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frontière afghane à 200 milles au sud de Zutficar, enserrant la province de Kerman et le Seïstan. Le reste de l'empire est ouvert à la rivalité commerciale de l'Angleterre et de la Russie par l'article 3. Les articles 4 et 5 maintiennent les garanties affectées aux emprunts russe et anglais, subordonnant toute modification à une entente préalable des deux parties.

Ces stipulations ont causé une grosse émotion en Perse campagne de presse, manifestation à la Chambre. Le gouvernement a dû se dégager formellement de toute adhésion même tacite à l'accord. Cette explosion d'irritation ne saurait surprendre de la part d'un peuple qui, au sortir d'un engourdissement séculaire, manifeste une vitalité singulière et pousse l'exaltation de son nationalisme jusqu'à la xénophobie. Les Persans ne manquent pas de raisons pour soutenir qu'on a un peu trop négligé de les consulter. Susceptibilité parfaitement honorable à qui il ne manque, pour sembler légitime, que l'appui de quelques centaines de mille soldats. L'hommage platonique rendu à l'indépendance et à l'intégrité de la Perse corrige insuffisamment les libertés très grandes que l'Angleterre et la Russie prennent envers les droits souverains du Shah. Les allusions à la nécessité de «< maintenir l'ordre et la paix » sont trop nombreuses et précises pour ne pas laisser entrevoir des éventualités d'intervention dont le peuple persan a le droit de s'émouvoir. Peut-être aurait-il mieux à faire, pourtant, que de récriminer contre un état de choses dont il n'est pas entièrement irresponsable. Le véritable moyen de conjurer les risques de l'accord anglo-russe est d'adopter une politique d'ordre et de prudente réforme. Pas de troubles, pas de prétexte d'intervention. Les amis de la Perse la France s'honore d'être parmi les plus anciens et les plus désintéressés n'attendent pas moins de l'intelligence d'un peuple dont le passé est une promesse d'avenir.

La convention persane n'a provoqué et ne pouvait provoquer aucune protestation des tierces puissances. Leurs intérêts sont sauvegardés par le maintien de la « porte ouverte ». Pour le reste, elles ne sauraient méconnaître la valeur des titres invoqués par les deux contractants ni leur droit de régler à leur guise leurs propres affaires. Le mécontentement des Persans peut d'ailleurs offrir des occasions exceptionnellement favorables à celles dont

l'attention est attirée de ce côté. L'Allemagne s'en est déjà avisée. En Russie, l'opinion commence à peine à se dégager de l'hypnotisme de la crise intérieure et elle est restée à peu près indifférente. En Angleterre, l'accord a été soumis à une analyse plus sérieuse, en général approbative. Il y a eu pourtant des réserves. Quelques puristes ont dénoncé les violations de la souveraineté persane. Mais les critiques ont porté principalement sur la répartition des sphères d'influence. Elles ont trouvé leur expression la plus caractéristique dans une lettre au Times du colonel Yate, ancien commissaire en chef du Beloutchistan, et dans la Fortnightly Review sous la plume de M. Perceval Landon et de M. Angus Hamilton.

L'argumentation peut se résumer ainsi. Il y a entre les zones anglaise et russe une disproportion injustifiée, au double point de vue économique et politique. La Russie pourra pousser son réseau ferré jusqu'à Ispahan à 200 milles à peine du golfe. Installée à Téhéran et à Ispahan elle commande les trois grandes routes commerciales celle de Téhéran à Bagdad par la Porte Médique, celle qui remonte le fleuve Karoun pour aboutir à l'ancienne capitale, enfin celle qui va de Bouchir à Chiraz et à Ispahan. Par contre, l'Angleterre ne se réserve qu'une zone étroite, en grande partie infertile. Elle n'a même pas affirmé ses revendications séculaires sur la côte du golfe. Ses intérêts commerciaux sont sacrifiés. Quant à la valeur militaire de la tractation elle est nulle. Chimère que la crainte d'une invasion russe par le Seïstan et le Beloutchistan, dont les solitudes désertiques ne sont traversées que par une mauvaise route de caravane.

