par l'extension du système des traités d'arbitrage permanent, par l'introduction « de la clause compromissoire dans les actes internationaux? Ou, au contraire, y aura-t-il lieu d'établir d'une manière permanente une institution internationale à laquelle un mandat serait donné :

« 1° Soit à titre d'organe simplement intermédiaire, agissant pour rappeler aux parties l'existence des conventions, l'application possible de l'arbitrage et s'offrant à « mettre en mouvement la procédure;

« 2o Soit à titre d'institution de conciliation préalable à toute discussion juri« dique ;

« 3° Soit enfin à titre de juridiction sous la forme d'un tribunal international. L'ordre des travaux ainsi proposé fut adopté à l'unanimité, et M. Léon Bourgeois put constater « que la Commission avait paru unanime à reconnaître qu'il était désirable de recourir de préférence aux moyens pacifiques plutôt qu'à la force pour régler les différends entre les nations ».

Après le Projet russe, le Premier Délégué d'Angleterre, à son tour, déposa une proposition, laquelle, tout en étant moins générale, n'en était pas moins très importante, car elle soumettait dès le début à la Conférence la grave question d'une juridiction arbitrale permanente.

Sir Julian Pauncefote demandait à la Commission de se prononcer ou tout au moins de faire pressentir ses dispositions en ouvrant une discussion générale sur la question.

Cette proposition n'avait été annoncée à personne; elle ne fut pas sans prendre à l'improviste la Commission, laquelle, sur la demande du Comte Nigra, puis de M. Bernaert, décida de réserver sa décision et de n'aborder qu'en dernier lieu une motion qui paraissait appelée à rencontrer certaines difficultés. Ajournement fort opportun, car une discussion générale prématurée risquait de déterminer dès le début, entre les membres de la Conférence, un désaccord dont les conséquences pouvaient compromettre l'œuvre tout entière.

L'intervention du Comte Nigra marquait d'ailleurs clairement le niveau des esprits, incontestablement beaucoup moins favorables à l'arbitrage au début de la Conférence qu'à la fin elle permet de mesurer par conséquent le progrès si rapide accompli entre la date du 15 mai et celle du 29 juillet.

:

La proposition de Sir Julian Pauncefote eut toutefois un double effet: 1o elle posa la question du tribunal permanent d'arbitrage de telle sorte qu'on ne pouvait en éluder la discussion; 2o elle décida le Gouvernement russe à la

poser également;

et c'est dans ce sens, en effet, que M. de Staal fit remettre au bureau, quelques instants après le Premier Délégué anglais, une proposition additionnelle qu'il tenait en réserve, comme complément des projets déjà soumis par lui à la Com

mission.

LE COMITÉ D'EXAMEN. En présence de propositions aussi nombreuses et aussi diverses, la Commission, afin d'en permettre une étude méthodique et rapide

décida de choisir dans son sein un Comité d'examen composé seulement de huit membres chargés de faire une première étude et de lui soumettre ensuite des propositions. Elle se réservait d'examiner ces propositions, puis de les faire siennes, après les avoir au besoin modifiées ou complétées, pour les soumettre à la Conférence plénière.

Ce Comité d'examen fut désigné séance tenante: composé de MM. ASSER (PaysBas), DESCAMPS (Belgique), D'ESTOURNELLES DE CONSTANT (France), HOLLS (ÉtatsUnis), LAMMASCH (Autriche-Hongrie), DE MARTENS (Russie), ODIER (Suisse) et ZORN (Allemagne), et se réunit le jour même sous la présidence de M. Léox Bourgeois pour se constituer et se mettre au travail; ce sont ses procès-verbaux qui ont presque constamment servi de base au présent rapport.

Le Comité commença par élire son bureau; M. le Chevalier Descamps fut nommé Président-rapporteur, mais n'exerça qu'une ou deux fois les fonctions de Président, car le Comité, devenant en fait l'organe essentiel de la Commission, ses séances ne pouvaient manquer d'ètre plus fréquentes et plus importantes que celles de la troisième Commission elle-même. Aussi les deux Présidents d'honneur de la Commission, Sir Julian Pauncefote et le comte Nigra, ne manquèrent point d'assister à toutes ses séances. Les Ambassadeurs d'Allemagne et d'Autriche n'y vinrent pas, mais M. de Staal y prit part souvent et ce fut M. Léon Bourgeois, Président effectif de la troisième Commission, qui en dirigea presque constamment les débats.

