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en effet, suffisamment riche pour se permettre de telles dépenses? N'y a-t-il pas de l'imprudence à renoncer sitôt à la sage politique d'économies inaugurée par Villaverde et toujours respectée jusqu'ici par ses successeurs?.. M. Maura a affirmé que le déficit, s'il se produisait, n'atteindrait pas cette année un million de pesetas; il a promis solennellement de ne pas s'écarter de la voie tracée par l'«< inoubliable » Villaverde. Mais l'opposition croit voir dans sa politique actuelle un démenti apporté à ses propres paroles: au dire des libéraux, M. Maura « met la charrue avant les bœufs ». Plutôt que de « jeter ces millions à la mer », on pourrait leur trouver un emploi plus profitable à l'ensemble du pays, en donnant une plus grande impulsion aux mines et aux usines, en créant les voies de communication qui manquent tant à l'Espagne, en multipliant les travaux hydrauliques, en développant l'instruction. Au lieu de faire peser sur les épaules du contribuable, déjà trop poussé par la misère à abandonner le sol natal, ne conviendrait-il pas de créer dans la Péninsule ces sources de richesse, où viendra s'alimenter l'impôt, et qui seules permettront au pays de créer une escadre et de l'entretenir? Telle est, en particulier, l'opinion d'un ancien ministre des travaux publics, M. Raphaël Gasset, et le chef du parti libéral lui-même, M. Moret, tout en apportant sa voix au projel naval de M. Maura, n'a pas manqué de réclamer un chiffre égal de crédits en vue de l'enseignement et du développement économique du royaume. Le président du conseil n'a pu qu'incliner la tête, en signe d'assentiment mais comment l'Espagne pourrait-elle affronter, à la fois, ces deux sortes de dépenses? Nécessairement, il faut choisir, et ce sont les dépenses pour l'enseignement qui ont été, encore une fois, sacrifiées.

Il semblait que le débat sur la marine dût appeler l'attention du gouvernement sur les réformes à apporter à l'armée de terre. S'il n'en a pas été ainsi, la raison en est que cette question avait déjà fait l'objet d'importantes discussions, sous de précédents ministères. Les partis en ont fait, par malheur, une question politique, et ceci explique que tous les projets de réformes proposés jusqu'ici

aient misérablement avorté. Toutefois, il ne me paraît pas inutile d'en dire quelques mots.

L'histoire glorieuse de l'Espagne dans le passé offre la preuve la plus éclatante des grandes qualités militaires de ses habitants. << Notre peuple, a pu écrire sans exagération le maréchal Lopez Dominguez, est sobre, honnête, enthousiaste, apte à supporter les épreuves de la guerre, respectueux de ses chefs, en possession des conditions qui font les meilleurs soldats, de sorte que si ceux-ci sont bien commandés, ils peuvent être conduits sans crainte à la victoire. sous toutes les latitudes, car ils ont une vertu essentielle celle de ne jamais se laisser abattre ni par les revers, ni par la fatigue. » Malheureusement, l'armée espagnole, de l'aveu de ses propres officiers, appartient «< au type le plus lamentable qui soit ». Jusqu'à ces quinze ou vingt dernières années, elle n'a été qu'un instrument au service des institutions politiques. Aujourd'hui encore, c'est avec regret, semble-t-il, que le gouvernement renonce à l'employer à une telle fin. Pendant la plus grande partie du XIXe siècle, l'Espagne a été trop continuellement occupée par ses crises intérieures et ses querelles intestines, pour songer à se mêler à la politique internationale et ceci explique que son armée présente les caractères d'une institution politique, plutôt que d'une armée vraiment nationale.

<< La misère du peuple, un des résultats produits par les troubles civils, a poussé la classe moyenne à embrasser la carrière militaire, tandis que le libéralisme contribuait à en éloigner l'aristocratie. Les guerres civiles entre les partis faisaient que les gouvernements s'assuraient des volontés qui leur prodiguaient l'encens, et les vacances qui se produisaient dans les échelons inférieurs de la hiérarchie permettaient d'y placer des bourgeois peu propres à de tels emplois. » Les périodes de paix, alternant avec les périodes de guerres coloniales ou de luttes intérieures, aggravèrent encore cette pléthore d'officiers. A la fin de la dernière guerre de Cuba, l'armée espagnole comptait 499 généraux, 578 colonels et plus de 23,000 officiers. Ensemble, tout cet état-major représentait en soldes, gratifications, pensions attachées aux décorations, etc., les 60 p. 0/0 du

1. J. Alas, L'armée espagnole, dans le Nouvelle Revue Internationale, 1900.

budget total. A cette époque, les crédits pour la guerre se répartissaient de la façon suivante : 80 millions pour les généraux, officiers et assimilés; 45 millions pour les soldats; 13 millions pour le matériel.

L'énorme somme qu'absorbe la paye des officiers fait que le contingent annuel appelé à recevoir l'instruction militaire est insignifiant, par rapport au nombre des citoyens aptes à servir sous les drapeaux en 1900, il était inférieur à 23 p. 0/0. L'instruction des soldats, aussi bien que celle des officiers et des auxiliaires, ne peut, en outre, acquérir aucun caractère pratique, parce qu'on manque d'argent pour exécuter des grandes manœuvres, des exercices de tir, etc., si bien que les recrues, n'étant plus rappelées par périodes sous les drapeaux, perdent naturellement le peu d'instruction et d'éducation militaire qu'elles avaient acquis au temps de leur service. Le matériel de guerre est insuffisant et défectueux. « Dans ces conditions indéniables d'infériorité militaire, déclarait en 1900 un officier des plus distingués, M. Jenars Alas, qui sont uniquement dues au nombre excessif d'officiers, on se tient nécessairement éloigné de la vie militaire, on oublie les habitudes de commandement et en général tout ce qui concerne l'art militaire. Il arrive ainsi que la moitié des officiers ne trouvent pas à s'occuper. De l'autre moitié, une bonne partie détient des emplois officiels sans but déterminé. On peut dire qu'il y a en Espagne, pour 30,000 hommes, six fois plus d'officiers qu'en France pour 180,000 hommes. En outre, les officiers qui sont destinés au commandement sont impropres à l'étude des plus simples problèmes techniques. Il existe des régiments d'infanterie de 542 hommes et d'autres de moins de 400!... »

