Sivut kuvina
PDF
ePub

Villaverde, l'Espagne parvint à mettre de l'ordre dans ses finances et à relever son crédit à l'étranger. Les visites qu'Alphonse XIII rendit, dès son couronnement, dans diverses capitales, notamment à Paris et à Londres, s'en trouvèrent facilitées.

L'affaire marocaine, déjà engagée, allait lui fournir l'occasion qu'il souhaitait pour faire rentrer son pays dans le cercle des grandes puissances. Le premier traité avec la France, du 3 octobre 1904, avait été conclu sous un ministère conservateur Maura. A leur tour, les libéraux ne se montrèrent pas moins partisans d'une entente étroite de l'Espagne avec l'Angleterre et la France. Le second traité relatif au Maroc fut négocié avec notre ambassadeur par M. Montero Rios, à Saint-Sébastien, pendant l'été de 1905 il contenait parait-il, tout les points traités plus tard à Algésiras. C'est aussi M. Montero Rios, qui, sur la demande de M. Moret, rédigea, dit-on, les instructions qui furent remises au délégué espagnol à la célèbre conférence, le duc d'Almodovar. A Algésiras, comme elle l'avait déjà fait auparavant, — l'Espagne sut repousser toutes les tentatives de séduction ou d'intimidation de la part de l'Allemagne. Enfin, par son mariage avec une princesse anglaise, le souverain, tout en suivant l'inspiration de son cœur, montra nettement quelles étaient ses préférences politiques personnelles. Les relations entre les cours de Londres et de Madrid devinrent plus étroites qu'elles ne l'avaient été même au temps de la guerre de l'Indépendance, et la France ne put en prendre ombrage, puisque les précédents traités que vint couronner, au printemps de 1907, l'entente méditerranéenne avaient heureusement resserré les liens entre les trois États de l'Europe Occidentale 2.

--

1. L'accord de 1904 n'a été connu que par une déclaration des deux puissances publiée en même temps dans la Gaceta de Madrid et dans le Journal Officiel. Mais l'accord lui-même est demeuré secret : et il en a été de même du traité du 1er septembre 1905. Ce double secret aurait été éventé, parait-il, par les diplomates allemands, et le Kaiser y aurait trouvé des prétextes d'intervention à Tanger, et, en 1905, de pression à Madrid. (Voir, sur ces points, Le problème espagnol dans la question du Maroc, par Émile Bourgeois, dans la Grande Revue, 10 septembre 1907.)

2. Voir notre article La Rivalité anglo-allemande et la Politique extérieure de l'Espagne dans la Revue politique et parlementaire, 10 décembre 1907. Cette étude a fait l'objet d'un bienveillant commentaire et aussi de quelques critiques de la Epoca (9 janvier 1908). Le principal grief que nous adresse l'organe conservateur est de n'avoir attribué à l'Espagne qu'un rôle passif. Mais cela tient ainsi que l'a parfaitement compris la Epoca - à ce que nous nous sommes placés exclusi

I

LA REORGANISATION DE LA MARINE DE GUERRE.

L'ARMÉE. LA MARINE MARCHANDE.

En dépit des démentis officiels, l'opinion au sud des Pyrénées n'a pas manqué de faire un rapprochement entre ces récents accords. méditerranéens qu'elle ne croit pas connaître complètement

et le projet de réorganisation de la marine de guerre. S'il n'y avait là, en effet, comme l'a affirmé M. Maura, qu'une question d'« indépendance nationale », on pourrait s'étonner que l'Espagne ait attendu près de dix années, depuis les désastres de Cavite et de Santiago de Cuba, pour se rendre compte des dangers qui la menacent et de la nécessité de reconstruire sa flotte et d'outiller

ses arsenaux.

