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aciers spéciaux à haute résistance qu'on utilise de plus en plus dans tous les mécanismes ou les constructions métalliques appelés à supporter des efforts très élevés : ce sont les aciers à haute teneur en carbone, les aciers au silicium, qui permettent de donner aux pièces dont on les compose des épaisseurs et des poids très sensiblement moindres. L'assemblage de toutes ces tôles a été fait au moyen de rivets appliqués à l'aide d'appareils hydrauliques sûrs, et ces rivets n'ont pas été au nombre de moins de 4 millions. Ajoutons que, d'une manière générale, l'usage des aciers dits spéciaux a permis de réduire de 10 p. 0/0 le poids de la coque, par rapport à ce qu'il aurait été avec des aciers ordinaires.

Mais le second chapitre de dépenses sur lequel nous devons insister est celui de la machinerie. On a eu l'occasion de le répéter bien des fois, depuis plusieurs années que les compagnies de navigation diverses font assaut de vitesse pour obtenir une augmentation assez modeste dans l'allure, on est forcé de faire croître démesurément la puissance motrice; et, sans rappeler les formules, nous pouvons fournir quelques chiffres rapides et éloquents en cette matière. En 1840, on se contentait de munir les transatlantiques d'une machinerie correspondant à une puissance de 0,34 cheval-vapeur indiqué par tonne de déplacement. En 1880, on n'avait pas abordé vraiment les vitesses très accélérées, celles qui imposent un taux d'accroissement pour ainsi dire vertigineux dans la puissance de la machine motrice : néanmoins, la force indiquée par tonneau de déplacement ressortait à deux fois plus à peu près qu'en 1840. En 1890, ce coefficient (aisément compréhensible, pour peu qu'on se rappelle que le déplacement, c'est le poids du navire, et que le cheval-vapeur est l'unité de mesure de la puissance des moteurs à vapeur) atteint déjà 1,42; il s'élève à 1,69 en 1900, et enfin à 1,76 en 1907. C'est-à-dire que, pour un même poids à déplacer sur mer (à une allure très différente, naturellement), il faut installer dans la coque une puissance motrice au moins 5 fois plus considérable à notre époque qu'il y a un peu plus d'une soixanlaine d'années.

Et pourtant, si énorme que paraisse cette différence, elle est infime par rapport à ce qu'elle aurait dû être, si précisément on n'avait pas bénéficié de ces admirables perfectionnements techniques et industriels dont les Cunarders nous présentent la plus récente, nous ne disons pas la dernière manifestation. On vient en effet parler des consommations formidables de charbon de ces

transatlantiques modernes; mais il ne faut pas s'en tenir aux chiffres absolus; on doit bien mettre en lumière les progrès acquis. Sans doute on peut nous dire, et en ayant raison au point de vue des quantités absolues, encore une fois, que le Britannia de 1840 ne consommait que 570 tonnes de houille, dans une traversée qui durait pourtant si longtemps; alors que le Lusitania en brûle 5.000 tonnes, pour un voyage de beaucoup moins de 5 jours; le Campania lui-même, transatlantique qui circule toujours en traversant l'Atlantique à une belle allure, n'en réclame que 2.900 tonnes. On pourrait répondre tout de suite à cela que cette augmentation considérable de dépense correspond à une économie précieuse sur le temps passé par les passagers dans leur traversée; il est indispensable de ne point perdre de vue que les moyens de transport peuvent demander à leur clientèle une rémunération rapidement croissante, au fur et à mesure qu'ils assurent leurs déplacements à une vitesse plus grande. Mais, étant admise cette nécessité de vitesse réclamée par le voyageur, autant d'ailleurs que l'obligation de développer étrangement la puissance des machines, si l'on veut qu'elles répondent aux besoins d'accélération de la marche; on doit au contraire s'émerveiller que l'engin propulseur de 68.000 chevaux d'un Lusitania ne brûle que 5.000 tonnes de houille, pour développer, près de 5 jours durant, une puissance représentant 95 fois celle du Britannia; toutes choses considérées, le travail effectué par la machine moderne est 30 fois plus considérable que celui de l'engin de 1840, et pourtant la consommation de combustible n'est pas plus de 9 fois ce qu'elle était à bord du Britannia. Les chiffres que nous avons donnés permettraient de faire des comparaisons analogues pour d'autres navires. Si nous les traduisons toutes en relevés un peu plus synthétiques, nous dirons qu'actuellement on ne brûle pas même 5 kilos par chaque poids de 100 tonnes transporté à 100 milles marins de distance, sous la forme de ces immenses transatlantiques modernes; le chiffre correspondant était de près de 10 kilos en 1840, de 8 et plus en 1860, et encore de 5,4 kilos hier même, avec les magnifiques navires allemands, qui avaient ce désavantage de ne pas profiter des nouveaux progrès industriels, particulièrement de la turbine à vapeur. Si nous nous placions à un autre point de vue, nous verrions que le chevalvapeur réclamait comme aliment, pour fonctionner durant une heure, en 1840, 2,25 kgs; il se contentait de 1,72 kgs en 1860; on avait réussi à le nourrir en 1893 avec 725 gramines; et maintenant