En 1906, l'armée espagnole comprenait encore dans l'active: 4 capitaines généraux, 32 lieutenants généraux, 60 généraux de division et 125 de brigade; et dans la réserve : 9 lieutenants généraux, 41 divisionnaires et 235 brigadiers, soit en tout 497 officiers généraux! Le général Luque, qui, à cette époque, détenait dans le cabinet libéral Lopez Dominguez le portefeuille de la guerre, trouva ce chiffre excessif, en comparaison des autres armées européennes et pour un effectif de 80,000 hommes! Il présenta aux Cortès un vaste plan de réformes, qui causa une vive émotion dans le monde militaire et amena (octobre 1906) de violentes discussions au sein du

Parlement et dans la presse. Ce projet avait en vue notamment : l'abaissement de la limite d'âge de 68 ans à 64 ans pour les généraux de division et de 65 à 62 pour ceux de brigade, la transformation du grade de capitaine général en une dignité avec grandesse qui ne pourrait être accordée qu'aux généraux victorieux en campagne. L'instruction militaire devrait être répandue parmi la jeunesse. L'unité de combat devenait la division, et chaque division devait être dotée de tous ses éléments de combat. Les régiments d'infanterie de l'active comprendraient trois bataillons.

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Ce projet, qui semblait un acheminement vers le service obligatoire, trouva de chauds partisans parmi les républicains, qui fondèrent même un instant sur le général Luque les plus grandes espérances pour le succès de leur cause, mais il se heurta à l'opposition irréductible des conservateurs, de certains libéraux, et même de républicains, comme M. Rodrigo Soriano, qui, dans son journal, la España Nueva, préconisait, de préférence à la « nation la constitution d'une armée professionnelle de

en

200,000 hommes.

Les mesures relatives au rajeunissement des cadres soulevèrent aussi de vives protestations de la part des intéressés, qui trouvèrent leurs porte-paroles dans la personne des généraux Weyler et Polavieja, tous deux candidats au grade de capitaine général que l'on parlait de supprimer. Ils firent valoir que l'effectif de l'armée s'élève non pas à 80,000 hommes, mais à 112,000, en comptant la garde civile (gendarmerie), et qu'il devrait être porté, en cas de guerre, près de 500,000 hommes, qu'il faudrait pourvoir de cadres : « Il n'y a donc pas, disaient-ils, trop d'officiers : il n'y a seulement pas assez de soldats sur pied de paix ».

à

Il convient d'ajouter que le peuple espagnol, retranché derrière ses montagnes et qui se croit à l'abri d'une invasion, est foncièrement hostile à l'idée du service militaire obligatoire1. De plus, si

1. La loi espagnole (11 juillet 1885-4 décembre 1901) proclame bien le principe du service universel obligatoire depuis l'âge de vingt et un ans pour une durée de douze ans, dont trois dans l'active, trois dans la réserve première et six dans la deuxième réserve. Mais elle admet le rachat du service actif, contre le paiement de 1,500 pesetas, de même que le remplacement entre rères.

Le contingent annuel des recrues de 1907 a été de 48,000 hommes, dont 35,484

ce mode de recrutement apparaît à certains esprits éclairés comme un desideratum pour l'avenir, ils ne croient pas qu'on puisse l'adopter d'un coup, sous peine de charges trop lourdes pour le budget. De l'avis du général Lopez Dominguez, l'instruction militaire obligatoire doit avoir le pas sur le service militaire obligatoire. Le général Luque l'avait ainsi compris mais l'ignorance profonde de la masse, aussi bien que l'entêtement de certaines classes sociales, qui s'opposent à toute idée de réforme, empêchèrent son projet d'aboutir. L'état de choses antérieur a subsisté... Peut-être cependant les nécessités de sa nouvelle politique extérieure obligerontelles, dans un temps prochain, l'Espagne à réorganiser son armée, comme elle a déjà commencé à reconstituer ses forces navales. Et la Correspondencia Militar, tout en déplorant que, dans la séance historique » du 27 novembre, on ait paru oublier l'armée de terre, ne s'est pas fait faute de rappeler un des derniers discours de Silvela, où il montrait la nécessité pour son pays d'avoir des forces militaires nombreuses et bien organisées : « Toute économie sur ce chapitre, ajoutait cet homme d'État, ne sera payée que de revers dans un avenir qui n'est peut-être pas très éloigné... >>

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Au contraire, le gouvernement espagnol devait être nécessairement appelé à s'occuper, dès à présent, de la marine marchande et de l'industrie de la pêche, destinées à subvenir aux besoins des populations côtières, parmi lesquelles se recrutent les équipages de la flotte '.

Le problème n'est pas nouveau. Il y a beau temps que des hommes

seulement ont été incorporés. En 1907 également, on complait 11,756 officiers de tous grades, sans parler de la garde civile ni du corps des carabiniers.

1. L'Espagne possède une loi sur l'inscription maritime, analogue à la nôtre (loi du 17 août 1885). Conformément à cette loi, un décret royal fixe à la fin de chaque année le chiffre du contingent appelé au service actif. Voici quel est l'état de l'inscription pour 1908:

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