Sivut kuvina
PDF
ePub

Angleterre où par tradition le speaker de la Chambre des Communes doit se renfermer dans l'exercice de ses attributions présidentielles et y apporter l'esprit d'un juge non celui d'un homme politique. Elle a atteint au contraire son apogée aux États-Unis d'Amérique où le speaker de la Chambre des Représentants, par son action sur les comités du Congrès, est devenu le chef de ce gouvernement par le Congrès que l'on a appelé gouvernement congressionnel. Entre ces deux extrêmes, les présidents des assemblées européennes ont à jouer un rôle politique qui sans être prépondérant reste néanmoins important. Ce sont en réalité des chefs de partis qui, grâce à l'influence dont ils disposent dans leur parti, continuent à inspirer au moins officieusement ses résolutions et qui sont tout indiqués pour occuper, le cas échéant, la fonction plus active de chef du gouvernement.

Les présidents d'assemblées sont appelés à jouer d'autre part un rôle de plus en plus important dans le fonctionnement des assemblées législatives et la tenue de leurs séances. A mesure que ces séances se passionnent à raison même de leur répercussion sur la vie politique du pays, l'action du président qui, aux jours de tumulte, réprime les désordres et fait cesser les troubles, devient plus étendue. De la confiance qu'une assemblée possède en son président et des pouvoirs qu'elle ne craint pas de lui conférer peut seul résulter le maintien de l'ordre en son sein. Le temps est passé, où, dans une assemblée calme et paisible que les grandes passions n'agitaient pás, la majorité pouvait se réserver à elle-même d'exercer le pouvoir disciplinaire, laissant seulement à son président le souci matériel de la direction des débats. Le temps est passa aussi des règlements bénévoles et des peines anodines en présence des luttes ardentes soulevées dans certaines assemblées par les conflits de nationalités et dans d'autres par l'avènement de couches démocratiques plus impatientes dans leurs désirs et plus vives dans leurs manifestations. Pour faire face à l'obstruction qui s'est manifestée dans diverses assemblées, pour réprimer les grandes manifestations qui risquent de fausser le mécanisme de la vie parlementaire, un pouvoir disciplinaire étendu et sa concentration entre les mains du président de l'assemblée s'imposent comme une nécessité même de la vie parlementaire moderne. Cette nécessité a été sentie

dans la plupart des pays qui possèdent des assemblées représentatives et lorsque l'inefficacité du règlement de ces assemblées a été démontrée par des troubles que les présidents ont été impuissants à prévenir, on s'est décidé à renforcer leur autorité et à leur confier des armes nouvelles. Le même phénomène s'est produit à peu près à la même époque dans différents pays du continent européen, en France, en Belgique, en Allemagne, en Italie. La traditionnelle Angleterre elle-même, qui était fière de voir sa Chambre des Communes dominée et conduite par la seule autorité morale de son speaker, s'est résignée dans ces derniers temps, en présence des actes de rébellion que l'obstruction irlandaise a provoqués, à conférer au speaker des pouvoirs étendus qui ne le cèdent en rien. à ceux des présidents des assemblées européennes. Ainsi donc les désordres qui sont venus discréditer parfois les assemblées politiques modernes ont contribué à établir au contraire le crédit de leurs présidents en faisant renforcer leurs pouvoirs.

Si le développement de la vie politique a amené à peu près partout un développement corrélatif du rôle des présidents d'assemblées, l'importance de ce rôle est apparue en même temps que les assemblées législatives elles-mêmes. L'influence que peut avoir sur leurs délibérations l'homme qui est chargé de présider leurs séances est trop évidente pour qu'il soit nécessaire d'y insister longuement. Le président, chargé de maintenir l'ordre dans les débats, est seul juge du point de savoir si cel ordre est troublé par les membres du parlement et s'il doit prononcer contre eux le rappel à l'ordre; il peut gêner un orateur antipathique en usant de son droit avec sévérité ou au contraire encourager un orateur sympathique en négligeant de s'en servir. Ainsi en est-il, à plus forte raison, pour l'exercice du pouvoir disciplinaire que le président peut posséder, d'après le règlement de l'assemblée, et l'application des pénalités prévues par ce règlement. Cette application suppose toujours une part d'arbitraire et d'appréciation personnelle et, par la façon dont il la pratique, le président exerce sur les débats la plus certaine des influences. C'est souvent de la manière dont il préside que dépend le sort de la séance et lorsque de ce sort dépend celui d'un cabinet responsable devant les chambres, il n'est pas exagéré de dire que les ministres euxmêmes sont subordonnés au président de l'assemblée.

Mais en outre, les présidents d'assemblées exercent dans la plupart des pays une influence plus ou moins étendue sur la tenue des séances et la marche des travaux législatifs. Chargés d'ouvrir et de lever les séances, de les suspendre en cas de tumulte, associés par le règlement au mécanisme de la question préalable et de la clôture, tenus de faire rentrer les orateurs dans l'objet de la discussion', ils peuvent, par la façon dont ils s'acquittent de leur mission, imprimer une impulsion au parlement et peser sur ses décisions. Enfin, dans les pays où le président règle à peu près souverainement l'ordre du jour de l'assemblée 2, c'est de lui que dépend en grande partie le mouvement législatif et l'activité d'une législature. Dans les pays qui, comme la France, font régler l'ordre du jour par l'assemblée elle-même en ne donnant au président qu'un droit de proposition, son action sur la marche des travaux législatifs est moins considérable. Mais il conserve le droit de déterminer, lors de la mise aux voix des différents amendements, l'ordre à adopter entre eux et par là il exerce sur leur adoption une influence incontestable.

