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s'embarque à Honfleur pour conquérir le Canada; Eugène Boudin, le peintre d'«< Amphytrite Normande »; le droit de cité ne peut être refusé à l'auteur des Trophées, enfant de Normandie par attaches maternelles et dont l'aïeul, Conquistador, eut l'âme d'un Wiking! Tous les génies..., toutes les gloires...! Peut-être même jalouse-t-il secrètement la géographie qui veut que le « Grand-Bé » soit battu par la mer bretonne, et que la Corse ne flotte pas aux bouches de la Seine! Quelle joie Sorel ne dut-il pas ressentir le jour où, scrutant une carte de cette Nouvelle-France, fondée par des marins, partis de «< chez lui », il s'aperçut que là-bas, une ville, à quelques lieues de Québec, portait son nom...!

<«< La Normandie, je ne la prends pas, c'est elle qui m'a pris. » Il la prend quand même et y rattache tous ceux qui l'ont glorifiée, habitée ou traversée. Guizot a été député du Calvados; il est un Normand d'élection; et aussi Puvis de Chavannes : « son Pauvre Pêcheur est de chez nous », et Sauvage, qui « essaya dans nos bassins la première hélice ». Il ne louera jamais assez Ruskin d'avoir écrit : «...il y a eu, en somme, trois centres de la jeunesse de ma vie Rouen, Genève et Pise... » Rouen! « Que je lui sais gré d'avoir transplanté dans notre France de l'ouest l'insigne du pèlerinage de beauté... »; dans la Normandie, chef-d'œuvre de paysage », la cathédrale, « chef-d'œuvre de pierre »>!

Sorel s'empresse d'ajouter: « Nous ne réclamons que la part d'héritage de la petite patrie... ; nous l'aimons tous à notre façon; mais nous n'avons qu'une façon d'aimer la grande ». Ainsi, pour Corneille, par exemple; si l'on s'apprête à fêter le troisième centenaire de sa naissance, ce doit être pour nous « l'occasion de rappeler la France à soi-même, en son plus glorieux passé ». « La petite patrie, c'est le beau point de vue d'où nous apprenons à nos enfants à regarder la France. » Prenez les Pages Normandes; ce leit motiv du patriotisme le plus fervent, harmonisant dans une superbe unité la vie et l'œuvre d'Albert Sorel, fait vibrer sous vos yeux les feuillets de son livre d'Outre- Tombe.

MAURICE ESCOFFIER.

CHRONIQUE DES QUESTIONS INDUSTRIELLES

(1907)

Les paquebots géants modernes et leurs conditions de réalisation comme de fonctionnement. La vitesse atteinte et la comparaison avee le passé; le prix de cette vitesse et le coût des grands transatlantiques. Les perfectionnements apportés à la coque des navires et les aciers nouveaux. L'augmentation de puissance des machines et son peu d'importance relative par rapport aux résultats assurés : la faible consommation des engins modernes, les progrès accomplis. L'exploi tation économique des bateaux les plus coûteux, et le bon rendement pécuniaire des récents Cunarders. - La question de la force motrice au point de vue général, et les dilapidations de combustible dans la machine à vapeur la plus perfectionnée; le rendement pratique et le rendement théorique d'un kilo de charbon. Les améliorations diverses poursuivies en vue d'une économie de combustible; chaudières tubulaires, alimentation automatique, tirage artificiel, surchauffe, etc. Le moteur à gaz et le gaz pauvre; rendement bien supérieur avec facilité de conduite. Les moteurs à gaz de grande puissance. économie nouvelle en métallurgie par utilisation d'un sous-produit: les gaz perdus des hauts-fourneaux et des fours à coke; leur emploi direct pour la production de la force. Un combustible qui ne coûte rien. L'allègement des moteurs automobiles; les machines extralégères appliquées aux ballons et aux aéroplanes. Les nouveaих métaux, succédanés du cuivre, du zinc et de l'étain; l'utilisation réelle de l'aluminium principalement sous forme d'alliages et les services qu'ils rendent.

