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nales, il en montre la diffusion. Il apporte seulement un esprit nouveau, qui est fait du désir sincère de résoudre ces problèmes nationaux pour s'attacher désormais aux questions économiques et sociales.

(A suivre).

GABRIEL LOUIS-JARAY.

LA DÉFENSE DE LA

SANTÉ PUBLIQUE

L'orgueil de ses œuvres est l'un des caractères distinctifs de notre pays et de notre temps. Et si ce sentiment comporte, en beaucoup de choses, une part très regrettable et très dangereuse d'illusions, il paraît assurément légitime, autant que l'orgueil peut l'être, dans ce grand domaine social, où un grand courant d'humanité soulève et imprègne tout.

C'est parmi les alluvions, chaque jour plus fécondes de ce courant, qu'il faut placer les mesures destinées à préserver et à défendre la santé publique. On peut même dire qu'elles en constituent l'élément le plus original et le plus nouveau. Nos générations n'ont inventé ni la prévoyance ni l'assistance, et la solidarité n'est, à regarder de près, que la formule nouvelle d'un principe ancien. Dès les premiers temps du christianisme, le monde avait connu les droits imprescriptibles et « l'éminente dignité » de la souffrance, de l'infirmité, de la vieillesse, l'obligation du secours, le respect de la vie et de la personne humaine, les préceptes d'aide mutuelle et de mutuel amour. Les réalisations imparfaites au cours des siècles plus rudimentaires que le nôtre, l'obstination des égoïsmes tissant peu à peu un linceul d'oubli sur ces grandes vérités, donnent aujourd'hui quelque gloire à l'effort contemporain de la supériorité de ses procédés et de la générosité de ses tendances. Mais, en réalité, il reprend avec plus de force une tradition qu'il n'a pas créée, et la noblesse de son geste, comme l'honneur de son attitude vient de ce qu'il cultive et non de ce qu'il sème.

L'hygiène publique, au contraire, est comme une révélation. Certes, la science médicale ne date pas d'hier; et, pour énoncer la proposition dans son ordre logique, sans la colorer d'un paradoxe, c'est sans doute le premier malade qui engendra le premier médecin. L'art de guérir remonte avec, hélas! beaucoup plus d'imperfections,

à l'expérience de souffrir. Mais la médecine n'est pas plus l'hygiène que le châtiment n'est la conscience. L'une essaye de réparer, l'autre de prévenir; l'une est individuelle, l'autre, même individualisée dans certaines de ses applications, est générale; l'une opère suivant les heures et les besoins, l'essence de l'autre est de demeurer; l'une est, avant tout, une action, l'autre, jusque dans l'action et pour agir, doit rester une ambiance. On aperçoit ainsi dans la première, une vertu personnelle et privée, tandis que se découvre dans la seconde une véritable portée sociale. Le lien qui rapproche indubitablement ces deux ordres de savoir et d'activité, n'est ni de similitude ni de ressemblance; il est seulement de généalogie; et si les combinaisons scientifiques des hygiénistes proviennent dans une large mesure des laboratoires médicaux, leur utilité est précisément de réduire au minimum le rôle direct des médecins.

L'hygiène, ainsi définie, n'a pu naître que le jour où le progrès des recherches et des découvertes a fait des maladies, des forces de destruction tangibles et déterminées, et en quelque sorte, des êtres mauvais et malfaisants, des ennemis concrets et objectifs du genre humain. C'est ce qui explique, qu'à ce premier point de vue, l'hygiène soit un fait nouveau. Mais, en même temps, contre ces légions dont les effectifs sont dénombrés, dont les armes sont connues, dont les ruses d'attaque et de combat sont éventées, on s'est mis à dresser des plans de bataille et des remparts de sûreté. Jadis on soignait des malades; désormais on peut organiser la défense des bien portants. Ainsi est apparu ce second aspect de l'hygiène, qui la caractérise et la distingue encore comme une nouveauté, d'être une action collective et presque un rouage public.

Or toute action collective est la conséquence ou la cause d'une intervention de l'État. Lorsqu'elle est organisée d'une façon normale et régulière, elle se traduit dans la loi ou en découle; elle nécessite des règlements ou y prend naissance. Du jour où la santé publique apparut plus nettement comme un bien national à défendre, et où furent mieux connus les moyens de la conserver, l'État devait donc s'en constituer le gardien vigilant. De même qu'il assurait déjà la sécurité, qu'il maintenait l'ordre, qu'il protégeait la liberté des citoyens, il entrait dans son rôle tutélaire de veiller sur elle. Un

nouveau domaine s'ajoutait à son domaine naturel d'activité et de contrôle, de sauvegarde et de progrès. Sans empiétements sur l'exercice légitime des droits privés, sans menaces à l'égard de ce qui constitue le patrimoine personnel de chacun, avec la prudence qu'impose en pareille matière une intervention encore inconnue et mmédiatement délicate, sa mission comme son devoir l'obligeaient d'y pénétrer. Il l'a fait.