A en croire l'officieuse Epoca, la faute n'en serait pas, il est vrai, aux conservateurs. D'après ce journal, il ne s'est guère écoulé de législature, depuis 1899, où M. Maura n'ait abordé à la Chambre le problème naval. Il le fit, notamment, en 1902, en tant que membre du cabinet présidé par Silvela. La crise qui survint, au cours de l'année suivante, et qui amena momentanément la division au sein du parti conservateur, n'avait point d'autre raison, parait-il, que des divergences sur cette épineuse question de la marine. En décembre 1903, M. Maura revint au pouvoir, cette fois en qualité de président du Conseil, et il ne tarda pas à déposer au Parlement un plan complet de réformes navales: ce fut le projet de juin 1904. Il ne différait du programme qui vient d'être adopté par les Chambres qu'en ce qu'il échelonnait les dépenses de la reconstruction de la flotte sur un certain nombre d'années, tandis qu'aujourd'hui on envisage d'ores et déjà cette réfection totale. Il ne faudrait pas chercher de raisons de cette différence toujours d'après la Epoca ailleurs que

vement dans cette étude au point de vue français. L'article, tout objectif, que nous consacrons aujourd'hui à la politique maritime et coloniale de l'Espagne sera, du reste, la meilleure réponse que nous puissions faire au grand journal madrilène.

1. 3 décembre 1907.

dans les trois ans écoulés, qui ont permis à l'opinion de se convaincre de l'urgence de ces dépenses, tandis que les vieux bateaux, qui constituent à l'heure actuelle toute la puissance navale de l'Espagne achevaient de moisir dans les ports. L'un d'eux, la Numancia, a eu l'honneur de faire le tour du monde... il y a près de quarante ans! Le Pelayo, le Carlos V, dont les noms, toujours les mêmes, reviennent dans les journaux à propos de toutes les manifestations internationales auxquelles participe l'Espagne, ne sont guère moins couverts de gloire et d'années. Le plus jeune d'entre ces navires appartient à un type déjà démodé 1.

Le président du conseil ne s'est pas montré moins convaincu et pressant il s'agit pour l'Espagne de son « droit à la vie », du «< droit à l'intégrité de son autonomie souveraine... » « Notre pays, a-t-il ajouté, est placé de telle manière à la rencontre des intérêts, des aspirations et des nécessités commerciales et navales de l'univers, qu'il ne peut jamais être assuré de demeurer indemne dans les conflits des autres, et encore moins d'éviter les conflits; il doit bénir la Providence qui lui ménage aujourd'hui du temps pour se préparer, pour que, quand sonnera l'heure nuptiale, son flambeau ne soit pas éteint. Or, ceux qui peuvent plus que nous, ceux qui ont dans le concert des nations une voix plus efficace ne cessent de se tenir sur leurs gardes, et nous ne mériterions de la postérité que le mépris qu'inspirent les imbéciles, si nous restions sans rien faire, oubliant que la paix d'aujourd'hui n'a pas de garanties éternelles... Mais, notez-le bien, ce qui fait notre danger constitue aussi

((

...

1. Voici quel est, à l'heure actuelle, l'état de la flotte espagnole :

1 cuirassé de 2me classe, le Pelayo (1887), de 9 000 tonnes.

3 croiseurs protégés de 1o classe: Emperador Carlos V (1895), de 9 200 tonnes, Principe de Asturias (1896), Cataluña (1900).

2 croiseurs protégés de 3o classe: Rio de la Plata (1897), Estremadura (1900). 2 garde-côtes : Numancia (1868), Victoria (1865).

5 contre-torpilleurs (1886, 1896 et 1897).

3 torpilleurs de 1 classe (1886-1887).

[blocks in formation]

10 canonnières de 2 et 3° classes (1887, 1889, 1891, 1895).

En tout : 36 bâtiments, réunissant un tonnage de 64,681 et armés de 388 canons. En construction: un croiseur protégé de 2 classe, Reina Regente, de 5,874 tonnes.

Les équipages comprennent 5,600 hommes; l'état-major, 778 officiers et 56 aspirants. Il faut y ajouter 2,358 hommes d'infanterie de marine avec 303 officiers.

notre salut... L'Espagne ne restera jamais seule, parce qu'il existera toujours de puissants intérêts alliés aux nôtres, des associés naturels, des forces parallèles sur lesquelles elle pourra s'appuyer, à une seule condition : celle de ne pas s'enfermer dans l'isolement où elle a vécu et de ne pas renoncer à faire valoir ce qu'elle possède par un don gratuit du ciel... »

