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répartition des membres du Congrès entre les comités, qui suit immédiatement la première réunion d'un Congrès nouveau, constitue une des attributions les plus délicates du speaker. Il y apporte toute son attention, car c'est d'elle que dépendra la politique du Congrès. C'est en même temps une des plus difficiles à exercer, car le speaker doit y tenir compte des considérations les plus diverses. Il peut et il doit même assurer, dans chaque comité, la majorité au parti dont il est le représentant, mais il doit cependant se préoccuper de donner à la minorité une représentation équitable et en fait il faut reconnaître que les speakers n'ont pas cherché à abuser de leurs pouvoirs pour exclure la minorité des comités. Par leur action sur la majorité, ils n'en sont pas moins les directeurs et les inspirateurs des comités dont le président et les membres leur restent attachés par la reconnaissance et par l'intérêt. Or, les comités sont eux-mêmes les organes directeurs du Congrès qui, pressé par le temps et incapable de suffire à sa tâche, leur a délégué en fait ses attributions. Les séances du Congrès sont devenues des séances d'enregistrement où la discussion est à peu près impossible et c'est au sein des comités, dans le mystère et le secret de leurs salles de réunion, que les lois se font et se défont. C'est là également que le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif se trouvent en contact dans des rapports extra-constitutionnels qui ont permis à la machine politique de fonctionner sans grincements. C'est par l'intermédiaire des comités que les ministres ont pu agir sur le Congrès et surtout que le Congrès a pu faire sentir son action au gouvernement en empiétant même sur ses attributions. Par leurs droits, en matière législative et en matière financière, les comités sont devenus, pour le pouvoir exécutif, des contrôleurs qui ont souvent revêtu l'allure de maîtres et le speaker, chef des comités, un rival avec lequel le président de l'Union doit compter et qui peut le tenir en échec.

Le système se complète par l'intervention du Comité des règlements dont le speaker est le président et l'inspirateur. Ce comité, qui comprend cinq membres nommés par le speaker, a pour rôle officiel comme son nom l'indique, de formuler et de reviser les règlements permanents de l'assemblée. Mais il s'est attribué de bonne heure un contrôle sur la présentation des « bills » et sur l'ordre des affaires, et en 1890, sous le premier speakership de Reed, cette pratique a été

consacrée et réglementée. Actuellement c'est le Comité des règlements et en fait le speaker, son président, qui fixe officieusement l'ordre du jour de l'assemblée. De la sorte, le comité peut empêcher la mise en discussion des bills auxquels il est hostile. Il peut au contraire faciliter le vote d'autres propositions en leur assurant un tour de faveur. Par l'intermédiaire du Comité des règlements, le speaker règle en somme le travail législatif de la Chambre.

Là ne s'arrête pas son action, et les droits que la pratique parlementaire lui reconnait dans la direction des débats lui permettent de seconder très efficacement l'action des comités en entravant celle des membres indépendants de la Chambre. C'est une tâche à peu près impossible, pour un membre du Congrès qui n'est pas embrigadé dans les comités, que d'arriver à faire voter un bill ou même de l'amener en discussion. Un auteur américain, M. Wilson, a décrit de façon pittoresque les étonnements d'un nouveau membre du Congrès qui essaie d'obtenir la parole pour déposer une proposition et qui se la voit refuser impitoyablement par le speaker. C'est que le speaker, chargé d'accorder la parole d'après l'ordre des demandes faites en séance, ne l'accorde en fait qu'après avoir « reconnu » les députés qui la demandent. Or ce droit de reconnaissance, il l'exerce quasi-souverainement, souvent tyranniquement, et toujours dans un intérêt politique. Il s'en sert pour faire sentir son action sur la présentation des bills et sur leur discussion. Grâce à lui, il pourra écarter de prime abord des bills sans valeur ou qui lui sont désagréables; il pourra aussi empêcher de venir en discussion des bills. qui n'auront pas obtenu l'assentiment du comité des règlements. S'il en est ainsi, le plus sûr moyen, pour un député qui veut obtenir la parole pour la présentation ou la discussion d'un bill, est de traiter avec le président ou le rapporteur du Comité compétent et d'informer de cette entente le speaker en se faisant présenter à lui. Alors seulement, il aura quelque chance d'obtenir « la reconnaissance » le jour de la séance du Congrès. De la sorte, le speaker peut, de son fauteuil, diriger la Chambre dans la voie tracée par le Comité des règle

ments.

Il le peut d'autant plus qu'il a conservé tous ses droits individuels

1. Wilson, Gouvernement congressionnel, éd. franç., p. 73 et suiv.

de membre de la Chambre qui lui permettent, le cas échéant, de faire preuve d'initiative. Le speaker peut, comme tout député, se mêler à la discussion et prononcer à la Chambre des discours politiques. Il peut aussi et surtout déposer des propositions et des amendements, et de la sorte il est en mesure d'inspirer le travail législatif de la Chambre. Certains auteurs 'l'ont comparé, pour cette raison, au premier ministre anglais et voudraient lui voir jouer de plus en plus le rôle d'un « premier » chargé d'élaborer un programme législatif et d'en poursuivre la réalisation. Certains speakers ont compris d'ailleurs eux-mêmes leur rôle de cette façon Reed était le véritable auteur des bills qui furent votés, sous son speakership, par les législatures républicaines. L'analogie ne doit pourtant pas être poussée trop loin. La partie exécutive des pouvoirs du premier anglais n'est pas accessible au speaker, et quant à la partie législative, il y a loin encore de l'inspiration officieuse du speaker à la direction officielle. d'un chef de cabinet responsable. Le speaker n'en retire pas moins une influence qui fait de lui le second personnage des États-Unis et peut-être le premier en pouvoir effectif.