Une

Dans une chronique antérieure, nous avons eu l'occasion de montrer la supériorité de la turbine à vapeur sur la machine classique à pistons, et nous avions laissé entendre les services rares qu'elle était susceptible de rendre en matière de navigation; aujourd'hui la démonstration de ses avantages est faite, et sur des proportions gigantesques, qui avaient fait craindre un échec, gigantesque luimême, par ceux qui n'avaient pas confiance dans cet engin méca

nique. Les deux plus grands transatlantiques que le monde possède à l'heure actuelle ont été dotés de ce mécanisme propulseur, qui donné tout ce qu'on pouvait attendre. Mais si, sans la turbine, la réalisation du Lusitania et du Mauretania étaient impossibles, par suite de l'impossibilité même où l'on aurait été de. loger, dans une coque pourtant de près de 240 mètres de long, des machines alternatives encombrantes donnant la puissance de 68.000 chevaux nécessaire pour atteindre la vitesse désirée; il faut bien reconnaître aussi que cet admirable résultat est dû également à d'autres progrès industriels et techniques: bon rendement des chaudières, résistance exceptionnelle du métal formant la coque et lui assurant légèreté en même temps que rigidité. C'est donc bien le moins que l'on considère dans leur ensemble des navires comme les deux paquebots gigantesques de la Cie Cunard, afin de se rendre compte de la façon dont ils sont établis, dont ils effectuent ces traversées à toute vitesse qui sont leur raison d'être. Et comme, en matière industrielle, le prix de revient est ce qu'il faut considérer avant tout; que, en particulier pour les Cunarders, il serait absolument irrationnel de vanter de semblables instruments de transport s'ils ne devaient pas « rapporter », fonctionner avec bénéfices, s'ils étaient réellement obligés de compter sur le versement de subventions de la part du pays désireux de voir flotter son pavillon sur les transatlantiques les plus rapides du monde; nous rechercherons ce qu'il en est du fonctionnement économique des bateaux modernes à très grande vitesse.

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Au moment où le Lusitania a fait ses premières traversées, certaines personnes avaient commencé de se réjouir, en constatant qu'il s'était tenu à 23 nœuds d'allure: elles y voyaient la preuve manifeste de l'infériorité de la turbine sur la machine alternative; mais leur triomphe a été de peu de durée. Volontairement, et pour mettre au point les machines, les armateurs n'avaient fait d'abord donner celles-ci que pour les 3/4 environ de leur puissance; et peu à peu, on a vu la vitesse moyenne augmenter, jusqu'au jour où la traversée s'est faite en quatre jours et douze heures, et où l'on a atteint et dépassé cette vitesse de 25 nœuds pour laquelle avaient été étudiés navire et machines. Pour se rendre compte de ce que représentent cette vitesse et cette durée de traversée, il faut jeter rapidement un coup d'œil en arrière se rappeler par exemple que, en 1856, le Persia avait excité l'étonnement dans les milieux maritimes en traversant l'Atlantique en neuf jours une heure, ce qui constituait en effet un progrès surprenant par rapport aux quatorze jours du Bri

tannia de 1840. En 1866, on était parvenu, avec le Scotia, à abaisser la durée du voyage à huit jours deux heures; à six jours dix-huit heures en 1882 avec l'Alaska; à cinq jours douze heures en 1882 avec le City of Paris. Tout naturellement l'abréviation relative diminuait au fur et à mesure que l'on atteignait des allures plus rapides en ellesmêmes, car il est fort malaisé de gagner quelques heures sur un horaire aussi tendu que celui des transatlantiques modernes. Cela n'empêche que, en sept années seulement, de 1900 à 1907, on a porté l'allure moyenne de 23 1/2 nœuds à 25; et un des nouveaux navires de la Cie Cunard arrive à franchir dans sa journée une distance de plus de 620 milles marins (1.150 km.), alors que les plus puissants, les mieux construits des transatlantiques allemands (qui constituaient jusqu'ici le prototype de la perfection) n'ont pas franchi plus de 583 milles dans ce même temps. Sans doute le Kaiser Wilhelm II a pu, dans une certaine circonstance, dépasser l'allure de 24 nœuds, mais ce ne fut qu'exceptionnel; et de plus en plus on prétend exiger des navires, surtout postaux et à passagers, une régularité comparable à celle des convois de chemins de fer.

