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ne peuvent lutter contre les produits russes favorisés par les conditions géographiques plus encore que par le tarif douanier. Même constatation du consul à Yezd. Toute la partie méridionale est neutre, ouverte à la libre concurrence. Les Russes ne sont pas favorisés, si ce n'est par la nature qui a jeté entre ces provinces et le golfe Persique la chaîne abrupte du Zagros, muraille de 4,000 mètres n'offrant au trafic que quelques mauvaises passes de montagne. Par contre, les Anglais ont pour eux la suprématie maritime avec toutes les facilités qu'elle donne. C'est leur force. Elle repose sur des assises plus solides qu'un protocole diplomatique. On ne voit guère ce qu'aurait pu y ajouter de valeur pratique l'inscription formelle des rivages du golfe dans la zone britannique.

On s'attendait pourtant à une reconnaissance de la prépondérance de l'Angleterre dans cette mer. Le silence du traité sur ce point a été une surprise, la seule peut-être que nous ait ménagée la publication du texte.

Pourquoi cette question capitale a-t-elle été réservée? On ne saurait envisager l'hypothèse d'une concession faite par la GrandeBretagne. La nécessité d'écarter toute influence rivale du golfe Persique est un axiome de la politique anglaise, fondé sur une appréciation exacte des conditions de la défense de l'Inde, justifié par des efforts séculaires. De ce côté, jamais de défaillance, une vigilance incessante dont les récentes manifestations ne se comptent pas. C'est l'affirmation du protectorat britannique à Koweït en 1901. C'est la croisière de lord Curzon en 1903. C'est l'occupation des iles Bahrein en 1905. C'est l'établissement d'un cable télégraphique dans le détroit d'Ormuz en 1906. C'est surtout la déclaration retentissante de lord Lansdowne en mai 1903 : Toute création de base navale ou de place de guerre sur le golfe Persique, de quelque puissance qu'elle vint, menacerait directement les intérêts anglais, et le gouvernement s'y opposerait par tous les moyens possibles. » Le casus belli est nettement posé.

Un abandon de cette thèse est inadmissible. D'ailleurs, pour éviter toute ambiguïté, sir E. Grey rappelle les revendications anglaises dans une lettre adressée à sir A. Nicholson, l'avant-veille de la signature du traité, le 29 août 1907, et publiée en annexe : « Il est désirable

d'attirer l'attention sur les déclarations antérieures de la politique britannique, de confirmer à nouveau, d'une façon générale, les déclarations antérieures relatives aux intérêts britanniques dans le golfe Persique. >>

Le chef du Foreign Office a prévu les critiques que ne pouvait manquer de provoquer le silence du traité. Il a tenté de les devancer. « Le golfe Persique, dit-il, n'est que partiellement en territoire Persan. Il n'a donc pas semblé qu'il y avait lieu d'introduire dans la convention une déclaration positive concernant les intérêts spéciaux de la Grande-Bretagne... » L'argument ne serait plausible que si l'accord était limité à la Perse. Or, le préambule lui assigne comme but le règlement de tous les différends asiatiques. La formule est assez large pour englober tout ce que la diplomatie aurait pu désirer y faire tenir.

La raison de sir E. Grey n'est donc qu'un prétexte. Il y en a une autre. Est-ce l'impossibilité de mettre d'accord les vues de l'Angleterre et de la Russie sur ce point particulier? Nullement. Le chef du Foreign Office écrit : « Le gouvernement russe, au cours des négociations, a déclaré explicitement qu'il ne visait pas les intérêts spéciaux de la Grande-Bretagne dans le golfe Persique... » et « le gouvernement de Sa Majesté a de bonnes raisons de croire que cette question ne donnera lieu à aucune difficulté entre les deux gouvernements dans le cas où surgiraient des événements qui rendraient nécessaire une nouvelle discussion. » On ne peut indiquer plus clairement que la solution a été ajournée par des considérations de politique générale. Orientée dans cette voie, l'analyse pénètre aisément un mystère qui n'a rien de bien obscur. La question du golfe Persique est intimement liée à celle du chemin de fer de Bagdad. Un arrangement conclu en dehors de l'Allemagne aurait menacé de provoquer une crise analogue à celle du Maroc. Il n'est pas démontré que l'Angleterre la désire. Il est certain que la Russie ne saurait s'y prêter. L'entrevue de Swinemunde a montré que le gouvernement du tzar désire éviter toute interprétation de l'accord anglo-russe inquiétante pour son voisin de l'ouest. Voilà pourquoi le traité du 31 août est muet sur le problème le plus important de l'Orient moyen. Ce problème ne saurait être résolu que par une entente de l'Angleterre, de la Russie, de l'Allemagne,

