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de la journée de 10 heures: 1° 103 grèves ont eu pour objet l'établissement de la journée de 8 heures: elles ont abouti à 88 échecs, 13 transactions et 2 réussites; 2o l'obtention de la journée de 9 heures ou de la semaine anglaise a motivé 109 grèves, qui se sont terminées par 45 échecs, 28 transactions et 36 réussites; 3° quant à la journée de 10 heures, en vue de laquelle 83 grèves ont été déclarées, on a enregistré 40 réussites, 16 transactions et 27 échecs.

Le mouvement pour l'obtention de la journée de 9 heures dans la typographie fait l'objet, dans la Statistique, d'un chapitre spécial.

III. MOUVEMENT OUVRIER EN 1907.

A. Grèves. A en juger par les relevés provisoires du Bulletin de l'Office du travail, le nombre des grèves aurait été en 1907 de 1,170 environ. Quelques-unes de ces grèves ont beaucoup impressionné l'opinion publique.

D'abord celle des électriciens de Paris, au nombre d'un millier, qui, déclarée le 8 mars, prit fin le 9. Les grévistes demandaient principalement la journée de 8 heures et une majoration des retraites: le conflit se termina par une transaction. Le surlendemain (11 mars), en réponse à une interpellation de M. Jaurès, M. Clemenceau, président du conseil et ministre de l'intérieur, exposa la conception que le gouvernement dont il est le chef a de ses droits en matière de grève, et il fit le procès des « hommes de l'action directe ».

Notons ensuite la « grève générale de l'alimentation », dont nous parlerons à propos de l'agitation pour l'application de la loi sur le repos hebdomadaire.

Puis la grève des inscrits maritimes. Cette grève fut la conséquence extrême d'une résolution prise au mois de novembre 1906 par le quatorzième congrès de la Fédération nationale des syndicats maritimes, résolution d'après laquelle un Comité national de défense des gens de mer était constitué dans le but d'obtenir du Parlement, à bref délai, le relèvement des pensions de demi-solde des inscrits maritimes, conformément à une proposition de loi déposée par M. Siegfried; en cas d'insuccès, il devait donner le signal de la grève générale. Le ministre de la marine ayant déclaré à une délégation que les chiffres portés dans cette proposition étaient inacceptables, l'agitation s'accrut rapidement parmi les inscrits; elle aboutit à une déclaration de grève, le 31 mai, à Marseille et dans une vingtaine

d'autres ports. Aussitôt le Gouvernement prit les mesures nécessaires pour assurer les transports; d'autre part, le président de la Commission de la marine à la Chambre informa le Comité de défense qu'il n'y avait aucun espoir que le Parlement adoptât la proposition de M. Siegfried. Dès le 3 juin, des délégués des syndicats des divers ports se réunirent à Paris pour chercher, d'accord avec le Gouvernement, à mettre fin à la grève; ils se contentèrent de l'assurance que le projet que le Gouvernement avait présenté quelques semaines auparavant serait amélioré, et ils rédigèrent une série d'amendements qu'ils remirent au rapporteur de la Commission de la marine de la Chambre; puis ils invitèrent télégraphiquement leurs mandants à reprendre le travail. Il y eut des protestations dans plusieurs ports; cependant, le 8 juin, la grève était complètement terminée. Citons encore, parmi les grèves moins retentissantes, mais cependant importantes, celle de 2,000 mouleurs de Revin (Ardennes), qui avait pour cause la demande de retrait d'un nouveau règlement; commencée le 22 avril, elle se termina le 2 septembre par une transaction; la grève de 5,000 tisseurs de Flers (Orne), qui dura du 24 avril au 1er août; motivée par une demande d'augmentation de salaire, elle se termina également par une transaction.

