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dans de bonnes conditions l'approvisionnement en matières premières de la Monarchie. Le contrat passé entre l'État et le Lloyd venait à l'expiration le 1er janvier 1907. Il a été, au cours de l'année 1905, prorogé pour une durée de quinze ans, aux conditions suivantes. Le Lloyd s'engage à maintenir les services actuels, et à fournir un parcours minimum de 1,500,000 milles'. La vitesse réglementaire des navires est augmentée. Enfin, 15 navires nouveaux devront être construits dans un délai de cinq ans 2, et 15 autres au cours des sept années suivantes; le tonnage global de ces 30 bâtiments ne devra pas être inférieur à 120,000 tonnes. En échange, le gouvernement élève la subvention annuelle à 7,234,000 cour., et consent à la Société une avance immédiate et sans intérêts de 6 millions de couronnes, remboursable en neuf payements échelonnés de la sixième à la quinzième et dernière année de la convention.

Les lignes de Dalmatie et du Brésil, actuellement exploitées par le Lloyd, vont être confiées à des sociétés filiales. Le dernier de ces deux services est d'ailleurs en voie de réorganisation: il est question de rendre les départs plus fréquents, de manière à favoriser l'exportation directe du café en Autriche, et d'affranchir le consommateur de la Monarchie du tribut actuellement payé aux intermédiaires du transport par mer ou par terre de cette denrée (Angleterre, Allemagne et France).

La seconde compagnie de navigation ayant Trieste pour point de départ est d'importance plus modeste. L'« Union Autrichienne de Navigation » ne peut mettre en ligne qu'une flotte de 23 navires, jaugeant au total 64,000 tonnes. Elle est aussi subventionnée par le gouvernement, et assure les relations de la Monarchie avec l'Amérique. Depuis quatre ans, elle a organisé un service périodique entre Trieste et le Mexique, avec de multiples escales, notamment à Dakar et aux Antilles françaises. D'autres créations sont à

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1. Parcours de 1905: 2,280,000 milles.

2. Cinq sont déjà en chantier, dont deux à trois hélices (« Baron-Gautsch » et Prince-Hohenlohe).

3. Principales lignes. 1o Amérique du Nord: Trieste-New York, TriesteNouvelle-Orléans, Trieste-Galveston, Trieste-Pensacola et Trieste-Savannah (sans escales).

2o Ligne de l'Amérique du Sud : Trieste-La Plata (avec escales à Naples, Las Palmas, Montevideo et Buenos Ayres). Il y a en outre un service entre Trieste et Vera Cruz, un autre sur l'Amérique Centrale et une ligne Trieste-BombayCalcutta, concurrente de celle du Lloyd.

l'étude. Cette corporation en est encore à ses débuts, n'ayant été constituée dans sa forme actuelle qu'en 1905, par la fusion de deux compagnies secondaires, la Compagnie Austro-Américaine et la maison d'armement Cosulich fils. Quatre navires de grande dimension ont été récemment mis en chantier 1.

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Les autres sociétés ne font que des opérations de cabotage. La fusion des quatre entreprises les plus importantes de cette catégorie, négociée pendant cinq ans, est accomplie aujourd'hui. La nouvelle société « Dalmatia », qui fonctionne seulement depuis le 1er janvier 1908, va recevoir une subvention postale du gouvernement. Le projet de convention vient d'être soumis aux Chambres. Cette initiative, en développant le trafic par cabotage, ne peut que contribuer à la prospérité du grand port autrichien.

MAURICE-L. DEWAVRIN.

(A suivre.)

1. Parcours total des navires en 1905: 990,000 milles.

2. Aucune de ces sociétés n'avait son siège à Trieste, mais toutes le desservaient. Ce sont les maisons d'armement Pio Negri (de Sebenico), Rismondo frères (de Macarsca), Serafino Topich (de Lissa) et la Navigazione a vapore Zaratina (de Zara).

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LE JOURNALISME

AU GOUVERNEMENT PROVISOIRE DE 1848

Dans l'histoire de la presse, l'année 1848 marque une étape décicive. Au triomphe, au moins provisoire, de l'idée démocratique correspond, à cette date, l'avènement de la presse démocratique, de la presse à un sou. Sans doute, dès le règne de Louis-Philippe on avait pu prévoir un tel progrès : les innovations d'Émile de Girardin, qui avait abaissé à 40 francs le prix de son journal la Presse et qui rivalisait avec le directeur du Siècle pour la publication des romans feuilletons à succès, avaient puissamment aidé à développer en France et surtout à Paris le goût du journal. Mais l'obligation de verser un cautionnement, le droit de timbre perçu sur chaque exemplaire, la sévérité des lois de répression de 1835 empêchaient de nouveaux organes de se créer et ne permettaient aux anciens que de se vendre par abonnement; ils ne s'adressaient ainsi qu'à une clientèle relativement riche, donc restreinte.

Or la révolution de Février, faite au nom de tous les principes de liberté, celui d'association et celui de la presse autant que celui de réunion, ne pouvait maintenir tant de mesures restrictives. Le Gouvernement Provisoire, né de la révolte de l'opinion publique, ne pouvait, sans renier cette origine, refuser la liberté à la presse, expression multiple de cette opinion. Bon gré, mal gré et plutôt mal gré, en raison des difficultés financières du moment une série de décrets du Gouvernement Provisoire détruisirent l'œuvre de la législation royale en matière de presse.