A vouloir trop prouver les adversaires de l'accord compromettent la valeur de leur raisonnement. Les campagnes alarmistes de la presse anglaise sont trop récentes pour que l'on puisse oublier l'importance que la Grande-Bretagne attache à la couverture de la frontière de l'Inde. Les garanties insérées dans l'accord persan sont assez sérieuses pour compenser bien des sacrifices. Les concessions sont-elles, d'ailleurs, aussi considérables qu'on le dit? La zone proprement russe ne dépasse pas les limites atteintes par la prépondérance absolue du commerce moscovite. Nous n'en voulons pour preuve que les conclusions des rapports consulaires anglais. Le consul général à Ispahan constate en 1906, que les produits anglais

ne peuvent lutter contre les produits russes favorisés par les conditions géographiques plus encore que par le tarif douanier. Même constatation du consul à Yezd. Toute la partie méridionale est neutre, ouverte à la libre concurrence. Les Russes ne sont pas favorisés, si ce n'est par la nature qui a jeté entre ces provinces et le golfe Persique la chaîne abrupte du Zagros, muraille de 4,000 mètres n'offrant au trafic que quelques mauvaises passes de montagne. Par contre, les Anglais ont pour eux la suprématie maritime avec toutes les facilités qu'elle donne. C'est leur force. Elle repose sur des assises plus solides qu'un protocole diplomatique. On ne voit guère ce qu'aurait pu y ajouter de valeur pratique l'inscription formelle des rivages du golfe dans la zone britannique.

On s'attendait pourtant à une reconnaissance de la prépondérance de l'Angleterre dans cette mer. Le silence du traité sur ce point a été une surprise, la seule peut-être que nous ait ménagée la publication du texte.

Pourquoi cette question capitale a-t-elle été réservée? On ne saurait envisager l'hypothèse d'une concession faite par la GrandeBretagne. La nécessité d'écarter toute influence rivale du golfe Persique est un axiome de la politique anglaise, fondé sur une appréciation exacte des conditions de la défense de l'Inde, justifié par des efforts séculaires. De ce côté, jamais de défaillance, une vigilance incessante dont les récentes manifestations ne se comptent pas. C'est l'affirmation du protectorat britannique à Koweït en 1901. C'est la croisière de lord Curzon en 1903. C'est l'occupation des iles Bahrein en 1905. C'est l'établissement d'un cable télégraphique dans le détroit d'Ormuz en 1906. C'est surtout la déclaration retentissante de lord Lansdowne en mai 1903 : Toute création de base navale ou de place de guerre sur le golfe Persique, de quelque puissance qu'elle vint, menacerait directement les intérêts anglais, et le gouvernement s'y opposerait par tous les moyens possibles. » Le casus belli est nettement posé.

Un abandon de cette thèse est inadmissible. D'ailleurs, pour éviter toute ambiguïté, sir E. Grey rappelle les revendications anglaises dans une lettre adressée à sir A. Nicholson, l'avant-veille de la signature du traité, le 29 août 1907, et publiée en annexe : « Il est désirable

d'attirer l'attention sur les déclarations antérieures de la politique britannique, de confirmer à nouveau, d'une façon générale, les déclarations antérieures relatives aux intérêts britanniques dans le golfe Persique. >>

Le chef du Foreign Office a prévu les critiques que ne pouvait manquer de provoquer le silence du traité. Il a tenté de les devancer. « Le golfe Persique, dit-il, n'est que partiellement en territoire Persan. Il n'a donc pas semblé qu'il y avait lieu d'introduire dans la convention une déclaration positive concernant les intérêts spéciaux de la Grande-Bretagne... » L'argument ne serait plausible que si l'accord était limité à la Perse. Or, le préambule lui assigne comme but le règlement de tous les différends asiatiques. La formule est assez large pour englober tout ce que la diplomatie aurait pu désirer y faire tenir.