Cette intervention de l'État, cependant, n'a été d'abord qu'indirecte ou partielle. Si relativement récente qu'elle soit, elle a procédé par degrés, faisant face aux nécessités les plus urgentes, abordant par les côtés les plus accessibles, s'infiltrant en un mot par les canaux multiples d'une législation éparse 1. On peut dire que lorsque la loi du 15 février 1902 a marqué et délimité, constitué et organisé, la défense collective de la santé publique, le champ si vaste dont l'État prenait ainsi possession officielle, était déjà envahi.

Les dispositions légales sur les établissements insalubres, les mesures de protection et de police des eaux minérales et des eaux potables, le régime si strict des sépultures, des inhumations et des cimetières, les règles imposées aux communes pour l'entretien de leurs rues, et notamment ce décret du 26 mars 1832 relatif à Paris et étendu à la plupart des grandes villes, les droits qu'il confère et les obligations qu'il impose, la procédure ouverte et les facilités données dans les campagnes pour le reboisement des terres arides et le desséchement des marais, forment déjà un ensemble respectable de prescriptions, dont les unes ont eu pour objet, et dont les autres ont au moins eu pour résultat d'améliorer l'hygiène urbaine et rurale. L'hygiène ouvrière à son tour a inspiré pour une bonne part les lois sur l'emploi des femmes et des mineurs dans les ateliers, sur la réduction des heures de travail, sur la protection de l'enfance abandonnée, sur les habitations à bon marché, sur le repos hebdomadaire; elle s'est encore affirmée d'une manière plus exclusive dans la législation des logements insalubres et dans celle qui vise précisément et nommément l'hygiène industrielle elle-même. Enfin, en établissant une police sanitaire des animaux et un service

1. On trouvera de très utiles aperçus et une sérieuse documentation sur ce sujet dans un intéressant ouvrage de M. Marcel Peschaud, De l'intervention de l'Etat en matière d'hygiène publique. Lamulle et Poisson, libraires-éditeurs, 1898.

des épizooties, en poursuivant la falsification des denrées alimentaires en général et de certaines d'entre elles en particulier, jusque dans la loi sur l'ivresse, le législateur a servi cette partie essentielle de l'hygiène privée et publique qu'est l'alimentation des familles et des individus. Et si dans les mailles de tant de dispositions diverses la santé nationale restait encore exposée, en dehors des accidents inėvitables, des surprises possibles et du fardeau éternel des misères et des maladies que notre nature périssable ne peut qu'alléger sans les vaincre, à trop de dangers et d'aléas, les pouvoirs de surveillance donnés à l'autorité administrative et plus particulièrement aux municipalités étaient là, s'ajoutant à l'action parfois incertaine et toujours limitée des lois.

Les prescriptions légales concernant l'exercice de la médecine et de la pharmacie, et notamment ce texte de 1892 où apparaît avec tant de force la préoccupation d'enrayer la marche des maladies contagieuses, avaient d'ailleurs déjà affirmé d'une façon plus décisive les principes de protection dont l'État entendait s'inspirer chaque jour davantage.

L'étude et l'examen de toutes ces mesures, plus ou moins efficaces, plus ou moins appliquées, l'histoire de leur naissance suivie souvent de celle de leur désuétude, la critique ou l'éloge, ne sauraient être contenus dans les bornes de ce travail. Mais il était nécessaire d'y faire allusion et d'en prendre acte, car elles indiquent avec les faces multiples du problème de l'hygiène collective l'égale multiplicité des formes de l'intervention de l'État. Les unes, abrogées par la loi nouvelle du 15 février 1902 et les règlements qui s'y rattachent, les autres maintenues et conservées à côté d'elle, forment soit la préface nécessaire, soit l'encadrement logique et le complément approprié à des besoins spéciaux et à des circonstances déterminées, de l'organisation d'ensemble instituée par cette loi, pour défendre du mieux possible, directement cette fois et explicitement, la santé française. Quelle est cette organisation? Quel est son fonctionnement?

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Dans un pays où les esprits sont si riches en idées, et la politique surabondante en ministres, on ne s'étonnera pas que la pensée de

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