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LA POLITIQUE DES BANQUES ALLEMANDES'

RELATIONS AVEC L'INDUSTRIE

CONCENTRATION

Les alertes financières de ces mois derniers, la crise américaine, les difficultés monétaires survenues dans différents pays et particulièrement aux États-Unis et en Allemagne ont attiré l'attention sur le régime des banques et leur politique dans ces deux derniers pays. Nous voudrions indiquer les particularités de l'organisation financière de nos voisins d'outre-Rhin et faire apparaître les idées dominantes de l'industrie de la banque en Allemagne.

Les grandes banques allemandes celles que l'on désigne sous le vocable d'Instituts Berlinois - dont, en 1870, les capitaux réunis représentaient à peine 180 millions de francs, avaient, dès 1885, doublé leur importance. Aujourd'hui, elles possèdent un capitalactions qui atteindra bientôt 2 milliards, et les capitaux sociaux des entreprises commerciales et industrielles qui, il y a trente ans, se chiffraient par moins de 5 milliards, dépassent actuellement 15 milliards sans compter les obligations 2.

Enfin, le mouvement du commerce extérieur vient préciser la courbe favorable de ce développement d'environ 7 milliards en 1872, il a passé à 16 milliards en 19073.

Et, pendant la même période, la population augmentait de 500/0. La fortune mobilière de l'Allemagne, d'après de récents calculs, est évaluée à plus de 112 milliards de francs, dont une dizaine placés à l'étranger dans des entreprises commerciales.

Contrairement à notre pratique habituelle de placer nos capitaux

1. BIBLIOGRAPHIE: Edgar Depitre, Le Mouvement de Concentration dans les Banques allemandes, Paris, Rousseau, 1905; Léon Barety, L'Evolution des Banques locales en France et en Allemagne, Paris, Rivière, 1908.

2. Cf. le Temps, 25 janvier 1906.

3. Chiffres du commerce extérieur de l'Allemagne en 1904, 14 milliards 1/2; en 1906, 15 milliards.

dans des valeurs à revenu fixe et principalement en fonds d'État, les capitalistes allemands choisissent de préférence des entreprises privées, généralement productives, d'ailleurs, d'intérêts allant jusqu'à 10 p. 0/0.

Le récent développement économique de l'Allemagne l'a rapidement placée parmi les pays les plus prospères, et son expansion, qui ne s'était pas localisée dans des régions privilégiées, est sans conteste née de son évolution vers l'industrie, de même que c'est de là que lui est venue la crise, crise industrielle autant que monétaire.

Les fonds d'État allemands eux-mêmes se virent préférer par le public les valeurs industrielles, préférence vivement encouragée par les banques, qui ouvrent volontiers leurs guichets aux émissions de valeurs d'entreprises nouvelles.

Le développement industriel si remarquable de l'Allemagne n'a d'ailleurs pu se réaliser que grâce à l'appui constant des banques. Pendant un certain temps, avant la crise de 1907 et les faillites qui l'ont marquée, il semble que ni les banques, ni leur clientèle n'aient eu à se plaindre de ce concours prêté au commerce et à l'industrie.

Une statistique officielle prouve, en effet, qu'en 1903, au lendemain. même pour ainsi dire d'une des crises fréquentes en ces derniers temps du marché allemand, 719 sociétés anonymes (contre 701 en 1900), admises à la cote des bourses prussiennes, cotaient en moyenne 53 p. 0/0 au-dessus du pair'. Et, de ces valeurs représentant un capital nominal de près de 6 milliards, les neuf dixièmes avaient payé un total de dividendes de 400 millions.

Ces résultats suffiraient à expliquer l'estime dans laquelle sont tenues les valeurs industrielles que le public consent à capitaliser jusqu'à 4 et 3 0/0.

Il y a là une exagération évidente qui explique en partie les crises. à la moindre stagnation industrielle.

Il n'en reste pas moins que le concours précieux donné par les banquiers allemands aux industriels et commerçants a permis à l'Allemagne d'accroitre rapidement sa puissance économique.

1. Cf. Temps, 25 janvier 1906.

Cet appui constant donné par les banques à l'industrie était récemment encore signalé dans un ouvrage fort intéressant1.

On y indiquait que l'essor industriel et commercial des régions d'Elberfeld et de Barmen est dû au crédit énorme sans couverture, et l'on pourrait dire sans limites, offert par les banques à l'activité des fabricants.

Sans doute, elles ont éprouvé des difficultés à remplir un rôle si important, dans un pays où, il y a quelques années encore, le peuple allemand n'avait pour ainsi dire point d'économies.

On peut dire aujourd'hui que c'est le crédit qui a enrichi l'Allemagne. En France, les banques ne donnent pas en général de crédit. en blanc au commerce et à l'industrie, alors que cet usage est courant en Allemagne.

Dès qu'un banquier a confiance dans la capacité d'un industriel ou d'un commerçant, il lui offre tous les capitaux nécessaires. Dans la seule vallée de la Wupper, il y aurait ainsi près de 200 millions prêtés par les banques.

Le célèbre usinier Krupp, a-t-on pu dire, aurait sombré vingt fois si les banques ne l'avaient soutenu avec énergie; Thyssen, le puissant concurrent des fonderies d'Essen, a été dans le même cas. L'admirable fabrique de produits chimiques Frédéric Bayer, d'Elberfeld, fondée par un tout petit négociant et qui est aujourd'hui connu universellement, n'aurait pu arriver à ce développement sans l'appui des banques. Aujourd'hui elle enrichit les banquiers! Les actions. valent 550 p. 0/0 et rapportent 33 p. 0/0 de dividende 2.

