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libres de les faire valoir1. Ces faits ne sont nullement imputables au décret, mais seulement à la façon dont il est parfois appliqué. D'ailleurs, dans ces cas, le juge ayant, même en l'absence d'opposition, un pouvoir discrétionnaire, peut rejeter l'immatriculation demandée, ou se rendre sur les lieux et procéder lui-même à une enquête.

Nous estimons naturellement que chaque fois qu'un doute de cet. ordre se présente, le juge ne doit pas hésiter à se rendre sur les lieux, quels que soient les frais que son transport puisse entraîner. Un autre reproche adressé au décret foncier nous semble plus exact. L'immatriculation, bien que son prix ait été réduit, est encore une procédure trop coûteuse surtout en ce qui concerne les immeubles de faible valeur et ceux qui sont éloignés des sièges des Tribunaux. Les frais de bornage et de levée de plan pourraient être sensiblement diminués.

Nous avons envers le décret des griefs plus sérieux puisqu'il visent l'esprit même dont il est animé. En matière de réglementation foncière le législateur doit choisir entre deux systèmes dont l'un protège l'individu contre lui-même et entrave la circulation immobilière, l'immobilité de la propriété foncière dans les mêmes. familles étant considéré comme un principe social et dont l'autre, considérant la circulation des biens meubles ou immeubles comme nécessaire à la prospérité générale, laisse au propriétaire foncier sa pleine indépendance et partant sa pleine responsabilité.

Les auteurs du décret foncier de 1897 en adoptant ces derniers principes n'ont pu se détacher complètement des traditions du droit français. C'est pourquoi nous avons pu constater parfois des hésitations, des timidités dans l'innovation qui enlèvent à l'œuvre définitive son caractère d'unité.

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1. C'est ainsi que dans une réquisition d'immatriculation faite pour le compte d'une grande exploitation coloniale, un village entier avec ses cultures était compris sur le terrain dont l'immatriculation était demandée. Le procès-verbal de bornage constatait que le représentant de l'administration n'avait pas cru devoir faire un lotissement en faveur des indigènes ». Il était évident que ceux-ci n'avaient pas été informés de leur droit de s'opposer à l'immatriculation. Cette spoliation est d'autant plus redoutable lorsqu'elle se produit que les grandes compagnies concessionnaires de terrains immenses se bornent à prélever un tribut sur les indigènes ainsi dépossédés en droit, mais non en fait. Ceux-ci croient payer un nouvel impôt. C'est l'exploitation de l'indigene substituée à celle de la Colonie.

Toutefois, il serait injuste selon nous d'attribuer à des hésitations de cet ordre le fait que le décret n'a pas rendu immédiatement et pour tous l'immatriculation obligatoire; il est peu probable que sur ce point tous les auteurs du décret n'aient pas été d'accord, mais des raisons budgétaires ont empêché cette réforme.

Le régime hypothécaire, ainsi que nous l'avons vu, n'a pas été à l'abri de ces hésitations. Des discussions s'étaient produites à ce sujet au sein de la commission chargée de rédiger le projet du décret; certains membres de cette commission avaient fait remarquer que la suppression des hypothèques générales et occultes portait une grave atteinte aux mesures de protection que la législation française avait établies au profit des incapables et de la femme mariée 1.

Toutefois sur ce point la logique du système l'emporta et on rejela les hypothèques occultes.

Il n'en fut malheureusement pas de même en matière de privilège et nous avons vu que le décret avait laissé subsister certains privilèges incompatibles cependant avec l'économie du nouveau régime.

L'hypothèque sous seing privé qui est admise à Madagascar par la nouvelle législation est un progrès incontestable. L'obligation de contracter hypothèque par acte authentique était naturelle à une époque où l'engagement hypothécaire était un fait anormal, par lequel un individu engageait un capital acquis par ses ancêtres. C'était d'ordinaire le signe précurseur de la ruine.

Si l'on considère au contraire le contrat hypothécaire comme un acle normal de la vie économique, si surtout l'on admet que celui qui engage ainsi sa propriété est aussi celui qui l'a achetée et l'a mise en valeur c'est-à-dire qui l'a créée au point de vue économique, on comprend que l'authenticité du contrat hypothécaire est un anachronisme.

Il y a lieu cependant de faire un grave reproche au décret de n'avoir pas exprimé plus formellement son intention de valider les hypothèques sous seing privé. Sur une question aussi importante

1. Procès-verbaux des séances de la Commission foncière instituée par arrêté du 29 juillet 1896, séance du 5 septembre 1896, discours de M. Sourd président de la Cour d'Appel.

que celle-là, jamais il n'aurait dû être possible à la jurisprudence d'avoir des hésitations.

Toutefois, si notre vœu est que les parties soient dispensées de faire des actes notariés, cette réforme ne doit pas être faite au profit des agents d'affaires, mais au profit des contractants eux-mêmes. Les législations anglaises ont imaginé sur ce point une création très pratique que nous regrettons de ne pas trouver dans le décret foncier. C'est la création des types de contrats immobiliers.