on l'a mis à une ration encore plus économique, en ne lui accordant que 650 grammes. Et à une époque où le combustible coûte cher, où l'on doit bien plus que jadis songer à sa raréfaction, on comprend quelle importance prend ce progrès technique.

Si intéressante que soit cette question, nous ne pouvons ambitionner ici de montrer, même sommairement, tous les perfectionnements grâce auxquels cette économie, ce meilleur rendement du moteur à vapeur a été obtenu. A coup sûr n'avons-nous rien à dire de la turbine, puisque nous en avons parlé il y a peu de temps. Nous ne devons pas du reste être ingrats envers la machine alternative, qui a donné ce Kaiser Wilhelm II, par exemple, où tant de progrès. étaient déjà réalisés. Nous ne pouvons pas omettre (pour expliquer cette amélioration graduelle du rendement et de la consommation des machines) de rappeler ce principe de la machine à pistons et compound, où l'on est arrivé à pratiquer l'expansion quadruple, c'est-à-dire une utilisation de la vapeur bien autrement effective que dans la machine à simple expansion. Dans la construction de ces moteurs à triple ou quadruple expansion, on a, comme de juste, tiré le parti le plus heureux des qualités de résistance nouvelles qu'offraient les métaux fabriqués par la métallurgie nouvelle ellemême; et ce n'était pas seulement sous la forme d'allégements possibles des machines, qui, dès lors, alourdissaient moins le navire. de leur poids mort. On a pu fabriquer des cylindres offrant des dimensions énormes, jusqu'à 2,83 m. de diamètre. On ne craignait pas d'autre part d'animer les mécanismes, en particulier les pistons, d'une vitesse formidable, assurant un meilleur rendement : couramment des pistons se déplacent, sans danger de fracture, à 200 et 300 mètres à la minute. D'autre part, le nombre de tours faits par un organe atteindra et dépassera facilement 100 et 120 à la minute, alors que jadis on se limitait à 50. Nous ne parlerons pas du tirage forcé, amenant au charbon dans les foyers la quantité d'air convenable pour assurer sa bonne combustion. Mais il va presque sans dire que la résistance des métaux nouveaux a permis l'usage des pressions de vapeur élevées, qui contribuent si puissamment à ce qu'on tire le meilleur parti de la puissance théorique qui se trouve dans le morceau de charbon : et cela pour la turbine tout comme pour la machine alternative, et pour la chaudière, qui fournit aux deux appareils le fluide moteur. En 1880, on s'arrêtait timidement à des pressions de 7 kilos, alors qu'à bord des Cunarders on pratique une pression de 14 kilos, qui n'est nullement le maximum possible.