et nous pouvons ajouter de la France. Entente difficile, dira-t-on. Peut-être plus prochaine qu'on ne le croit.

La convention relative à l'Afghanistan est la partie de l'accord anglo-russe la plus nettement favorable à l'Angleterre. La prépondérance britannique est formellement reconnue.

Triomphe peu disputé, au demeurant. Non que la diplomatie moscovite se soit désintéressée du massif de l'Hindou-Kouch. L'importance stratégique de cet éperon montagneux qui s'avance en coin entre la Perse et le Turkhestan est trop évidente pour que l'on n'ait pas éprouvé à Saint-Pétersbourg quelques tentations d'annexion. Mais le gouvernement du tzar a très vite compris qu'il ne pouvait être question d'appliquer à Kaboul la méthode si heureusement suivie à Boukhara et à Khiva. Une Suisse asiatique, grande comme la France et la Belgique réunies, hérissée de montagnes de plus de 5,000 mètres, habitée par six millions d'hommes braves, indomptables voilà l'Afghanistan. Les Russes, avertis par leur rude expérience du Caucase et par les déboires que leurs rivaux anglais ont rencontrés sur la route de Kaboul, ont, dès le premier contact, renoncé à l'idée d'une conquête. En 1869, Gortchakoff écrit à l'ambasssadeur de Russie à Londres: « Vous pouvez répéter au secrétaire d'État de Sa Majesté britannique l'assurance positive que Sa Majesté impériale considère l'Afghanistan comme complètement en dehors de la sphère où la Russie peut être appelée à exercer son influence. Ni intervention, ni ingérence d'aucune sorte opposées à l'indépendance de cet État n'entrent dans ses calculs. » L'avis est renouvelé en 1874, en 1883. Pourtant l'année suivante les Russes, maitres de Merv, manifestent quelques velléités de profiter d'une occasion favorable l'Angleterre parait absorbée par les les affaires égyptiennes; une crise de succession Afghane ouvre la porte aux intrigues. Mais la vigilance britannique est en éveil. Aussitôt l'ours rentre ses griffes, reprend son air paterne, qui a le don d'agacer les Anglais beaucoup plus qu'une résistance ouverte. Le détachement de la Russie à l'égard de l'Afghanistan rencontre à Londres beaucoup de sceptiques. Une convention anglo-russe

de 1875, qui lui donne une première consécration diplomatique, ne dissipe même pas les défiances. Il y a tant de gens que hante la crainte de voir un beau jour les Cosaques déboucher sur la route d'Hérat que nous ne jurerions pas que le traité du 31 août 1907 suffise à calmer leurs appréhensions.