C'est pour arriver à ce résultat qu'on a dû donner aux deux nouveaux transatlantiques de 1907 cette longeur de 240 mètres au total qui leur fait mériter le qualificatif de gigantesques; c'est pour cela qu'ils présentent un tirant d'eau de 10 m. 21, un déplacement ou poids de 38.500 tonnes, fait du poids de leur coque ou de leurs aménagements intérieurs, de leurs chaudières, machines; pour cela qu'il a été nécessaire de les doter de chaudières et de machines répondant à la puissance indiquée plus haut de 68.000 chevaux. On ne s'étonnera pas ensuite si le coût unitaire d'un navire de ce genre atteint un total énorme, qui est bien entendu dû en partie aux aménagements de détail, aux installations luxueuses exigées à notre époque par les voyageurs, mais qui est aussi en grande partie le résultat des conditions et des proportions dans lesquelles on doit établir la coque et la machinerie propulsive. Ce prix est naturellement à considérer presque en premier lieu dans le budget d'exploitation, dans l'établissement des recettes nettes. d'un navire de ce genre; et c'est pour cela que nous donnerons un ou deux chiffres rapides à cet égard.

Si nous voulions simplement procéder par relations, et non en données absolues, nous verrions que, rien que pour porter la vitesse de marche de 16 à 20 nœuds, il a fallu doubler le prix de construction des transatlantiques; pour passer ensuite de 20 à 23 nœuds ou un peu plus,

A. TOME XXIII.

1908.

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le coût se trouva multiplié par 3 3/4; et pour deux navires analogues filant respectivement 16 ou 25 nœuds, le prix serait dans la proportion de 1/6. Le fait est que le Lusitania, par exemple, revient à plus de 31 millions de francs, alors que le coût du Lucania, de 1893, ne ressortait qu'à un peu plus de 15 millions; le Kaiser Wilhelm II luimême, malgré ses brillants états de service, ne coûta pas plus de 23.200.000 fr. Que l'on comprenne du reste le sens de ces mots de « pas plus », que nous venons d'employer: ils sont justifiés par la différence relativement faible qu'il y a entre les allures du fameux transatlantique allemand et des nouveaux bateaux anglais. Du reste, par contre, il est curieux de songer que, en 1874 encore, le coût du plus grand transatlantique ne dépassait point 5 millions, et que le chiffre correspondant en 1889 se limitait à 10 millions.

La coque d'un navire de 240 mètres auquel on veut donner une sécurité pour ainsi dire absolue, en y multipliant les compartiments, les doubles fonds, toutes ces dispositions de sécurité dont nous avons parlé dans une autre chronique, nécessite naturellement l'emploi d'un poids de métal considérable; et sa mise en œuvre, la pose d'innombrables rivets dans des conditions de solidité aussi parfaites que possible, l'achat premier du métal (en dépit de l'abaissement considérable des frais de fabrication des meilleurs aciers), entraînent des dépenses énormes. Sans doute, on a pu apporter d'heureuses transformations dans les anciens procédés de construction; en ce sens notamment qu'on se sert d'acier présentant une résistance de 50 p. 100 plus grande que celle des anciennes tôles de fer; autrefois le poids de la coque représentait bien la moitié du déplacement total, alors qu'aujourd'hui, avec l'énorme poids mort que représentent les luxueuses installations destinées aux passagers, c'est à peine si le poids propre du navire correspond à cette même proportion. Et d'ailleurs, si nous en croyons des autorités comme M. Francis Elgar; si nous songeons que la construction du célèbre Great Eastern était (avec des éléments en fer) bien plus légère que celle de nos grands paquebots; si nous nous rappelons également que ce Great Eastern a fait vaillamment ses preuves de résistance, notamment dans la pose d'un câble sous-marin; nous pouvons espérer une simplification nouvelle dans la coque des transatlantiques, sans que cette simplification (qui se traduirait par une économie sur le prix de premier établissement et sur le poids mort) puisse nuire à la sécurité de la navigation. Quoi qu'il en soit, on a fait appel, dans la construction de la coque des Cunarders, à ces

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