Les présidents des assemblées françaises réalisent un type intermédiaire entre celui du speaker anglais et celui du speaker américain. Ce type n'a été emprunté ni à l'Angleterre ni aux États-Unis; il est fait des souvenirs et des traditions des présidences de nos différentes assemblées. C'est surtout à la présidence de la Chambre des députés sous la monarchie de 'juillet que doit la présidence de la Chambre des députés et du Sénat, et le président Dupin est le véritable prédécesseur de nos présidents actuels. C'est à lui que revient l'honneur d'avoir donné à la fonction tout l'éclat qu'elle doit comporter et d'en avoir établi les véritables traditions. Élu par la Chambre pour une session, d'après la charte de 1830, réélu en fait pendant près de dix ans, de 1832 à 1840, il s'est constamment posé en défenseur des droits et des prérogatives de la Chambre et, à la

1. M. Bushnell Hart, The speaker as premier, dans Practical Essays on American government. New-York, 1893.

fois par tempérament et par convictions politiques, il a exalté la présidence dont il a fait la représentation matérielle et vivante de l'assemblée. En même temps, Dupin s'est attaché à réaliser le type du président parlementaire qui avait déjà été ébauché sous la Restauration, guidant la Chambre dans ses travaux, mettant de l'ordre dans les discussions avec un talent supérieur de directeur des débats, faisant respecter par tous la loi parlementaire avec toute l'impartialité dont un caractère vif et ombrageux le rendait capable et dominant du reste l'assemblée par le respect qu'imposaient ses qualités et la crainte qu'inspiraient ses défauts. Après lui, la présidence devait perdre de son prestige avec M. Sauzet, homme droit et consciencieux mais qui ne possédait pas une complète aptitude à la présidence et qui jouit d'une autorité bien inférieure à celle de son prédécesseur. Mais les traits caractéristiques de la fonction étaient dessinés et Dupin lui-même lui redonna un éclat nouveau lorsque, porté au fauteuil présidentiel de l'Assemblée législative de 1849, il sut dominer une assemblée beaucoup plus nombreuse que ses devancières et maîtriser une extrême-gauche socialiste turbulente et indisciplinée.

Après le second Empire, où la présidence devait revêtir un tout autre caractère, les traditions parlementaires reparaissent à l'assemblée nationale de 1871. L'assemblée d'un élan unanime porta à la présidence M. Grévy qui devait se faire remarquer par la gravité, l'impassibilité et l'impartialité avec lesquelles il allait remplir ses fonctions. M. Grévy n'en devait pas moins être victime du changement qui se produisit en 1873 dans l'orientation politique de l'assemblée et dut donner une démission qu'il avait jugée imposée par les circonstances. Il fut remplacé par M. Buffet qui présida à la discussion et au vote des lois constitutionnelles de 1875.

D'après l'article 11 de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1873, les présidents de la Chambre des députés et du Sénat sont élus au commencement de chaque année pour la session ordinaire et pour toute session extraordinaire qui aurait lieu dans le courant de l'année. Les présidents de nos Chambres restent ainsi en fonctions un an au minimum, et en fait ils sont généralement réélus et président pendant plusieurs années consécutives. Ils ne sont pas à l'abri des vicissitudes politiques et indépendants des changements de

majorités. On a vu des présidents auxquels la Chambre n'avait, au point de vue professionnel, aucun reproche à adresser, remplacés dans leurs fonctions parce que leur nuance politique ne correspondait plus aux tendances de la majorité. Cela pourtant n'est pas fatal et l'histoire parlementaire de la troisième République nous offre également l'exemple de présidents maintenus à la tête d'une assemblée dont au point de vue politique ils ne représentaient pas absolument la nuance.

La loi constitutionnelle de 1875 ne dit pas d'après quel mode de scrutin doit avoir lieu l'élection du président. Le règlement des deux assemblées a tranché la question en faveur du scrutin secret qui a été du reste la règle de toutes nos assemblées délibérantes lorsqu'il s'est agi de questions de personnes. Pourtant dans ces derniers temps, la Chambre des députés a été le théâtre d'une campagne menée en faveur du scrutin public, et des propositions ont été déposées tendant à la modification en ce sens du règlement de la Chambre1. On a fait valoir en faveur du scrutin public qu'il était seul conforme à la dignité de l'assemblée, qu'il permettait seul le maintien des groupements parlementaires que des raisons personnelles ou des intrigues de couloir ont trop beau jeu pour défaire quand le vote est secret. On a répondu à juste titre que l'élection du président de la Chambre n'avait pas en elle-même le caractère de manifestation politique, que d'ailleurs dans la mesure où les circonstances le lui attribuaient souvent, le scrutin secret était nécessaire pour dégager en toute sincérité la véritable opinion de l'assemblée. Il n'est pas besoin du reste d'insister longuement sur tous les inconvénients que présenterait en cette matière le scrutin public et la transformation qu'il pourrait amener dans le caractère de la fonetion.

Actuellement ce caractère comporte des traits qui le rapprochent du speakership anglais et d'autres qui rappellent le speakership américain. Au premier abord, les présidents de nos deux Chambres ressemblent beaucoup au speaker anglais. Ils sont, il est vrai, élus par un parti, mais, au fauteuil présidentiel, ils ont pour devoir l'impartialité dans la direction des débats et ils deviennent en séance

1. V. la proposition François Fournier et Gouzy déposée le 2 février 1905, et le rapport de M. Dauzon. Séance du 1 décembre 1905. Annexe 2 805.

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