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en 1893, ils obtenaient 1,786,000 voix, en 1898, 2,107,000 voix, en 1903, 3,023,000 voix, en 1907, 3,258,000 voix. Le chiffre des députés socialistes au Reichstag, qui s'est élevé en 1903 à 81, a, il est vrai, reculé, en 1907, à 43. Nous examinerons plus loin les causes de cet échec qui, tout en modérant les progrès du parti, n'est cependant pas, suivant nous, un signe de dégénérescence.

Les grandes lignes de l'organisation actuelle du parti, telle qu'elle a été réglée par les congrès de Halle et d'Erfurt, et légèrement modifiée aux congrès de Mayence (1900) et d'léna (1906), sont les suivantes.

A la base de l'organisation nous trouvons des Unions socialdémocrates, formées dans chaque circonscription électorale et composées des adhérents socialistes payant une cotisation. Ces unions choisissent des présidents (dénommés jusqu'en 1906 « personnes de confiance »); ce sont les agents, les représentants de l'Union locale, chargés de la tenir en rapport direct avec le Comité directeur du parti. Le deuxième organisme est formé par le Comité directeur et une Commission de contrôle. Le Comité directeur, composé de six membres, constitue le pouvoir exécutif du parti il unifie l'action, il centralise les cotisations (le parti a de 4 à 500,000 cotisants), il dirige le journal officiel du parti, le Vorwærts. Le troisième organisme est le Congrès annuel: c'est l'organe souverain du parti : il est composé de délégués, nommés au nombre de un, deux ou trois par chaque union locale. Les députés socialistes au Reichstag sont responsables de leurs discours et de leurs votes devant le congrès. Le congrès règle, après l'audition de rapports spéciaux, quelle doit être l'attidude du parti dans certaines questions d'un intérêt actuel.

A côté de ces organes officiels du parti, il y en a une quantité d'autres, officieux et accessoires, qui s'occupent avec une activité intense de la propagande. Ce sont d'abord des groupements politiques extrêmement nombreux, principalement des cercles électoraux, des sociétés de toutes sortes, d'instruction, de jeux divers, sociétés chorales et de musique, restaurations, etc. Puis il y a la littérature socialiste; on compte 78 journaux socialistes dont les 1. Le Vorwærts a plus de 50,000 abonnés.

abonnés sont au nombre de 8 à 900,000: la plupart de ces journaux donnent, à côté des articles de polémique, des articles d'étude sérieux et documentés; le parti a deux revues, la Neue Zeit qui a pour directeur Kautsky et qui représente des idées avancées, et les Sozialistische Monatshefte, revue qui tend à devenir l'organe des réformistes. Citons encore la Kommunale Praxis, organe du socialisme municipal, et la Gleichheit, journal féministe ouvrier, dirigé par Clara Zetkin1. Le parti a organisé à Berlin en 1906 une école socialiste de perfectionnement pour la formation des rédacteurs et secrétaires du parti. Mentionnons enfin un des plus importants moyens de propagande de la socialdémocratie, les réunions publiques et les meetings organisés soit avant les élections, soit pour protester contre un projet de loi, contre une mesure prise par le gouvernement ces réunions se terminent parfois par des manifestations dans les rues c'est ainsi que, cette année même, en janvier, lors de la discussion de la loi électorale au Landtag prussien, des bagarres sanglantes ont eu lieu à Berlin.

Telle est l'organisation du parti. Son principal chef est Bebel, qui a environ soixante-sept ans. C'est un orateur clair et énergique, exprimant sa pensée en vigoureuses formules; c'est lui qui a dit, il y a quelques années : « Nous voulons en politique la république, en économie le socialisme, en religion l'athéisme. » Son éloquence est un peu sauvage, parfois ironique. On dit que Bismarck ne pouvait l'entendre parler sans un vif énervement et quittait la salle des séances quand Bebel montait à la tribune. C'est plutôt un tribun qu'un écrivain.