M. d'Estournelles fut chargé de la rédaction souvent délicate des procès-verbaux. Les délibérations du Comité d'examen furent donc à la fois dirigées et résumées par la délégation française .

Aux projets russe et anglais vinrent s'adjoindre deux propositions: 1° l'une italienne; 2o l'autre américaine, dont il sera parlé plus loin et qui figurent aux annexes des procès-verbaux.

La France, comme on le voit, n'avait déposé, de son côté, aucune proposition spéciale. Ses représentants comptaient s'inspirer des développements des débats pour y intervenir à l'heure utile dans le sens déterminé par les instructions ministérielles qui leur prescrivaient de « favoriser les solutions les plus libérales ».

La lecture des procès-verbaux et du rapport de M. Descamps nous fait connaitre dans tous ses détails la discussion des divers projets. Nous la résumerons rapidement en indiquant la part prise par chaque Puissance dans ces débats.

LES PROJETS EN DISCUSSION. BONS OFFICES ET MÉDIATION. COMMISSIONS D'Enquête. Le projet russe fut pris pour base des discussions du Comité en ce qui concerne les chapitres suivants: Bons offices et médiation, Commissions d'enquête, Procédure de l'arbitrage.

Le projet anglais, réservé d'abord, fut ensuite pris pour texte de l'importante discussion sur la création d'une cour permanente d'arbitrage.

Avant d'aborder le premier chapitre des bons offices et de la médiation, le Comité crut devoir affirmer, dans un article initial qui fut ratifié par la 3e Commission et par la Conférence et placé comme article unique, en tête de la Convention, sous ce titre : « Du maintien de la Paix générale », la déclaration de principe suivante :

a ART 1er. A l'effet de prévenir autant que possible le recours à la force dans les rap

ports entre les États, les Puissances signataires conviennent d'employer tous leurs efforts en vue du réglement pacifique des différents internationaux.

a) Des bons offices et de la médiation.

Par l'article 2, les Puissances prennent un engagement moral, ou du moins elles décident qu'en cas de dissentiment grave ou de conflit, avant d'en appeler aux armes, elles auront recours, en tant que les circonstances le permettront, aux bons offices ou à la médiation d'une ou de plusieurs Puissances amies.

C'est sur cet article qu'eut lieu le premier engagement entre les Délégués et qu'on put voir se prononcer les dispositions de chaque pays : on commença, dans un premier mouvement libéral, par supprimer cette phrase: « autant que les circonstances le permettent», parce qu'elle affaiblissait grandement la portée de l'engagement moral à prendre; puis, à plusieurs reprises, le Comité revint sur son vote, trahissant ainsi l'incertitude qui régnait au début chez les Représentants des diverses Puissances. Les articles 3 à 7 déterminent le caractère et les conditions de la médiation. Is tiennent compte d'un amendement suggéré mais non précisé par le comte Nigra (1). L'article 8 est dû à l'initiative de la Délégation américaine; il préconise une médiation spéciale, inspirée des conditions dans lesquelles sont constitués les témoins dans un duel. Cette ingénieuse combinaison, soutenue par le Représentant des ÉtatsUnis au Comité, et adoptée avec faveur, servit d'introduction à M. Holls qui, depuis lors, ne manqua pas de revendiquer pour son pays, nouveau dans le concert des nations civilisées, une très large part dans les délibérations.