On arrive donc à conclure que ces bateaux pour lesquels on dépense, sans paraitre compter, les millions, sont établis sur des bases tout à fait économiques. Et si l'on se rappelle ce que nous avons dit tout à l'heure du prix de la vitesse; si l'on veut bien songer qu'en fait les passagers de première classe (nous ne parlons pas des occupants des cabines de luxe, qui acceptent les tarifs les plus fantastiques) consentent parfaitement à payer sur le pied de 0,40 franc par mille parcouru; si l'on sait également que, depuis quelques années les prix ont considérablement augmenté, sans que pourtant les passagers cessent de se présenter en nombre continuellement croissant; on ne s'étonnera plus que ces entreprises de navigation payent parfaitement, en dépit des affirmations plus ou moins intéressées; et particulièrement de celles qui ont amené le Gouvernement anglais à faire des avances pécuniaires, à promettre une sorte de garantie à la Cie Cunard pour la mise en service de ces Cunarders qu'on n'a voulu présenter que comme une satisfaction, ruineuse, offerte à l'amour-propre anglais. Le journal technique anglais Engineering, qui fait autorité, l'a parfaitement indiqué : le rendement par mètre carré de pont est sensiblement le même pour les derniers paquebots mis à flot que pour ceux qui ont fait leurs preuves de bonne exploitation financière; « l'earning power », comme il dit, par tonne de déplacement, s'est maintenu au même chiffre. Au surplus, une feuille spéciale du monde anglais a établi récemment le budget des recettes et dépenses du Lusitania; et elle a abouti à des conclusions rassurantes. Pour un voyage aller et retour, elle est arrivée à une dépense totale de moins de 450.000 francs, comprenant 28.000 francs pour l'intérêt du capital, 51.000 environ pour l'amortissement, 30.000 pour l'assurance, 125.000 pour le charbon, etc. Et les recettes atteignent plus de 780.000 francs. Il est vrai qu'il y est fait état de près de 59.000 francs de subvention; mais on pourrait la faire disparaître complètement, sans que l'exploitation d'un géant de cette sorte, à allure extraordinairement rapide, devînt une folie pour la Cie de navigation qui la tenterait avec ses propres moyens. Les économistes y trouveront une nouvelle preuve de l'inutilité d'une subvention d'État; les techniciens se réjouiront de voir semblable démonstration des admirables progrès de la technique moderne. Encore est-il probable que ces progrès continueront, et nous réservent de nouvelles surprises.

On pourrait presque dire que tout se résume en questions de force motrice, dans notre industrie moderne, où la machine est l'instrument essentiel de la production, et où tout demande à être actionné mécaniquement, si l'on veut produire à bon marché. Et c'est pour cela qu'il est indispensable de suivre la question des moteurs à un point de vue plus général que la navigation; les résultats acquis pouvant s'appliquer un peu partout, et étant susceptibles quelque jour d'entraîner une transformation considérable dans la locomotion sur rails. Or, nous avons laissé entendre tout à l'heure l'économie à laquelle on était arrivé dans l'alimentation des machines marines, au point de vue de la combustion du charbon. Il va de soi que des résultats, des économies tout analogues ont été réalisés dans les machines installées à terre. Mais ces consommations relativement faibles ne sont possibles que pour de grosses unités, là où tout est organisé au mieux; dans les moteurs à vapeur de faible puissance, la consommation par cheval-vapeur durant une heure dépasse constamment un kilo, quand ce n'est pas 2 ou davantage. Au surplus, ce dont on ne se rend pas assez compte, c'est que la machine même de grande puissance, dont nous sommes si fiers, quand nous ne la voyons brûler que 650 grammes de houille par cheval-heure, ne s'en livre pas moins à une dilapidation terrible de combustible; elle ne tire que bien faiblement parti de la puissance virtuelle contenue dans le morceau de charbon que dévore sa chaudière. Théoriquement, si l'on pouvait transformer la chaleur en mouvement sans passer par l'intermédiaire d'une chaudière et d'une machine utilisant la vapeur, il suffirait d'un kilo de charbon pour donner près de 11 chevaux durant une heure; autrement dit 90 grammes fourniraient ce cheval-heure pour lequel pratiquement nous consommons 650 grammes, quand ce n'est pas bien plus d'un kilo, dans nos installations motrices. Cette chaleur, ces calories qui représentent du mouvement possible, il s'en perd de tous côtés rien que dans les gaz chauds qui s'échappent du foyer de la chaudière, ou par le rayonnement des parois de cette chaudière, il s'en échappe souvent 30 p. 0/0; et il ne faut pas croire ensuite que les 70 p. 0/0 vont se retrouver sur le volant que fait tourner le piston les frottements et mille autres causes en dissipent une quantité qu'on peut qualifier de fantastique. Ce sera une

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