B. Agitation pour l'application de la loi du 13 juillet 1906 sur le repos hebdomadaire. Nous avons dit l'année dernière quelle agitation avaient suscitée durant les derniers mois de l'année 1906 les difficultés d'application de la loi sur le repos hebdomadaire, agitation qui n'était guère moins vive dans le monde patronal que dans le monde ouvrier. Elle continua au début de 1907, mais avec ce caractère particulier qu'un courant nettement défavorable, sinon aux principes de la loi, du moins à certaines dispositions ou, plus exactement peut-être, à certaines des interprétations qui leur avaient été données, se manifesta au sein de la majorité gouvernementale, spécialement à la Chambre. La délégation des gauches, en vue des interpellations annoncées, arrêta les termes d'un ordre du jour auquel le Conseil des ministres eut quelque peine à rallier M. Viviani, ministre du travail. Cet ordre du jour, adopté le 23 mars par 277 voix contre 61, portait que la Chambre était résolue à maintenir. intacts les principes de la loi du 13 juillet, mais qu'elle prenait acte de l'engagement du Gouvernement « de proposer les modifications nécessaires à la loi en temps utile pour qu'elles puissent être discutées avant la fin de la présente session ».

A. TOME XXIII.

1908.

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Cette condamnation morale de la loi fut encore aggravée par une circulaire, relative aux infractions commises, que le ministre de la justice adressa aux procureurs généraux le 31 mars.

Bien avant le vote de l'ordre du jour du 23 mars, certaines corporations, notamment les employés de commerce et les ouvriers et employés de l'alimentation, avaient proféré des menaces de grève pour le cas où la loi sur le repos hebdomadaire recevrait quelque atteinte. Après le 23 mars, la Fédération nationale des travailleurs de l'alimentation se prépara à agir.

La « grève générale de l'alimentation » à Paris et en province fut déclarée, non sans solennité, le 11 avril; en réalité, ce fut une suite de grèves dans diverses spécialités de l'alimentation, principalement à Paris. D'abord celle des ouvriers boulangers de Paris (11 avril), grève qui ne prit pas un développement suffisant pour gêner la popula tion; les grévistes comptaient, pour assurer le succès de leur mouvement, sur la cessation de travail successive des autres corporations parisiennes de l'alimentation. En effet, le 19 avril, les garçons de café et de restaurant se mirent en grève; puis ce furent les garçons d'hôtel et les cuisiniers. Mais peu à peu ces diverses corporations reprirent le travail, les boulangers les premiers (2 mai), puis les garçons restaurateurs-limonadiers, etc., sans avoir, en somme, obtenu satisfaction. Depuis, les protestations contre la non-application intégrale de la loi du 13 juillet 1906 n'ont pas cessé, mais elles ont revêtu un caractère en quelque sorte individuel fort différent d'une agitation organisée et systématique.

C. Les syndicats des fonctionnaires. On ne peut parler du mouvement ouvrier en 1907 sans mentionner au moins les tendances qui se sont manifestées parmi les associations de fonctionnaires, notamment celles d'agents des postes et celles d'instituteurs, en faveur d'un rapprochement avec les syndicats ouvriers et la Confédération générale du travail. Nous n'avons pas à rappeler ici la lutte qui, spécialement dans les six premiers mois de l'année, eut lieu entre le Gouvernement, d'une part, et les associations syndicales ou syndicalistes d'instituteurs et d'agents des postes de l'autre. Le Gouvernement a pensé qu'il pourrait contenir dans certaines limites le courant qui paraît emporter le personnel de certains services publics vers une adhésion aux bourses du travail et autres groupements ouvriers, et, dans ce but, il a déposé, le 12 mars 1907, un projet de

loi sur les associations de fonctionnaires, projet de loi qui n'a pas encore été discuté.

D. Le mouvement syndical, les congrès socialistes (Nancy et Stuttgart) et le Congrès anarchiste (Amsterdam). Nous avons dit l'an dernier que le Congrès corporatif d'Amiens avait consacré cette opinion, fort répandue dans les syndicats, que « le syndicalisme se suffit à lui-même », c'est-à-dire qu'il n'a besoin de l'aide d'aucun parti politique (de celle du Parti socialiste notamment) pour faire la révolution sociale; et nous avons ajouté que le Congrès socialiste unifié, tenu à Limoges peu après le congrès d'Amiens, s'était divisé en deux fractions presque égales sur l'attitude à prendre désormais à l'égard de la Confédération générale du travail et avait voté, à une faible majorité, une motion d'attente et de confiance dans l'avenir pour l'établissement de relations entre l'organisation économique et l'organisation politique du prolétariat français.

