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arrangement, l'effet de cette intervention, véritable pavé de l'ours, fut déplorable.

La haute Assemblée ne pouvait donc qu'être mal impressionnée par ces préliminaires fâcheux. Beaucoup de ses membres avaient, en outre, des raisons personnelles d'être hostiles à la conversion. Certains d'entre eux étaient alliés par des relations mondaines ou de famille aux membres de la haute banque, partisans, en général, de l'opération. D'autres possédaient une fortune dont les rentes d'État formaient la plus grosse part. Enfin, presque tous avaient vu l'effet produit par la réduction du tiers consolidé et craignaient que l'on interprétat mal l'opération de la conversion'. La discussion fut aussi ardente qu'à la Chambre et plus élevée à tous les points de vue. L'opinion publique, sous ses diverses influences, se prononçait de plus en plus contre le projet.

De Villèle devait, dans cette lutte, subir tous les coups du sort. Fait paradoxal, en cette circonstance, ce fut M. de Quélen, archevêque de Paris, qui enleva les dernières résistances des Pairs encore hésitants à voter contre le ministère. L'archevêque de Paris, préoccupé des conséquences qu'aurait, pour les pauvres, la réduction d'un cinquième des revenus possédés en rentes de l'État par les gens riches, tint aussi, lui, à intervenir et au nom de la charité. « On a dit, écrivait-il alors, que la loi ne ferait fermer ni un théâtre ni une guinguette. Cela est possible; mais ne pourrait-on pas se demander aussi si la loi ne fera pas fermer plus d'une bourse encore ouverte aux pauvres et si la réduction d'un cinquième dans les rentes ne diminuera pas d'un cinquième les aumônes? » Ce n'était point pour satisfaire ceux qui attendaient leur part de l'indemnité. Mais, le plus souvent, ce ne sont pas les véritables raisons qui font réussir ou rejeter les idées; le sentiment a aussi, lui, même dans les questions d'où il paraît, au premier abord, devoir être exclu, une influence irrésistible. La Chambre des Pairs rejeta donc le projet à une forte majorité 128 voix contre 94.

L'indemnité, toujours réclamée par les émigrés, tenait trop au cœur de de Villèle pour qu'il ne s'efforçât pas de trouver le moyen de se procurer les ressources afin d'y faire face. Dès 1825, après la

1. Théorie et Histoire des Conversions de Rentes, par H. Labeyrie.

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mort de Louis XVIII, et alors que Charles X venait de lui succéder, il revint à la charge en proposant, cette fois, une conversion facultative. Sans réticences, il liait l'opération au paiement de l'indemnité, ce qu'il s'était bien gardé d'avouer un an auparavant. Nous n'entrerons pas dans le détail de cette combinaison compliquée. Cette complication fut, avec raison, un des arguments que l'on invoqua contre de Villèle. Pour qu'une opération de cette nature puisse réussir, il faut qu'elle se présente clairement aux rentiers et fasse ressortir les avantages qu'on leur offre; c'est l'a b c du métier. De Villèle, au contraire, imagina de créer des rentes 3 p. 0/0 qu'il donnerait aux émigrés; puis, à côté, il suspendait l'amortissement pour les rentes ayant dépassé le pair les rentes 5 p. 0/0 — et appliquait les fonds qui y étaient affectés, soit 75 millions par an, à l'amortissement des rentes 3 p. 0/0. Alors il proposait aux porteurs de 5 p. 0/0, ou de convertir leur rente en 4 1/2 p. 0/0, au pair, en garantissant le fonds contre tout remboursement pendant dix années, soit souvenir du projet de 1824 de prendre à la place du 3 p. 0/0 au taux de 75 francs. C'était faire jouer à la caisse d'amortissement un rôle pour lequel elle était loin d'être instituée. Il la faisait, en effet, intervenir pour provoquer la hausse du 3 p. 0/0, et, par suite de la suspension de l'amortissement du 5 p. 0/0, pour faire baisser ce dernier fonds. C'est à cette occasion que les Débats, inspirés par Chateaubriand, dont Fiévée traduisait les sentiments, ouvrirent une ardente polémique contre le projet.

Les deux Chambres votèrent cette conversion bâtarde, avec quelques amendements, malgré les efforts que fit Mollien à la Chambre des Pairs pour corriger les dispositions défectueuses qu'elle contenait. Ses résultats sont connus. Ce fut un insuccès. L'opération ne procura aucun profit à ceux qui avaient fait l'échange de leurs titres. De son côté, l'État ne réalisa qu'une économie d'un peu plus de 6 millions de francs, tandis que le capital nominal de la dette s'élevait d'une somme un peu supérieure à 200 millions. Or, c'est là le vice radical de toute conversion, les opérations de cet ordre ne devant être exécutées qu'à la condition de ne pas faire plus lourde la dette de l'État.