La troisième Commission, réunie le 5 juin pour prendre connaissance des premiers résultats des travaux de son Comité, les approuva en première lecture, avec cette restriction que quelques Délégués, notamment ceux de Turquie, de Grèce et de Roumanie, réservèrent l'opinion de leurs Gouvernements.

b) Des Commissions d'enquête. Avec beaucoup de raison, le projet russe avait prévu le cas où un conflit naîtrait de quelque incident local mal connu, grossi par les informations sensationnelles de la presse, par exemple un incident de frontière; pour couper court à l'excitation des esprits et aussi pour gagner du temps, M. de Martens, qui fut le très écouté défenseur du projet dans le Comité, à côté de M. de Staal, proposait aux Puissances de s'engager à instituer une Commission internationale d'enquète, « afin de constater les circonstances ayant donné matière au dissentiment, et d'éclaircir sur les lieux par un examen impartial toutes les questions de fait». Ces Commissions, bien entendu, ne devraient pas être convoquées dans le cas où l'une des Puissances intéressées estimerait que son honneur ou ses intérêts vitaux seraient engagés. Malgré cette réserve qui domine d'ailleurs tous les chapitres de la Convention, et qui n'a pas manqué d'être formulée expressément et renouvelée, le cas échéant, par les représentants de chaque pays, de graves objections s'élevèrent contre l'institution proposée. La majorité de la Conférence dut s'incliner devant les résistances d'une minorité décidée à ne pas céder. Quelques délégués, en effet, profitant de ce que cette question était restée parmi les dernières à soumettre à la Conférence, refusèrent de voter la Convention si leurs Gouvernements n'obtenaient pas

(1) Voir Procès-verbaux du comité, annexe 4.

toute latitude

pour pouvoir refuser la constitution de ces commissions d'enquête. Ces délégués représentant la Turquie, la majorité des États balkaniques et la Grèce, eurent pour principal et infatigable porte-parole M. Beldiman; ils soutinrent que les Commissions d'enquête seraient toujours fatalement à l'avantage des pays les plus forts et les mieux administrés; qu'elles constitueraient pour les autres une ingérence insupportable et dangereuse. Ils plaidèrent en fait la cause des administrations défectueuses; mais force fut, pour éviter qu'ils votassent contre la Convention, d'insérer dans l'article 9 les mots « autant que les circonstances le permettront », enlevant ainsi le caractère obligatoire à la disposition de l'article.

L'ARTICLE 10.-LES CAS D'ARBITRAGE OBLIGATOIRE.Avant de donner une organisation juridique à l'arbitrage, le projet russe posait en principe qu'un certain nombre de différends devaient obligatoirement relever de cette juridiction nouvelle, et il allait jusqu'à énumérer d'avance les cas où pourraient se produire ces différends (art. 10); par exemple, en cas de dissentiments se rapportant à l'interprétation ou à l'application des conventions postales, télégraphiques, de chemins de fer, de propriété littéraire, de marque de fabrique, de succession, d'assistance judiciaire, etc.

Il faut distinguer entre le principe de la proposition russe et le détail de son énumération. Le principe, à savoir qu'il convenait de prévoir un certain nombre de cas d'arbitrage obligatoire, fut admis à l'unanimité, sauf par l'Allemagne, qui commença par se réserver. Quant aux détails, les divers paragraphes de l'énumération soulevèrent, à mesure qu'ils furent examinés de plus près, de nombreuses divergences de vues. Aux yeux de la Délégation française, l'énumération portait sur des points qui pouvaient ou devaient être supprimés, et, en revanche, elle en omettait beaucoup d'autres qui n'étaient pas sans intérêt.

Il apparut dès lors qu'il serait fort difficile d'établir l'accord sur une énumération précise. La Belgique, par exemple, trouvait la liste incomplète, et demandait qu'on y ajoutât entre autres l'interprétation et l'application des traités de commerce. L'Italie, allant plus loin, jugeait cette énumération dérisoire et demandait, avec les États-Unis et l'Angleterre, qu'on la supprimât. Les choses devaient d'ailleurs changer de face entre la première et la seconde lecture de l'article 10.

Sir Julian Pauncefote, on se le rappelle, avait pris l'initiative d'un projet de tribunal permanent et cette question nouvelle, que ne que ne soulevait pas la première proposition russe, avait attiré l'intérêt de tous les délégués. On verra plus loin à la suite de quelles importantes discussions le principe de cette institution permanente d'arbitrage fut admis définitivement par le Comité.