Les Anglais auraient pourtant mauvaise grâce à accuser la fortune. Celle-ci les a servis à la pleine mesure, on pourrait peut-être dire au delà de leurs mérites. Des fautes ont été commises, qui ont été réparées par l'énergie d'agents habiles, mais aussi par l'heureux concours des circonstances. Il faut quarante ans d'efforts infructueux, le massacre de deux missions britanniques la mission Burnes en 1848 et la mission Cavagnari en 1879 trois campagnes glorieuses, mais stériles, pour que l'on s'avise à Londres de l'inutilité de prendre le taureau afghan par les cornes. La dernière crise a été particulièrement critique. La valeur de lord Roberts, l'énergie de ses troupes ont sauvé l'honneur des armes. Auraient-elles suffi à gagner la partie, si les Afghans avaient pu trouver des appuis au dehors, si les Russes n'avaient pas été absorbés par la pénible liquidation des affaires balkaniques? Heureux hasards. Cette fois, la leçon a été comprise. Le futur vainqueur de Paardeberg trace la ligne de conduite à suivre : « Moins les Afghans nous verront, moins ils nous détesteront. » Vingt années durant la politique britannique s'inspire de cette sage maxime, renonçant à la manière forte pour l'intrigue. L'ouverture, on ne peut plus opportune, d'une crise successorale offre une excellente entrée de jeu. Le nouvel émir Abdur-Rhaman ne s'installe au pouvoir et ne s'y maintient qu'avec l'appui discret mais effectif du gouvernement de l'Inde. Dès 1883, une subvention annuelle de trois millions crée entre Calcutta et Kaboul un premier lien, qui va se fortifiant jusqu'à l'accord de 1893, étape décisive. L'Angleterre s'engage à défendre l'Afghanistan contre toute agression étrangère.

Les choses vont ainsi jusqu'au début de la vice-royauté de lord Curzon. Très jeune, fougueux, impérialiste, cet homme d'État brûle de justifier par des actions d'éclat la faveur d'un avancement exceptionnel. Tempérament, antécédents, tout le porte à l'action extérieure. De Calcutta partent des notes pessimistes sur les intrigues russes, sur les armements de l'émir, qui a organisé une armée de

cent mille hommes et créé des arsenaux. On arrête dans les ports Hindous les batteries d'artillerie achetées en Europe par l'Afghanistan. Les relations se tendent et quand Abdur-Rhaman meurt en 1901, le premier acte de son fils et successeur Habibullah est de refuser le subdide anglais. On revient de vingt années en arrière. Il a suffi de quelques maladresses pour réveiller les défiances afghanes. Mais voici bien la chance de l'Angleterre. Les Russes ne sont pas en mesure de profiter de l'aubaine. Bientôt même l'écho de leurs désastres retentit dans toute l'Asie. Nulle part, il ne produit une sensation plus profonde qu'en Afghanistan. Habibullah comprend que le moment serait mal choisi pour se brouiller avec son voisin de l'est. En 1904, il envoie à Calcutta son fils Inayatullah Khan, messager de conciliation. Au printemps de 1905, il reçoit dans sa capitale un envoyé de lord Curzon, M. Louis Dane. L'Angleterre fonde de grandes espérances sur cette ambassade. On rêve de l'installation d'une mission permanente à Kaboul, de la construction d'un chemin de fer de Quetta à Kandahar, d'une réorganisation de l'armée afghane avec des instructeurs britanniques, de routes, de télégraphes, bref d'une mainmise complète sur l'Afghanistan. La désillusion est grande quand M. Dane revient ayant obtenu pour tout succès le renouvellement pur et simple du traité de 1893. Ce n'était déjà pas si mal. Malgré tout, l'échec relatif a été vivement ressenti et n'a pas été étranger au déclin prématuré de l'étoile de lord. Curzon. Encore un événement heureux pour les relations angloafghanes dont l'intimité va se resserrer sous l'action conciliante du nouveau vice-roi lord Minto. L'émir Habibullah visite l'Inde dans les premiers mois de 1907, comblé d'honneurs, de fêtes, répondant par des paroles extrêmement chaleureuses. Des mots seulement, dirat-on. Les Anglais auraient peut-être désiré quelque chose de plus positif. Ils ne pouvaient guère le demander à un souverain très jaloux de son indépendance. Mais ils viennent de l'obtenir de la Russie.

La convention afghane est d'une précision exceptionnelle. « Le gouvernement impérial de Russie déclare qu'il reconnaît l'Afghanistan comme se trouvant en dehors de la sphère d'influence russe et il s'engage à se servir pour toutes ses relations politiques avec l'Afghanistan de l'intermédiaire du gouvernement de Sa Majesté briA. TOME XXIII - 1908.

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