«Dans le but de faciliter les transactions, des formules imprimées de vente, de mortgage (hypothèque) et autres contrats seront mises à la disposition du public dans les bureaux des titres de propriété 1». Au moyen de ces «< passe-partout » toute personne pourvue d'une instruction moyenne peut sans peine remplir les formules dans la plupart des cas, sans avoir besoin de recourir aux offices d'un praticien. Il est à souhaiter que, sans s'arrêter aux protestations desdits praticiens, on adopte à Madagascar une mesure aussi pratique.

Au sujet du régime hypothécaire il faut encore reprocher au décret la rapidité insuffisante de son système d'expropriation. Certes c'est un progrès considérable sur les lenteurs voulues de la saisie immobilière de la métropole. C'est encore insuffisant, trop de nullités sont encore possibles, trop de frais aussi sont nécessaires. On a si bien senti ce défaut dans la pratique qu'on a essayé de saisir comme meubles des maisons malgaches, les Tribunaux ont dû s'opposer à cette pratique.

Nous avons noté au cours de cette étude que le Conservateur donnait au public les renseignements qui lui étaient demandés au sujet des immeubles inscrits sur ses registres. Toutefois, aucun texte n'impose au Conservateur cette obligation et ce n'est que par une heureuse interprétation de l'esprit du décret que l'administration accorde ces renseignemets, il y a là sur ce point dans le décret une lacune regrettable que nous avons d'ailleurs déjà signalée.

Parmi les innovations des lois anglaises que nous regrettons pour Madagascar, l'une des plus intéressantes est la possibilité d'endosser l'hypothèque au profit d'un tiers sous réserve toutefois que cet

endossement soit transcrit sur les registres fonciers.

1. Projet de réglement immobilier pour la Colonie des Straits Settlements ».

Dans l'une des séances de la commission chargée de préparer le projet on avait proposé de déclarer par un texte formel que l'hypothèque pourrait faire l'objet d'endossement et devenir ainsi d'un transfert aussi facile qu'un titre de rente nominatif. On a fait observer que, en France sous l'empire du Code Civil, la jurisprudence de la Cour de cassation admettait la cession de l'hypothèque par voie d'endossement en même temps que la créance dont elle dépend; qu'il suffisait pour cela de rédiger cette hypothèque en brevet et de la revêtir de la clause à ordre. Bien qu'à Madagascar, sans aucun texte spécial, cette cession soit actuellement possible pourvu naturellement que chaque nouvel endossement soit soumis à la formalité d'inscription on demandait sur ce point un texte spécial. La Commission chargée de rédiger le projet de décret avait rédigé un article sur ce point, il est regrettable qu'il ait été supprimé du texte définitif1.

LOUIS HOLTZ.

1. Procès-verbaux de la commission foncière, séance du 26 février 1897, discours de M. Cahuzac.

LES « PAGES NORMANDES » D'ALBERT SOREL1

<< Elle parle à tous les yeux, cette nature normande, colorée, mourante, contrastée. Elle apparaît tour à tour riante, épanouie, mélancolique, douloureuse à l'automne, hérissée en hiver et peuplée de fantômes... Nous autres, qui en recevons l'impression avec le premier souffle de la vie, elle nous prend tout enfants, et ne nous lâche plus. Ceux qui ne restent pas reviennent toujours ! » Albert Sorel écrit ces lignes à propos d'un peintre, Eugène Boudin, honfleurais comme lui. Il constate ce retour inévitable au sol natal des enfants qui l'ont tant soit peu abandonné, le « retour à la terre ». Est-ce là un semblant de regret exprimé par celui dont l'existence entière fut consacrée aux fonctions publiques et à l'étude de l'histoire, à la France toujours? Le collaborateur de M. de Chaudordy, à Tours et à Bordeaux, le secrétaire général du Sénat, le professeur à l'École des Sciences Politiques, l'historien de l'Europe et la Révolution Française ne laissa jamais passer une année de sa vie, sans réserver quelques semaines à son coin de Normandie; il n'eut donc pas à y revenir. Depuis longtemps, il songeait, seule la mort a interrompu son rêve, à donner le gage de sa fidélité et de son culte à la « petite patrie ». De ce gage rêvé, la piété filiale vient de rassembler les éléments; les «< Pages Normandes » demeureront le « petit livre » d'Albert Sorel.

Livre précieux s'il apporte dans ses feuilles, tout imprégnées d'aspirations terriennes, une éloquente contribution au prodigieux essor des «< littératures provinciales », il fera connaître un Albert Sorel que l'on soupçonnait, mais que l'on ignorait encore. A revendiquer pour la province d'origine les Normands qui l'illustrèrent, en les expliquant, eux et l'œuvre, par leurs attaches ancestrales, Sorel s'analyse; par échappées, il se dévoile; et ces pages familières de magnifique poésie révèlent, une fois de plus, l'ardeur

1. Vol. in-8, Paris, Plon. 1908.

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