Le résultat ne se fit pas attendre du haut de cette tribune, dont on donnait l'accès à tous, tous voulurent parler. En quatre mois, de février à juin, plus de deux cents journaux parurent. Avec une ardeur incroyable, tous ceux qui savaient tenir une plume, et même ceux qui le savaient mal, voulurent faire œuvre de rédacteur. L'his

toire entière de la révolution de 1848, le conflit des idées comme les rivalités des hommes, se retrouve dans cette multitude de feuilles, dont tant furent éphémères, mais qui, par leur variété même, demeurent une mine très riche de renseignements.

Le prix modique de ces journaux les mettait à la portée de tous. Le premier, Émile de Girardin fit vendre dans les rues la Presse à 0 fr. 05; dès lors presque tous les journaux qui se créèrent furent des journaux à un sou. Ce fut au numéro, dans la rue, que se vendirent les feuilles nouvelles. Paris fut assourdi par les cris multiples des vendeurs. Des milliers d'exemplaires se distribuaient sur la voie publique, où - chose inconnue jusqu'alors des passants s'arrêtaient pour lire.

Mais ce régime de pleine liberté n'était guère propre à faciliter la tâche du gouvernement. C'est Armand Marrast qui affirmait : « La liberté de la presse, on ne peut pas gouverner avec elle », quelques jours à peine après que la révolution avait fait de lui un membre du Gouvernement Provisoire lui et ses collègues furent pourtant obligés de gouverner avec cette liberté, d'apparence si redoutable.

Or, on sait quelle lourde tâche le Gouvernement Provisoire avait assumée faire l'éducation républicaine de tout un peuple assez rapidement pour que les élections ne fussent pas conservatrices; prendre par voie de décret les premières mesures nécessaires à assurer la souveraineté populaire; préparer tout au moins les réformes sociales qu'aux jours enthousiastes de Février l'on croyait toutes proches; contenir par la persuasion une population victorieuse et non désarmée; conjurer une crise financière imminente, tâche immense et qu'aucun gouvernement n'aurait pu mener à bonne fin dans le temps limité laissé à l'initiative de ces hommes nouveaux. Or, après une courte période d'enthousiasme et d'applaudissements dont les vieux organes conservateurs avaient presque don né l'exemple, le ton général de la presse s'aigrit. Parmi les feuilles nouvelles peu étaient modérées : la situation des partis ne se prêtait guère à une politique de juste milieu; tous les journaux se partagèrent bientôt entre deux tendances extrêmes. Si le Gouvernement Provisoire était loin d'être conservateur, la majorité de ses membres résistait énergiquement à ceux qui voulaient le pousser dans une voie révolutionnaire. Le résultat fut un mécontentement général : A. TOME XXIII. — 1908.

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les journaux socialistes, qui tous espéraient voir le gouvernement commanditer leurs théories, déçus dans leur attente, l'accusèrent de sacrifier à des réformes politiques superficielles les réformes sociales, seules décisives; les journaux démocratiques lui reprochèrent une extrême timidité et menacèrent de refaire une révolution, s'il n'adoptait une politique plus radicale; les journaux conservateurs le blâmèrent âprement des concessions faites aux partis avancés et prophétisèrent la ruine par sa faute du crédit public et la banqueroute. Jusqu'aux journées de juin, où la ditacture de Cavaignac supprima à nouveau la liberté de la presse, ces attaques se multiplièrent contre le Gouvernement Provisoire et la Commission exécutive, son héritière directe.

Mais elles ne restaient pas sans réponse: pour soutenir ses idées, pour faire connaître ses intentions, le gouvernement eut, lui aussi, ses journaux, et c'est leur histoire que nous nous proposons d'étudier.

Cette presse gouvernementale dépasse de beaucoup en intérêt une presse gouvernementale ordinaire. On peut dire qu'elle fut en 1848 partie intégrante du gouvernement : les hommes qui étaient arrivés au pouvoir le 24 février étaient à peu près tous des journalistes : ils appartenaient à deux opinions, républicaines toutes deux, mais de nuance différente, et ces opinions se reflétaient en deux journaux célèbres à cette époque, le National et la Réforme. L'alliance du National et de la Réforme fit le Gouvernement Provisoire, association d'hommes qui n'avaient qu'un minimum d'idées communes. Aussi l'histoire de ces deux journaux, qui n'abdiquèrent rien des convictions propres à chacun d'eux, est-elle l'histoire même des rivalités intestines du Gouvernement Provisoire leurs opinions, le ton qu'ils leur donnaient, la chaleur qu'ils mettaient à défendre le pacte d'alliance, ou la promptitude à critiquer un acte du parti rival sont l'indice infaillible de la bonne ou de la mauvaise entente qui régnait à l'Hôtel de Ville.

Déjà, sous le règne de Louis-Philippe, ces deux feuilles, le National et la Reforme, avaient joué dans la lutte des partis un rôle considérable. Elles représentaient alors, à peu près à elles seules, l'opinion républicaine. Sous le ministère Guizot, avec une égale fermeté, elles. avaient mené la lutte contre la politique conservatrice. Mais, si leurs haines étaient communes, elles étaient déjà loin de se mettre

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