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parti chrétien-social a-t-il pu lancer un appel aux électeurs, intitulé compromis électoral des partis antisémites », où l'on lit : « les partis antisémites se sont unis sur toute la ligne. L'atout, c'est être antisémite ».

Ceux qui représentent vraiment le pangermaniste dans la pureté de sa doctrine et sa violence originelle, ce sont les amis du chevalier de Schönerer ils apparaissent dans la nouvelle chambre comme une survivance et un corps sans âme. Malgré l'appel électoral du parti brûlant d'ardeur contre les juifs, le cléricalisme, la Hongrie, la réforme électorale, les socialistes judaïsants, proclamant « le combat contre tous », le fief électoral de Schönerer lui a été infidèle; ses lieutenants se déclarent indépendants, comme s'ils rougissaient de leur chef; c'est tout juste si l'on compte 3 députés qui avouent appartenir à la « tendance Schönerer ».

Nous assistons ainsi à une répétition de ce qui se passa en 1880 et les années suivantes : Le comte Taaffe avait publié ses premières ordonnances sur les langues défavorables aux Allemands; un mouvement radical national grandit en Bohême; les Schönerer et les Wolf de l'époque s'appelaient le Dr Knotz et autres; puis la colère tomba, l'effervescence diminua et l'opinion publique revint aux partis nationaux modérés. Aujourd'hui c'est à l'existence du suffrage universel qu'il faut attribuer en grande part cet apaisement des préoccupations nouvelles ont porté sur un autre plan les luttes électorales.

Mais de ce que les conflits sociaux ont servi de dérivatif aux batailles de races, de ce que les fractions ultra-nationalistes se sont heurtées dans presque toute l'Autriche à l'insuccès, il serait inexact d'en déduire des conclusions exagérées : nous n'assistons pas à la faillite ou même seulement à la décadence ou à l'affaiblissement des préoccupations nationales en Autriche. Nous assistons seulement à la défaite des partis qui faisaient du nationalisme exaspéré et tapageur un tremplin pour la conquête des mandats. L'échec de cette démagogie, le recul des fractions ultra-nationalistes laisse plus vigoureuse, plus vivante que jamais l'idée nationale. En tout domaine on

doit lui faire sa part; elle s'immisce dans tous les partis. Nous avons relevé plus haut la naissance d'un groupe sionniste ou juif-national. Un autre fait prouve plus clairement encore la force croissante de l'idée de race: nous voulons parler du programme délibérement nationaliste qu'ont adopté les fractions du socialisme autrichien. Jusqu'à présent, la social-démocratie avait constitué une organisation fondée sur l'autonomie des groupes nationaux; elle avait admis théoriquement, tout comme la constitution autrichienne, l'égalité des langues et des peuples. Il fallait attendre l'épreuve de la pratique pour voir ce que l'on tirerait de cette formule et si même on chercherait à en tirer quelque chose. On se demandait si, après cette concession faite à l'esprit du temps, les fractions socialistes se désintéresseraient en fait ou non des questions nationales. Les élections de 1907 nous fournissent une réponse décisive.

Le port de Trieste n'est représenté au Parlement que par des socia listes. Ceux-ci constituent la fraction italienne de la social-démocratie d'Autriche. Aussitôt élu, l'un d'eux, au nom de ses collègues, expose que c'est à eux à s'occuper maintenant des questions nationales, que les partis bourgeois considéraient comme leur étant réservées. Aussi réclame-t-il l'érection d'une faculté de droit italienne à Trieste, la reconnaissance des diplômes délivrés en Italie comme mesure transitoire jusqu'à la création d'une université complète, l'établissement d'écoles réales italiennes, l'abandon des mesures de police prises contre l'organisation des fêtes de Garibaldi « le héros national, dont le ministre de l'intérieur ne se souvient que comme ayant battu les troupes autrichiennes, il y a cinquante ans1».

