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les arbitres des partis. Ils représentent l'assemblée entière et doivent parler en son nom et non pas au nom de leur parti. Ils cessent de participer aux votes de la Chambre et doivent s'abstenir de toute intervention dans les querelles de presse. Ils ne possèdent enfin aucuns des pouvoirs extraordinaires qui ont fait du speaker américain un chef politique d'une puissance considérable.

Mais la ressemblance avec le type anglais est toute superficielle et l'esprit de l'institution est complètement différent. Tandis que le speaker anglais exerce une véritable magistrature élevée au-dessus des partis, les présidents français restent au contraire des hommes. d'État et des personnages politiques. En dehors de la Chambre, ils ont le droit de conserver et d'exprimer leur opinion sur la marche des affaires publiques. Ils peuvent continuer à inspirer leur parti et s'ils n'ont pas le droit de parler en son nom du fauteuil présidentiel ils peuvent abandonner momentanément la présidence pour intervenir dans les débats de l'assemblée'. La pratique parlementaire leur reconnait même une prérogative qui les fait intervenir dans le domaine de la politique active. En cas de crise ministérielle, il est d'usage pour le président de la République de faire appeler le président du Sénat et le président de la Chambre des députés et de leur demander leur avis sur le choix du futur président du Conseil des ministres. Par là les présidents des Chambres sortent de leur rôle officiel pour devenir les conseillers du pouvoir exécutif et coopérer à la formation des ministères.

Enfin les présidents de nos assemblées, à la différence du speaker anglais, ne considèrent pas leurs fonctions comme le terme de leur carrière. Par le choix même dont ils ont été l'objet, ce sont des hommes politiques tout désignés pour prendre en mains la direction du gouvernement ou être investis le cas échéant, de la première magistrature du pays, la présidence de la République. L'histoire politique de la troisième République nous offrirait des exemples nombreux de présidents de la Chambre des députés ou du Sénat devenus chefs du cabinet ou présidents de la République. La fonc

1. Un président de la Chambre qui n'a pas été un des moindres titulaires du fauteuil présidentiel, Gambetta, a cumulé ainsi la qualité de président et celle d'orateur parlementaire. Le fameux discours en faveur du scrutin de liste a été prononcé par lui le 19 mai 1881, alors qu'il était président de la Chambre.

tion présidentielle est donc importante non seulement en elle-même mais par ce à quoi elle peut conduire. Les présidents de nos assemblées sont en somme des chefs de partis qui exercent temporairement une magistrature mais qui redeviendront le lendemain des hommes de partis et qui sont susceptibles d'être appelés à jouer un rôle actif dans les destinées du pays.

En présence de la variété des types présidentiels, correspondant à la variété des institutions politiques, une appréciation théorique et générale des diverses présidences serait aussi injuste que vaine. L'esprit politique du speakership américain est aussi remarquable et aussi nécessaire en soi que l'esprit impartial du speakership anglais. Ce qu'il importe de comprendre, c'est que le caractère de chaque présidence liée à l'ensemble des institutions politiques du pays ne saurait servir de modèle pour les pays voisins. Il y aurait par exemple dommage pour la France à introduire au milieu des institutions parlementaires importées d'Angleterre le caractère politique du speakership américain qui fait pièce avec le système américain de la séparation des pouvoirs. Cette seule conclusion donne quelque utilité, même au point de vue critique, à une étude sur la présidence des assemblées.

HENRI RIPERT.

ESSAI D'UNE ÉVALUATION DES REVENUS EN FRANCE'

Avant de chercher à individualiser, en quelque sorte, l'impôt en alteignant les revenus de chaque contribuable, il importerait peutêtre de rechercher s'il est possible d'évaluer le montant global des ressources individuelles et leur répartition suivant leur origine. Peu de questions sont cependant plus délicates à résoudre. M. Renoult, particulièrement bien placé pour obtenir tous les renseignements désirables, ne constate-t-il pas dans son rapport que « le ministère des Finances ne possède ni les éléments de calcul, ni les données statistiques qui seraient si utiles pour l'étude d'un projet d'impôt sur le revenu2 ».

Quelque imparfaites que soient les bases actuelles d'une évaluation, nous voudrions cependant essayer, dans cette étude, d'apprécier l'importance des diverses natures de ressources et, après avoir écarté autant que possible les doubles emplois, tenter de déduire le total du revenu national.