Ce que l'Espagne «< possède par un don gratuit du ciel », c'est la longue étendue de ses côtes, que la nature a merveilleusement aménagées, ce sont ses rades profondes et à l'abri des vents, où peuvent aisément évoluer les plus nombreuses escadres, c'est sa situation exceptionnelle à l'extrémité de l'Europe et aux portes de l'Afrique, à cheval sur deux Océans. Voilà ce qui donne du prix à son alliance. Pour la première fois depuis Trafalgar, s'il faut en croire le propre fils du président du conseil, M. Gabriel Mauray Gamazo, l'Espagne a enfin une vraie politique extérieure, et cette politique s'appuie essentiellement sur l'entente avec Londres et Paris. Cet honneur ne va pas, il est vrai, sans quelques charges, et voilà pourquoi, suivant l'exemple que lui donnent les grandes puissances d'Europe, d'Amérique et d'Asie, que parait hanter la perspective prochaine d'un conflit inéluctable et universel, l'Espagne arme à son tour, à la fois pour se montrer digne de ses récentes amitiés et pour protéger, le cas échéant, son indépendance...

Peut-être a-t-on le droit, toutefois, de se demander si la nouvelle armada répondra au but qu'en attendent nos voisins. Il s'est trouvé des techniciens et des hommes politiques dans la Péninsule même pour le mettre en doute. Ce n'est pas, assurent-ils, avec trois cuirassés de 15,000 tonnes, trois destroyers de 6,000 tonnes et vingtquatre torpilleurs de 180 tonnes que l'Espagne arrivera à repousser victorieusement une attaque des puissances navales d'Europe ou d'Amérique, même de second ordre. La nouvelle escadre doit, à vrai dire, être « purement défensive », suivant une expression du

1. Die Lage der auswärtigen spanischen Politik, dans la Deutsche Revue (juin et juillet 1907).

président du conseil; mais on ne voit pas comment avec trois unités de combat qui seront démodées au bout des huit années que durera leur construction on va défendre le littoral méditerranéen et celui de l'Atlantique, l'archipel des Canaries, les Baléares, les places du Maroc et les établissements de Guinée. « Plutôt qu'une pareille escadre, affirme avec un peu d'exagération El Imparcial, mieux vaudrait ne pas en avoir du tout. » Quand l'Italie voulut avoir une flotte, elle y consacra 700 millions de lires... Ce que nous faisons, ajoute l'organe libéral, c'est une « parodie d'escadre »; « nous jetons tout simplement notre or à la mer... »

Les navires que l'on va construire ne seront, du reste, d'aucune utilité, si on ne prépare en même temps des bases navales suffisantes, si on ne fortifie les points stratégiques des côtes. « Occuponsnous d'abord de défendre nos côtes, a déclaré à la Chambre un Catalan, M. Macia plus tard, nous verrons à construire une forte escadre.» Actuellement, l'arsenal du Ferrol ne possède pas même de chemin de fer, et la plupart des ports du royaume ne sont pas assez profonds pour permettre l'entrée aux navires de 20,000 tonnes. Ni Carthagène, ni Valence, ni Barcelone ne sont à l'abri d'un coup de main. Les fortifications de Mahon datent de vingt-sept ans. Les Canaries sont sans défense. Faute d'une artillerie suffisante à Ceuta, le détroit de Gibraltar n'est pas protégé du côté espagnol, c'est-à-dire sur le versant africain. Or, le projet voté par les Cortès ne prévoit que 10 millions pour le Ferrol, 3,184,000 francs pour la Carraca (le port de guerre de Cadix) et 370,000 francs seulement pour Carthagène. Une somme de 3,120,000 francs est consacrée à la défense de ces trois ports, alors que le crédit visant les constructions neuves est de 170 millions.

A ces diverses objections, qui ont été soulevées à la tribune de la Chambre, le président du conseil a répondu que ce crédit total de 200 millions ne constituait qu'un commencement'. Et cette réponse, à vrai dire, est assez inquiétante pour l'avenir... L'Espagne est-elle,

1. Pour faire face à ces dépenses, le gouvernement a été autorisé à se procurer 175 millions par une émission de dette amortissable en obligations 3,5 0/0, cet intérêt ainsi que l'amortissement devant figurer au chapitre i de la section des obligations générales de l'État. On soldera les dépenses des arsenaux avec le budget ordinaire de la marine, qui s'élève cette année à 50 millions (au lieu de 36 millions en 1907) et qui sera porté, les années suivantes, à 65 millions.

« EdellinenJatka »