Il était fatal que le jour où les industries allemandes subiraient une crise, les banques si intimement liées avec elles souffriraient également.

La crise prévue est venue faire sentir ses atteintes.

L'Empire allemand où, ainsi que nous venons de le dire, l'industrie commanditée par les banques a pris depuis une vingtaine d'années un essor magnifique, se débat depuis un an dans des embarras monétaires sans cesse renouvelés; les banques dont les capitaux ont

1. Cf. Jules Huret. En Allemagne, Rhin et Westphalie, 1907, p. 291-292. Voir aussi M. Blondel, L'Essor industriel et commercial du Peuple allemand, Paris, 1900, p. 482; M. Sayous, dans divers ouvrages;

:

et l'Allemagne contemporaine, p. 231.

2. J. Huret, op. cit.

- P. de Rousiers, Hambourg

été investis en titres industriels et qui ne peuvent sans danger liquider, sur le marché intérieur, leur stock de papier national ont vu leurs disponibilités réduites au minimum et, pour protéger leur encaisse contre la demande incessante du commerce, se sont vues contraintes de hausser très fortement le taux de leur escompte.

Le Reichsbank a annoncé depuis un an des taux de 5 à 8 p. 0/0 et les banques libres ont exigé des taux de 10 à 12 p. 0/0.

Cette situation est due en grande partie à l'entraînement un peu irréfléchi qui a poussé les banques allemandes à commanditer sans cesse des affaires industrielles sans se préoccuper suffisamment si, après une période de prospérité considérable, ne surviendrait pas une période de surproduction et de crise.

Cette crise est survenue, mais fort heureusement on a pu remarquer moins de défaillances qu'on aurait pu le craindre. Et pourtant la crise américaine a pu toucher certaines banques allemandes 1, cependant le marché allemand est saturé de papier.

Mais les banques, après avoir aidé le commerce et l'industrie, se sont entr'aidées.

La crise de 1901-1902 n'avait été qu'un temps d'arrêt et on était reparti à une allure toujours plus vive.

Banques, sociétés industrielles et commerciales, compagnies de navigation grisées quelque peu par de premiers succès ont voulu accroître leur production ou le mouvement général de leurs affaires, perfectionner leur outillage et, pour cela, ont fait d'incessants appels au crédit.

Dans la seule année 1906, il ne s'est pas fondé moins de 216 sociétés par actions avec un capital de 562,300,000 marks, soit plus de 700 millions de francs; 17 banques ont demandé au marché 119,000,000 de marks; 19 mines, hauts-fourneaux, salines, 95,000,000 de marks; 35 entreprises métallurgiques et de machines, 55,000,000 de marks; 25 entreprises de construction ou de terrains, 44,000,000 marks; 8 sociétés d'électricité, 15,000,000 de marks, etc. Il faut noter par ailleurs que cette année 1906 faisait suite à

1. La Deutsche Bank a des liens qui l'unissent à Speyer et Co, la Diskonto Gesellschaft à Kuhn, Loeb et Co, la Darmstädter à Hallgarten C° et la Dresdner Bank à Pierpont Morgan.

2. Voir la statistique des années précédentes dans Guillemot-Saint-Vinebault, La Spéculation financière, 1906, p. 164 et 165.

une année, 1905, pendant laquelle les émissions avaient également été considérables 1.

D'après la Gazette de Francfort, les émissions de titres de 1901 à 1906 en Allemagne auraient atteint 13 millions et demi de marks.

Or, si l'on s'en rapporte aux calculs des économistes allemands, ces derniers estiment que le peuple allemand, dans son ensemble, épargne en moyenne 2 milliards par an dont il placerait la moitié en valeurs mobilières, ce qui donne à penser que le classement de tout le papier industriel émis pendant ces dernières années est loin d'être opéré.

D'autre part, si l'on considère que la circulation des effets de commerce en 1906 était en augmentation de 8,3 p. 0/0 sur celle de 1904, on s'étonnera encore moins de la pénurie de capitaux en Allemagne '.

Peut-on, en conséquence, s'étonner du désir à peine déguisé que les banques allemandes éprouvent d'écouler une grosse partie de leur papier sur notre marché français.

Nous avons indiqué plus haut que, grâce à la politique suivie par les banques allemandes, l'industrie avait pu se développer, et nous avons en passant indiqué par quelques exemples combien cette affirmation était vérifiée par les faits.

Il nous faut cependant montrer plus en détail quelle est l'importance des affaires industrielles pour les banques allemandes.

Il ne nous est guère possible d'indiquer ici quel secours telle petite industrie aura reçu d'une banque locale, et la chose, au reste, n'aurait pas grand intérêt.

Ce que nous montrerons, c'est la part prise par les grandes banques berlinoises dans les créations d'affaires industrielles, et nous les verrons en quelque sorte se spécialiser dans des branches différentes d'industrie, sans qu'on puisse dire d'ailleurs qu'il y a là une préférence toujours voulue.

La Deutsche Bank s'est plus spécialement attachée au développement des industries électriques; elle participe notamment aux groupes Siemens et Halske et de l'Allgemeine Elektricitätsge

1. Cf. Barety, op. cit., p. 53 et 146.

2. Le portefeuille-effets de la Reichsbank n'a d'ailleurs pas cessé de s'accroître.

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