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l'une vise la mise en valeur des possessions espagnoles du Sahara et de Guinée; l'autre tend au développement des intérêts matériels de l'Espagne au Maroc. Entre ces deux entreprises, il ne saurait exister aucune relation. C'est un tort, a-t-on ajouté, d'abandonner l'œuvre esquissée jadis par M. Garcia Prieto. Ce qu'il convient pour faciliter l'expansion espagnole, ce ne sont pas des monopoles et des subventions énervantes à des compagnies nées de la bureaucratie; mais une protection large accordée à tous les producteurs, à tous les trafiquants, aux voyageurs qui se risquent à l'intérieur, aux maîtres d'école qui vont enseigner le castillan aux indigènes, aux ingénieurs, aux laboureurs, aux marins. C'est d'hommes décidés et aventureux que l'Espagne a besoin, et non de commanditaires subventionnés et d'actionnaires privilégiés.

M. Maura s'est tiré d'affaire en soutenant que le décret avait décidé les financiers à secouer leur visible apathie pour toute entreprise en territoire marocain. C'était le seul moyen pour l'Espagne, a-t-il déclaré, de convertir les ports militaires qu'elle possède en Afrique en comptoirs commerciaux lorsqu'il s'est agi de construire le port de Melilla, c'est en vain que l'État fit procéder à trois adjudications successives!.. A propos des droits conférés à la Sociedad hispano africana, le président du conseil repousse le mot de monopole: on peut encore moins parler d'abandon des droits de souveraineté de l'État, qui a seulement affermé des services publics d'utilité commune. Le gouvernement est prêt, du reste, à accorder les mêmes avantages à tous ceux, particuliers ou compagnies, qui présenteront les mêmes garanties. Et M. Maura a fait allusion à quatre sociétés déjà sur les rangs, alléchées par les 25 000 pesetas que les ministres des travaux publics et des affaires étrangères ont inscrites à leurs chapitres du budget pour aider à l'expansion commerciale et agricole au Maroc.

Cette discussion parlementaire semble témoigner de l'intérêt plus grand que prend l'Espagne aux choses du dehors. Pourtant, il faut reconnaître qu'en dehors de la masse du public, indifférent à toutes ces questions qui ne le touchent pas directement, la nouvelle poli

tique extérieure et coloniale de l'Espagne rencontre, dans les partis dynastiques même, les plus vives oppositions. Le député libéral que nous avons vu déjà s'élever contre les crédits de la marine, M. Raphaël Gasset, proteste aussi vivement contre l'œuvre d'expansion entreprise au Maroc. « On comprend, dit-il, que des travaux peu dispendieux soient entrepris dans cet empire, afin de nous y réserver l'avenir, auquel nous prétendons légitimement... Mais abstenonsnous d'entreprises exigeant du temps, des forces, de l'argent : nous en avons trop besoin ici-même, sur notre territoire. Développons notre richesse et notre bien-être, avant de songer à celui des Maures. Mettons-nous d'abord en état de coloniser: sinon, tout ce que nous ferons ne servira qu'à d'autres. Faute d'instruction et de ressources, nous n'arriverons pas, Espagnols, à récolter ce que nous aurons semé à Ceuta ou à Melilla... »

Et, dans le journał l'ABC, un écrivain à la plume acerbe, qui signe du pseudonyme d'Azorin (Martinez Ruiz), sous le titre suggestif de <<< Patriotisme », émettait les réflexions suivantes : « Le problème, pour nous, le voici. Nous sommes une nation, l'Espagne. Devant nous, s'étend un immense empire qui n'est pas civilisé. Un de nos rois a légué à son pays, il y a trois ou quatre siècles, la mission de civiliser ce territoire, et l'opinion de certains parlementaires, politiques ou écrivains est, en effet, que nous devons étendre notre domination sur ce pays. Mais le pouvons-nous? Est-ce rationnel et logique? Examinons donc, avant de répondre, la situation de l'Espagne... » Et, après un tableau poussé au noir de son pays, avec sa faible population, ses vieilles cités désertes, ses fleuves torrentiels inutilisés, le tiers de son territoire en friche, les procédés arriérés de son agriculture, ses paysans mourant de faim en Andalousie, ses écoles étroites et humides, où ses enfants perdent la vue et la santé, son clergé ignorant et indifférent à la misère du peuple, son fisc déréglé, son administration scandaleuse, le cultivateur victime de mauvaises récoltes, de l'impôt, de l'usure, et le seul remède à tant de maux, l'émigration, qui prive à tout jamais la mère patrie d'un grand nombre de ses fils, Azorin conclut : « Telle est notre Espagne. Où devons-nous travailler? Ici ou là-bas? Quel pays devonsnous songer à coloniser et enrichir celui-ci ou un autre?... Non! Notre mission, notre devoir sont ici. Ne pensons pas à des chimères,