Mais cette question des rapports du Parti et des syndicats était inscrite à l'ordre du jour du Congrès socialiste international qui devait se tenir à Stuttgart au mois d'août 1907; pour essayer de la résoudre au point de vue français, elle fut portée de nouveau à l'ordre du jour du congrès que le Parti socialiste unifié allait tenir à Nancy quelques jours avant l'ouverture du Congrès de Stuttgart. Cette tentative, qui souleva de vives méfiances dans le camp syndicaliste et donna naissance à des polémiques ardentes, n'aboutit qu'à une réédition complète de ce qui s'était passé au Congrès de Limoges. Les socialistes français se présentèrent donc au Congrès de Stuttgart divisés en deux fractions celle qui avait triomphé aux Congrès de Limoges et de Nancy, et celle qui voulait faire admettre le principe d'une entente, variable suivant les circonstances, entre l'organisation syndicale et l'organisation socialiste.

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C'est cette dernière fraction, c'est-à-dire la minorité française, qui l'a emporté au Congrès de Stuttgart, et à une écrasante majorité 222 voix 1/2, contre 18 voix 1/2 seulement, ont en effet décidé que des rapports intimes et constants doivent exister, dans tous les pays, entre le Parti socialiste et les syndicats. Tout ce que la majorité française a pu faire a été de lire une déclaration portant que cet état de choses n'est actuellement pas possible en France.

Depuis le Congrès de Stuttgart, des flots d'encre ont coulé, dans la presse socialiste, sans qu'un accord ait pu encore se faire sur la façon dont peut être faite en France l'application de la résolution votée par le Congrès socialiste international.

Le Congrès anarchiste qui s'est tenu à Amsterdam à la fin d'août, c'est-à-dire quelques jours après le Congrès socialiste international de Stuttgart, en a présenté en quelque sorte la contrepartie : « Les syndicats, avait déclaré ce dernier, ne feront leur devoir dans la lutte émancipatrice que s'ils sont inspiré de l'esprit socialiste ». A propos de la grève générale révolutionnaire, les anarchistes ont décidé à Amsterdam qu'« il est nécessaire, pour arriver à une telle grève générale, que les organisations syndicalistes soient imprégnées des idées de l'anarchisme ». Les anarchistes, comme les socialistes, estiment que le syndicalisme ne se suffit pas à lui-même, bien qu'ils se proposent de compléter autrement son action.

Il ne faut pas essayer de résumer les nombreuses résolutions, relatives aux syndicats, qui furent adoptées à Amsterdam; certaines furent contradictoires, ce qui importait peu, puisque le Congrès n'entendait pas trancher les questions à l'ordre du jour en dégageant des majorités. Mais ce qu'il convient de noter surtout, c'est que le Congrès a mis en lumière, et même en opposition, deux courants dans l'anarchisme dans les comptes rendus on a pu opposer à l'anarchisme traditionnel « l'anarchisme ouvrier », qui se pique de déserter la spéculation pour l'action, et dont certains. tenants vont jusqu'à accepter de subordonner le mouvement, anarchiste au mouvement ouvrier, tout comme l'extrême gauche du Parti socialiste, qui mettrait volontiers le Parti au service de la Confédération générale du travail.

On pourrait pousser plus loin ce parallèle des tendances qui existent, à l'égard du mouvement syndical, dans une fraction du Parti socialiste et chez certains anarchistes. Il suffira de noter en terminant qu'actuellement on cherche, de l'un et l'autre côté, à influencer le mouvement syndical, soit en s'imposant à lui, soit en s'offrant à le servir.

E. Relations syndicales internationales. Nous avons exposé' pourquoi la Confédération générale du travail s'était abstenue de se faire représenter à la Conférence tenue en juin 1905 à Amsterdam par les organisations centrales nationales affiliées au Secrétariat syndical international elle avait vainement essayé de faire inscrire à l'ordre du jour la discussion de la grève générale et de l'antimilitarisme. En 1906 le comité confédéral a fait approuver par le Congrès

1. Chronique des questions ouvrières (1905), Annales, 15 mars 1906.

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