Bien plus significatif encore est le manifeste que les socialistes tchèques ont publié entre les deux tours de scrutin. Nous en traduisons un passage vraiment suggestif : « Nous nous employerons, pour que notre nation reçoive des écoles publiques partout, même dans les territoires où plusieurs langues sont en usage, pour que nos écoles soient complétées par l'établissement des nouvelles écoles nécessaires et spécialement par l'érection d'écoles techniques et d'écoles moyennes, comme aussi d'une seconde université tchèque en Moravie. Comme fils de la nation tchéquo-slave, nous mettrons tous nos

1. Discours du député Pittoni à la Chambre des députés, le 29 juillet 1907.

efforts, à ce que l'on reconnaisse partout à notre langue maternelle le droit qui lui appartient et à ce qu'elle soit admise enfin non seulement dans le parlement, mais aussi comme langue de service intérieur. Nous sommes remplis de la conviction joyeuse que dans le parlement, dans lequel nous entrons et qui sera, comme nous l'espérons, un parlement constituant, nous pourrons marcher avec succès en union avec la social-démocratie des autres nations d'Autriche, de telle sorte que cet empire soit transformé en une fédération de libres nations, et qu'enfin notre nation, comme les autres nations opprimées d'Autriche, jouisse de tout son droit. >>

Ainsi les socialistes tchèques reprennent à leur compte toutes les exigences nationales élevées jusqu'à ce jour par les partis bourgeois admission de la langue tchèque dans le service intérieur, insertion dans le procès-verbal des discours tenus en tchèque au Reichsrat, création d'une seconde université et d'écoles publiques partout où la langue tchèque est en usage. On comprend qu'une telle déclaration ait détrompé amèrement ceux qui s'imaginaient que les questions nationales allaient passer tout à fait à l'arrièreplan; sinon disparaître, avec le triomphe des socialistes. C'était mal connaître les socialistes tchèques ils prétendent résoudre ces questions sans tapage, par l'entente avec les autres fractions socialistes, avec le désir non d'en jouer, mais d'arriver à un modus vivendi acceptable. C'est précisément parce qu'ils sentent combien vigoureuses et vivantes sont ces préoccupations nationales, qu'ils y sacrifient.

Qu'est-il donc advenu du grand espoir mis dans le suffrage universel, et de son œuvre pacificatrice? les prévisions raisonnables ont été remplies; nul ne pouvait s'illusionner et croire que les conflits du dernier quart de siècle étaient artificiels; ce sont des sentiments profonds et des désirs indéracinables que les partis politiques ont exploités, exaspérés et finalement conduits sur la voie du bouleversement de l'État. Le suffrage universel fait la part des revendications essentielles et de l'agitation passagère, due aux hommes et aux circonstances. Il peut favoriser l'entente entre les nations d'Autriche et c'est tout ce que l'on peut souhaiter. Mais loin d'indiquer un renoncement aux idées natio

A. TOME XXIII. 1908.

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nales, il en montre la diffusion. I apporte seulement un esprit nouveau, qui est fait du désir sincère de résoudre ces problèmes nationaux pour s'attacher désormais aux questions économiques et sociales.

(A suivre).

GABRIEL LOUIS-JARAY.

LA DÉFENSE DE LA SANTÉ PUBLIQUE

L'orgueil de ses œuvres est l'un des caractères distinctifs de notre pays et de notre temps. Et si ce sentiment comporte, en beaucoup de choses, une part très regrettable et très dangereuse d'illusions, il paraît assurément légitime, autant que l'orgueil peut l'être, dans ce grand domaine social, où un grand courant d'humanité soulève et imprègne tout.

C'est parmi les alluvions, chaque jour plus fécondes de ce courant, qu'il faut placer les mesures destinées à préserver et à défendre la santé publique. On peut même dire qu'elles en constituent l'élément le plus original et le plus nouveau. Nos générations n'ont inventé ni la prévoyance ni l'assistance, et la solidarité n'est, à regarder de près, que la formule nouvelle d'un principe ancien. Dès les premiers temps du christianisme, le monde avait connu les droits imprescriptibles et « l'éminente dignité » de la souffrance, de l'infirmité, de la vieillesse, l'obligation du secours, le respect de la vie et de la personne humaine, les préceptes d'aide mutuelle et de mutuel amour. Les réalisations imparfaites au cours des siècles plus rudimentaires que le nôtre, l'obstination des égoïsmes tissant peu à peu un linceul d'oubli sur ces grandes vérités, donnent aujourd'hui quelque gloire à l'effort contemporain de la supériorité de ses procédés et de la générosité de ses tendances. Mais, en réalité, il reprend avec plus de force une tradition qu'il n'a pas créée, et la noblesse de son geste, comme l'honneur de son attitude vient de ce qu'il cultive et non de ce qu'il sème.

L'hygiène publique, au contraire, est comme une révélation. Certes, la science médicale ne date pas d'hier; et, pour énoncer la proposition dans son ordre logique, sans la colorer d'un paradoxe, c'est sans doute le premier malade qui engendra le premier médecin. L'art de guérir remonte avec, hélas! beaucoup plus d'imperfections,

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