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oublions ce testament d'une mère, morte il y a trois ou quatre cents

ans... >>

Nous n'avons tenu à reproduire ces éloquentes et pessimistes paroles que parce qu'elles expriment, au sud des Pyrénées, l'opinion qui est encore la plus répandue. La politique personnelle du roi, secondée par quelques ministres et appuyée sur un « parti colonial »>, où les Catalans occupent la première place, n'a pas réussi jusqu'ici à s'imposer à la majorité du pays... La dernière phrase d'Azorin appelle, cependant, une correction. Il y a loin, en vérité — on a pu s'en rendre compte par cette étude entre l'œuvre d'expansion commencée ces temps derniers par l'Espagne et ses rêves chimériques d'antan. Dans le discours qu'il a prononcé à la séance de clôture du Congrès de Madrid, M. Perez Caballero a nettement montré que les modernes Africanistes espagnols ne se réclament aucunement des antiques projets d'Isabelle la Catholique. Il y a un abîme entre la vieille politique coloniale suivie trop longtemps autrefois par les rois d'Espagne et celle qu'inaugure aujourd'hui leur héritier : « Les idées et les sentiments exprimés ici, a déclaré l'ancien ministre, attestent que notre politique extérieure et que notre système colonial ne sont plus imbus des trois grandes erreurs, auxquelles on a fait allusion. On a démontré que le principe bureaucratique a disparu, que les ambitions militaristes aussi sont en train de disparaître, et qu'il ne reste plus rien non plus de ce prosélytisme religieux qui méconnaît les différences de morale chez les peuples, qui fomente les sentiments de haine et qui est l'origine de troubles graves... »

ANGEL MARVAUD.

L'EUVRE ADMINISTRATIVE DE DE VILLÈLE

SES IDÉES. SES DOCTRINES1

A vrai dire, de Villèle n'eut pas de doctrines économiques ou financières bien déterminées. Il fut surtout un administrateur de haute envergure, un organisateur méthodique de l'ordre et du contrôle dans les Finances. C'est dans ce sens que le juge un écrivain royaliste A. Nettement, dans son Histoire de la Restauration, en le définissant « administrateur habile, plutôt que ministre éminent »>, et il semble bien que ce soit l'homme politique qu'il vise en tant que ministre. Nous n'avons pas à nous placer à ce point de vue; ici, le ministre des finances seul nous intéresse. En réalité, c'est son œuvre administrative qui est la plus étendue et la plus féconde par ses résultats. C'est elle que nous allons exposer d'abord. Nous essaierons ensuite de montrer que les opinions de Villèle sur le crédit, sur les douanes, sur le régime économique du pays, ne s'appuyaient pas sur des théories, des doctrines, ou sur un système, mais ne furent guère que le reflet des préjugés les plus répandus de l'époque sur ces questions. Il défendit, d'ailleurs, les mesures protectionnistes qu'il réclama des Chambres, sans y être conduit par un intérêt égoïste, comme ceux auxquels elles profitaient. Les nécessités de la politique l'obligèrent à certaines concessions, et le désir de ménager les intérêts en présence ne fut pas étranger à l'adoption de cette méthode que l'on qualifierait aujourd'hui d'opportuniste. En toutes ces questions, cependant, de Villèle demeure l'homme de l'ancien régime, et l'on sent qu'il porte, au fond de lui, comme le regret de ne pouvoir adapter à l'idéal très vague qu'il s'en fait le régime parlementaire et les besoins modernes.

1. Cet article est la seconde partie d'une étude sur de Villèle, extraite d'un ouvrage Portraits de financiers, qui paraîtra prochainement chez Félix Alcan.

I

Pour se rendre compte de l'action exercée par l'œuvre administrative de Villèle, en ce qui concerne surtout les finances publiques, il faut se souvenir 'qu'à l'époque où commença de s'établir, en France, le gouvernement parlementaire, il n'y avait pas d'organisation régulière répondant au nouveau système de gouvernement. Le baron Louis avait, dès le début, lors de son premier ministère, habilement interprété la Charte en vue d'établir un commencement de procédure pour la discussion méthodique du budget. De Villèle avait aussi, lui, senti la nécessité de fixer de bonnes règles financières pour rendre le contrôle du Parlement plus effectif et pour tenir le ministre des finances en haleine. Au cours des débats sur le budget, en 1817, il ne manque pas d'intervenir à cet égard. Il demande la fixation précise de l'« arriéré » et la liquidation générale, dans le courant de l'année, des effets émis par les diverses caisses. Par cette dernière opération, il voulait faire cesser la pratique ruineuse qui consistait à anticiper sur toutes les recettes. Il voyait dans ces émissions d'effets un aliment pour l'agiotage, un moyen de corrompre et d'entraver nos services publics, et une cause, pour les ministres, d'outrepasser leurs crédits contre tous les principes du gouvernement représentatif. Duvergier de Hauranne, avec quelque exagération, a appelé ce discours l'« Évangile financier du parti royaliste1». A côté de ces judicieuses critiques, il réclamait des mesures assez puériles. Pour faire face aux énormes paiements que la France avait à faire à ce moment là, et dans des délais assez courts, il conseillait les économies sur les traitements, en exceptant du minimum de 40000 francs, fixé par lui, les ministres, les maréchaux et les ambassadeurs. C'eût été une bien petite ressource dont l'évaluation peut faire sourire. Mais il voyait là un moyen d'attaquer l'administration impériale, de dénoncer les dilapidations du régime déchu; critiques assurément fort imprudentes, dans la bouche d'un royaliste attaché, comme lui, aux traditions de l'ancien régime! Il eut, sur ce point, à subir une verte réplique de M. de Barante. Toutefois,

1. Ilist. du gouvernement parlementaire, t. IV.

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