La raison de sir E. Grey n'est donc qu'un prétexte. Il y en a une autre. Est-ce l'impossibilité de mettre d'accord les vues de l'Angleterre et de la Russie sur ce point particulier? Nullement. Le chef du Foreign Office écrit : « Le gouvernement russe, au cours des négociations, a déclaré explicitement qu'il ne visait pas les intérêts spéciaux de la Grande-Bretagne dans le golfe Persique... » et « le gouvernement de Sa Majesté a de bonnes raisons de croire que cette question ne donnera lieu à aucune difficulté entre les deux gouvernements dans le cas où surgiraient des événements qui rendraient nécessaire une nouvelle discussion. » On ne peut indiquer plus clairement que la solution a été ajournée par des considérations de politique générale. Orientée dans cette voie, l'analyse pénètre aisément un mystère qui n'a rien de bien obscur. La question du golfe Persique est intimement liée à celle du chemin de fer de Bagdad. Un arrangement conclu en dehors de l'Allemagne aurait menacé de provoquer une crise analogue à celle du Maroc. Il n'est pas démontré que l'Angleterre la désire. Il est certain que la Russie ne saurait s'y prêter. L'entrevue de Swinemunde a montré que le gouvernement du tzar désire éviter toute interprétation de l'accord anglo-russe inquiétante pour son voisin de l'ouest. Voilà pourquoi le traité du 31 août est muet sur le problème le plus important de l'Orient moyen. Ce problème ne saurait être résolu que par une entente de l'Angleterre, de la Russie, de l'Allemagne,

et nous pouvons ajouter de la France. Entente difficile, dira-t-on. Peut-être plus prochaine qu'on ne le croit.

La convention relative à l'Afghanistan est la partie de l'accord anglo-russe la plus nettement favorable à l'Angleterre. La prépondérance britannique est formellement reconnue.

Triomphe peu disputé, au demeurant. Non que la diplomatie moscovite se soit désintéressée du massif de l'Hindou-Kouch. L'importance stratégique de cet éperon montagneux qui s'avance en coin entre la Perse et le Turkhestan est trop évidente pour que l'on n'ait pas éprouvé à Saint-Pétersbourg quelques tentations d'annexion. Mais le gouvernement du tzar a très vite compris qu'il ne pouvait être question d'appliquer à Kaboul la méthode si heureusement suivie à Boukhara et à Khiva. Une Suisse asiatique, grande comme la France et la Belgique réunies, hérissée de montagnes de plus de 5,000 mètres, habitée par six millions d'hommes braves, indomptables voilà l'Afghanistan. Les Russes, avertis par leur rude expérience du Caucase et par les déboires que leurs rivaux anglais ont rencontrés sur la route de Kaboul, ont, dès le premier contact, renoncé à l'idée d'une conquête. En 1869, Gortchakoff écrit à l'ambasssadeur de Russie à Londres: « Vous pouvez répéter au secrétaire d'État de Sa Majesté britannique l'assurance positive que Sa Majesté impériale considère l'Afghanistan comme complètement en dehors de la sphère où la Russie peut être appelée à exercer son influence. Ni intervention, ni ingérence d'aucune sorte opposées à l'indépendance de cet État n'entrent dans ses calculs. » L'avis est renouvelé en 1874, en 1883. Pourtant l'année suivante les Russes, maitres de Merv, manifestent quelques velléités de profiter d'une occasion favorable l'Angleterre parait absorbée par les les affaires égyptiennes; une crise de succession Afghane ouvre la porte aux intrigues. Mais la vigilance britannique est en éveil. Aussitôt l'ours rentre ses griffes, reprend son air paterne, qui a le don d'agacer les Anglais beaucoup plus qu'une résistance ouverte. Le détachement de la Russie à l'égard de l'Afghanistan rencontre à Londres beaucoup de sceptiques. Une convention anglo-russe

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