Les revenus peuvent être répartis en trois grandes catégories : intérêts des capitaux, rémunération du travail, et revenus mixtes, fruits de la collaboration de ces deux facteurs.

Les intérêts des capitaux se subdivisent en revenus immobiliers et revenus mobiliers.

Pour évaluer la rente foncière, l'enquête de 1892, en attendant les résultats de la nouvelle évaluation des propriétés non bâties, constitue le seul document relatif aux immeubles ruraux. Mais le revenu net de 2,368 millions assigné à ces biens par cette publication paraît, à l'heure actuelle, un maximum supérieur à la réalité.

1. Cet article est tiré d'un ouvrage sur la Richesse de la France: Fortunes et revenus privés, publié en collaboration avec M. Alex. de Lavergne et devant paraitre prochainement.

2. Ch. des Dép., 9° législature, 1907, n° 1053, p. 253.

En 1895, M. Coste ne l'estimait pas à plus de deux milliards'; c'est le même chiffre qu'arbitrait récemment, à la Chambre, le ministre des Finances. Pour obtenir le revenu brut, il faut ajouter à ces résultats l'impôt foncier, les frais généraux et les réparations supportés par les propriétaires. Mais ces dernières dépenses ont comme contre-partie les profits qu'en retirent les ouvriers et entrepreneurs. Aussi figureront-elles dans les autres natures de revenus et, pour éviter un double emploi, doivent-elles être négligées. Il suffit donc d'ajouter les 268 millions d'impôt foncier supporté par les propriétaires. La rente du sol peut être ainsi évaluée à environ deux milliards et demi.

Mais ce chiffre ne peut figurer intégralement dans le calcul des revenus des particuliers car il importe de tenir compte des immeubles détenus par les personnes morales. Il couvrent 12.10 p. 0/0 du territoire agricole et, en admettant que leur revenu brut se répartisse proportionnellement à leur valeur en capital, appréciée d'après le produit des droits de mainmorte, le produit annuel peut être réparti de la façon suivante, en millions:

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Pour obtenir le rendement réel des propriétés rurales apparlenant à des particuliers, il faudrait déduire les charges hypothécaires. Mais comme les intérêts de ces créances devraient figurer pour une somme égale dans les revenus des capitaux mobiliers, il paraît inutile d'en faire état dans une étude recherchant les ressources des particuliers, et il suffira de se rappeler que la rente du sol est majorée de ce fait de 4 à 500 millions et que les revenus mobiliers sont atténués d'une pareille somme. En résumé le produit

1. Procès-verbaux de la Commission extraparlementaire de l'impôt sur le revenu, p. 1077.

2. Ch. des Députés, séance du 11 février 1908, p. 295.

3. A. de Lavergne et L. Paul Henry, Les diverses méthodes d'évaluation de la fortune privée, Revue Politique et Parlementaire, t. XV, p. 371 et suiv.

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des biens fonciers appartenant à des particuliers représenterait 2.360 millions.

Pour la propriété bàtie, les rôles, tenus à jour par l'administration des contributions directes, permettent de connaître le montant de la valeur locative et du revenu net des immeubles de cette nature. Pour l'exercice 1906, la perception de la contribution foncière a donné les résultats suivants :

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Dans le désir de procurer des ressources au Trésor, l'administration surévalue plutôt les loyers des propriétés bâties, aussi le chiffre de 2,434 millions est-il un maximum. Comme pour les biens ruraux et pour les mêmes raisons, nous n'ajouterons à ce chiffre que les 182 millions et demi d'impôt foncier pour obtenir leur revenu brut. Le surplus représentera les non-valeurs, fréquentes pour les immeubles bâtis et les dépenses d'assurance, d'entretien et d'amortissement.

Mais d'après les résultats de la taxe de mainmorte, 8.11 p. 0/0 de la contribution des propriétés bâties sont acquittés par des personnes morales. Les revenus des maisons et usines n'entrent donc que jusqu'à concurrence de 91.89 p. 0/0 dans la composition des revenus individuels.

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Négligeant, pour les raisons déjà indiquées, les 244 millions de charges hypothécaires, le revenu des propriétés bàties semble donc devoir être arbitré en chiffres ronds de 2,350 à 2,400 millions.

En ajoutant les 191 millions représentant, d'après l'enquète de 1892, la valeur locative des bâtiments ruraux, la propriété immobilière produirait par an environ 4,950 millions. Cette évaluation

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