I

Si telle est l'importance des fonctions des présidents d'assemblées, il n'est pas étonnant de voir une lutte s'engager autour du fauteuil présidentiel et pour sa conquête. Cette lutte, aujourd'hui où, dans presque tous les pays, les assemblées représentatives possèdent le droit de nommer elles-mêmes leur président, n'intéresse plus guère que les partis politiques. Mais pendant longtemps il n'en a pas ainsi et la lutte pour la conquête du fauteuil présidentiel a été engagée entre le parlement lui-même et le pouvoir exécutif. L'intérêt du gouvernement à avoir à la présidence du parlement un homme choisi par lui, qui le soutiendra dans les discussions et défendra ses

été

1. Il suffit d'avoir assisté à une séance de la Chambre française où l'on discute la fixation de la date d'une interpellation pour se rendre compte de l'influence que le président pent exercer à ce point de vue sur le débat. Il a toujours une certaine peine à faire rentrer l'interpellateur dans la question en discussion, qui est uniquement celle de la date, et il est incontestable que sa tolérance ou sa faiblesse peut permettre la discussion au fond.

2. Notamment aux Etats-Unis où le speaker de la Chambre des Représentants préside le comité des règlements qui fixe officieusement l'ordre du jour de l'assemblée.

projets, est trop évident; c'est un moyen, à peine déguisé, d'exercer une action sur le parlement et une pression sur ses délibérations. Par là, le droit du pouvoir exécutif de nommer les présidents d'assemblées apparaît comme un véritable empiétement sur les prérogatives des assemblées législatives et une méconnaissance de l'indépendance qui doit être la leur. En pratique il convient cependant de faire quelques distinctions. Quand il s'agit d'assemblées qui émanent du suffrage populaire, direct ou indirect, universel en restreint, le droit du pouvoir exécutif de nommer lui-même aux fonctions présidentielles constitue une véritable anomalie en contradiction avec le principe même du recrutement de ces assemblées. Au contraire, lorsqu'on est en présence d'assemblées non électives, dont les membres tiennent leurs fonctions du souverain ou d'un principe héréditaire et représentent une classe de la nation plutôt que la nation elle-même, on ne saurait s'étonner de voir le droit de nommer le. président de l'assemblée aux mains du souverain. Cela est conforme à l'esprit même de l'institution et en fait cela se rencontre dans beaucoup de pays où les assemblées électives possèdent pourtant le droit de nommer leur président.

Il est exceptionnel aujourd'hui de voir les présidents des chambres basses désignés par le chef du pouvoir exécutif. Ce droit de nomination ne s'est maintenu au profit du souverain que dans des pays d'importance secondaire, où la vie politique est peu développée, la Hollande, le Portugal, la Suède1. Mais l'histoire nous offre des exemples de présidences non électives d'assemblées électives dans un grand pays, comme la France, qui a connu, à côté des périodes de liberté, des périodes de compression politique. Aux époques où le pouvoir exécutif a revêtu une allure autoritaire, le droit de nommer les présidents des assemblées législatives a été pour le souverain un

1. En Hollande, le président de la seconde chambre des États généraux est nommé par le roi sur une liste de trois canditats présentés par la Chambre (Constitution du 30 novembre 1887, art. 88). En Portugal, d'après l'art. 21 de la charte constitutionnelle, le président de la Chambre des députés est nommé par le roi sur une liste de présentation de cinq membres. En Suède, le président de la seconde chambre du Riksdag est nommé par le roi sans autre condition que d'être pris parmi les députés (Loi organique du 22 juin 1866, art. 33).

moyen de presser sur ces assemblées et par là un instrument de règne très efficace. Les constitutions du premier et du second Empire, l'avaient réservé à l'empereur qui, sous les deux régimes, s'en servit très habilement pour diriger le Corps législatif. A une époque où un pouvoir exécutif moins autoritaire prétendait pourtant posséder seul la souveraineté, sous la Restauration, le monarque a possédé également de droit de nommer le président de la Chambre des députés. Mais la charte de 1814 faisait coopérer à cette nomination l'assemblée elle-même en lui conférant le droit de présenter au roi une liste de candidats sur laquelle il devait choisir le président. Ce droit de présentation, bien qu'il fût loin d'équivaloir à une élection, a suffi pourtant à transformer le caractère des présidents et à leur donner un tout autre esprit que celui dont la théorie littérale de la charte aurait dú, semble-t-il, les animer.

Sous le premier Empire, la présidence subit l'éclipse de toutes les institutions représentatives. Nommés par l'empereur sur une présentation faite par l'assemblée qui fut d'ailleurs supprimée par le sénatus-consulte du 17 novembre 1813, les présidents du Corps législatif, inoccupés comme le corps lui-même, avaient pour principale fonction de faire connaître à l'assemblée les désirs du souverain et de faire son éloge au fauteuil présidentiel. La direction des débats d'une assemblée, où l'ordre n'était jamais troublé, où le droit de parole était d'ailleurs strictement réglementé et dont les membres votaient sans discussion les projets qui leur étaient présentés au nom du gouvernement, ne pouvait être pour ses présidents une charge pénible. C'étaient en réalité des courtisans, agents de l'empereur, qui avaient pour mission de prévenir les moindres tentatives de résistance du Corps législatif. Ce fut ainsi d'ailleurs que les titulaires de la présidence comprirent leur rôle. Successivement, Fontanes, le comte de Montesquiou, et le duc de Massa rivalisèrent de zèle officiel et donnèrent au Corps législatif l'exemple de la soumission aux volontés du maître de qui tout émanait.

Sous la Restauration, les institutions prennent un autre caractère et la présidence de la Chambre des députés subit le contrecoup des transformations politiques. Officiellement le roi seul est souverain et la charte qu'il a octroyée à son peuple est la seule base des droits de la nation. La Chambre des députés n'exerce ses fonc

« EdellinenJatka »