Comme on le voit, de Villèle ne réussit guère les grandes combinaisons financières de crédit dont il prit la responsabilité. Il a certai

nement fallu qu'il soit poussé par la passion politique pour édifier des opérations où il reniait ses opinions antérieures et où il se déjugeait même à quelques mois de distance. C'est qu'il n'était point, par son éducation, par ses antécédents ni par son tempérament, préparé à de telles œuvres. Il restera, néanmoins, comme un adminis trateur financier dont les qualités d'ordre et le sens d'organisation sont les caractères marquants.

ANDRÉ LIESSE.

LES DÉBOUCHÉS MARITIMES DE L'AUTRICHE-HONGRIE

LES PORTS DE TRIESTE ET DE FIUME

A l'inverse des autres grandes puissances de l'Europe continentale, la monarchie austro-hongroise, dont les frontières de terre présentent une étendue considérable, n'offre qu'un très faible. développement côtier, et compte seulement deux ports de commerce importants Trieste pour l'Autriche, et Fiume pour la Hongrie. Cette particularité de la configuration géographique des deux royaumes n'a nullement entravé l'extension de leur mouvement économique elle a seulement contribué à la concentration des courants commerciaux. Au cours de l'année 1907, le trafic de Trieste, exprimé en valeur, a dépassé le chiffre de deux milliards de couronnes, soit plus du triple des résultats enregistrés en 1856 (560 millions); plus de la moitié de cette somme représente des opérations effectuées par voie de mer. Et le total des arrivages et expéditions du port de Fiume pendant la même période s'est élevé à 655 millions de couronnes; la quote-part de l'élément maritime dans cette somme d'échange est supérieure à 300 millions de couronnes. Bref, Trieste et Fiume contribuent respectivement pour 42 p. 0/0 et pour 13 p. 0/0 à l'ensemble du commerce extérieur et intérieur de l'Autriche-Hongrie.

A un autre point de vue, la situation incontestée des deux grandes villes maritimes au milieu des petits ports de pêche et de cabotage de la côte istro-dalmate a permis aux gouvernements dont ils relèvent de faire de leur développement économique une question nationale, sans éveiller la susceptibilité du patriotisme local, très chatouilleux dans tout l'empire. Les assemblées parlementaires des deux rives de la Leitha ont toujours été unanimes à sanctionner

1. Les statistiques présentent en bloc le trafic intérieur et extérieur.

les mesures prises par les pouvoirs publics en vue d'accroître la capacité de trafic et d'étendre les relations commerciales de Trieste et de Fiume projets d'appropriation des ports, création d'ouvrages nouveaux, réfection de l'outillage, subventions à la marine marchande, tarifs réduits pour les transports par voie ferrée, enfin construction de chemins de fer de pénétration. Faute de compétiteurs, la monarchie ne connaît pas cet épisode si fâcheux de la concurrence parfois malencontreuse que se font entre eux certains ports français la course à la subvention. On n'y voit point des arguments d'ordre politique primer les considérations économiques lors de la détermination d'un programme de travaux publics, comme ce fut le cas de notre plan Freycinet, et les Parlements n'y dénouent pas les compétitions aux frais des contribuables, en donnant satisfaction à toutes les demandes appuyées par des personnalités bien

en cour.

L'histoire des deux grandes villes maritimes de l'AutricheHongrie a été la même pendant près de deux cents ans. C'est en 1717 que l'empereur Charles VI proclama la liberté du commerce et de la navigation dans la mer Adriatique. Deux années plus tard, il déclarait ports francs Trieste et Fiume. Ce régime, prolongé pendant cent soixante-douze ans, permit aux deux cités de devenir des places de transit, l'une de premier ordre, l'autre de notable importance. Et quand, en 1891, deux lois identiques et parallèlement votées vinrent substituer le régime nouveau du point franc (punto franco) à l'ancienne exemption complète de toute exigence fiscale, Trieste était devenue la reine de l'Adriatique, et Fiume balançait Venise. Aujourd'hui encore, malgré la distinction très nette de leurs intérêts, et la supériorité marquée du port autrichien sur le port hongrois, ces deux villes maritimes demeurent dans une certaine mesure solidaires l'une de l'autre. D'abord, par ce fait que la monarchie constitue jusqu'en 1917 une union douanière; ensuite, en raison de l'application en commun par les deux gouvernements de tarifs de transports combinés, destinés à faciliter l'exportation de certaines catégories de marchandises d'un point quelconque du territoire austro-hongrois, via Trieste ou via Fiume, au choix de l'expéditeur.

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