Cette conquête considérable faite par les partisans de l'arbitrage ne pouvait manquer d'amener sur d'autres points des tentatives de recul. L'Allemagne, notamment, était représentée au Comité par le docteur Zorn, qui se montrait personnellement favorable aux initiatives les plus libérales, mais qui reçut de son Gouvernement des instructions si formelles, qu'il dut modifier son attitude et revenir sur les premières déclarations que lui avait inspirées l'article 10.

Le Comité ne tarda pas à se rendre compte que l'opposition de l'Allemagne serait

Conférence de la Paix.

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irréductible et qu'à vouloir maintenir en dehors d'elle les cas d'arbitrage obligatoire énumérés dans l'article 10, on s'exposerait à voir cette Puissance et sans doute plusieurs autres États faisant cause commune avec elle, rejeter l'ensemble du projet et

faire échouer définitivement ainsi l'œuvre entière du Comité.

En présence de cette situation, il parut sage de ne' point prolonger un débat sans issue; la cause de l'arbitrage, après l'adoption unanime par le Comité d'un tribunal permanent, avait remporté un succès trop considérable pour qu'on s'exposât à en perdre les fruits. On se décida donc à l'unanimité à ne reconnaître aux cas d'arbitrage qu'un caractère purement facultatif, et ceux-là même des délégués qui avaient le plus énergiquement défendu l'idée de l'obligation se rallièrent à cette transaction. Telle fut l'attitude de la Délégation française. M. Léon Bourgeois tint à marquer dans quel esprit il adhérait à la solution proposée et à déclarer qu'il ne renonçait à faire prévaloir son point de vue que dans le but supérieur d'atteindre à l'unanimité. En agissant ainsi, la Délégation française crut rester fidèle à ses instructions et servir efficacement les intérêts dont elle avait la garde.

LA COUR PERMANENTE D'Arbitrage. De la première à la sixième séance, le Comité d'examen avait évité les discussions périlleuses; chacun de ses membres s'était plus ou moins réservé et il était impossible encore de savoir ce qui sortirait de ses travaux encore hésitants et confus.

En ouvrant la mémorable séance du 9 juin, M. Léon Bourgeois donna lecture d'une déclaration générale résumant l'opinion de la Délégation française, sur la création d'une institution permanente d'arbitrage. La France, déclara-t-il, est favorable à cette innovation, à la condition qu'on réserve la liberté du recours à ce mode d'arbitrage et la liberté dans le choix des arbitres; bien plus, elle suggère des moyens pratiques pour que l'institution nouvelle soit vraiment efficace (1).

Sir J. Pauncefote se félicita naturellement de voir son projet servir de base à la discussion et exprima l'espoir de le voir aboutir.

Le Chevalier Descamps (Belgique) se déclara également favorable.

Le Docteur Zorn n'attendit pas que tous ses collègues eussent exprimé leur opinion pour faire savoir au Comité que son Gouvernement ne pouvait s'abandonner à des illusions et considérait l'innovation comme prématurée. Il demandait donc que le projet du tribunal permanent d'arbitrage fût rayé de l'ordre du jour, et qu'on en revînt au projet primitif de la Russie.

Le Docteur Zorn resta isolé : personne ne soutint sa proposition d'ajournement; bien loin de là, le délégué d'Italie, lui-même, le pria de réfléchir, de ne pas se prononcer encore par un refus catégorique et d'en référer à son Gouvernement; le Comte Nigra termina son ardent appel en insistant sur l'impatience de l'opinion publique, sur le danger de lui causer une vive déception : il fit ressortir enfin la responsabilité que prendrait la Conférence en refusant de discuter la création d'un tribunal d'arbitrage.

A l'appui du Comte Nigra, Sir J. Pauncefote, M. de Martens, M. Asser, M. Descamps prirent tour à tour la parole. M. Odier, au nom de la Suisse, n'insista pas moins

(1) Voir, au procès-verbal de la 6 séance, le texte de cette déclaration.

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