A côté de Bebel nous voyons Singer, qui est le millionnaire du parti, mais qui n'en est pas le plus modéré c'est le leader de la fraction socialiste au Reichstag. Kautsky est surtout un écrivain, d'idées très avancées. Parmi les modérés citons Vollmar, Bernstein, Schippel. Le vieux Liebknecht, le fidèle disciple de Marx,

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1. Un mouvement féministe ouvrier assez important, organisé par des sonnes de confiance du sexe féminin dans les diverses parties de l'Allemagne, dirigé par Clara Zetkin et Rosa Luxembourg, s'est manifesté en ces dernières années. Ce mouvement est distinct du mouvement féministe bourgeois, les ouvrières se rendant compte que les bourgeoises ne réclament une égalité de droits vis-à-vis des hommes qu'au sein de la classe bourgeoise, et seraient peutêtre portées à se retourner contre les prolétariennes, au cas d'un conflit de classes. 2. Bernstein n'a pas été réélu député en 1907.

l'infatigable propagandiste, est mort en 1900: son fils, Karl Liebknecht, n'a pas l'influence qu'avait son père : c'est un violent et un antimilitariste.

Tous ces hommes jouissent d'une grande popularité dans les milieux ouvriers: la plupart ont été ou sont députés au Reichstag.

Quelles sont, en dehors de leurs revendications économiques qui se rattachent presques toutes au marxisme et qu'il serait trop long d'énumérer dans ce rapide exposé, les tendances des socialdémocrates par rapport à quelques grandes questions d'un intérêt actuel, telles que l'antimilitarisme, la question religieuse, la question agraire?

Par principe et par tradition, le parti est opposé à toute guerre offensive, partisan de l'arbitrage, du remplacement des armées permanentes par des milices. Dans les discussions sur le budget de la guerre ou sur les accroissements de l'armée et de la flotte, le parti vote régulièrement contre ce budget et ces accroissements en cette matière son principe bien connu est : « pas un homme, pas un liard ». Mais ce n'est là qu'un principe et si l'on passait en revue les opinions émises depuis 1890 par les chefs du parti, on verrait que ces opinions sont souvent singulièrement hésitantes et que les socialdémocrates sont assez portés à ne point trop gêner en cette matière l'action du gouvernement.

Prenons par exemple la question d'Alsace-Lorraine. Tout en ayant blamé la conquête et l'annexion, les socialdémocrates demandent-ils qu'on s'entende pour trancher cette grave question, qui reste une menace redoutable pour la paix européenne? Eh bien, non! Ils déclarent en général « qu'il n'y a pas de question d'AlsaceLorraine pour les socialistes allemands; pas plus que pour les socialistes français c'est une question artificielle qui ne peut résulter que de la société corrompue de notre temps1». Ils se désintéressent de la question et n'essayent pas de discuter le fait accompli.

Sur la question des armements, en 1897, à Hambourg, Max Schippel s'exprime ainsi : « Nous n'avons pas accordé les soldats, mais enfin ils sont là. Pour les propositions de milices et la suppression des armées permanentes il n'y a pas de majorité et il n'y a pas

1. Congrès de Bruxelles. 1891.

à en espérer dans un avenir prochain. Devons-nous, parce que les partis bourgeois ne font pas à ce point de vue notre volonté, exposer les ouvriers allemands, comme pour les punir, au danger de payer de leur sang l'inintelligence de nos adversaires? Ce serait agir d'une manière insensée... On ne peut pourtant pas donner à nos soldats de mauvais fusils, de mauvais canons!... >>

Quant à la grève militaire, proposée dès 1891 au congrès de Bruxelles par l'anarchiste hollandais Domela Nieuwenhuis, elle fut nettement repoussée par Liebknecht et les représentants de l'Allemagne.

Cette propension à se défier de l'antimilitarisme s'est encore accentuée au cours de ces dernières années, depuis que l'« hervéisme» sévit dans quelques milieux français, et l'on peut constater à l'heure actuelle chez les socialistes d'outre-Rhin, une évolution assez prononcée vers un vague patriotisme, conscient ou inconscient, mais réel.

Au dernier congrès socialiste allemand qui s'est tenu à Essen en 1907, la gauche du parti demanda compte à certains députés de leur attitude dans la discussion du budget de la guerre, et reprocha au député Noske d'avoir terminé son discours par ces mots : « Nous devons désirer que l'Allemagne reste puissamment armée ». Bebel soutint vigoureusement Noske et obtint une majorité écrasante. Kautsky essaya bien de dire : « Le Maroc ne vaut pas la vie d'un prolétaire. Si l'on fait la guerre à propos du Maroc, nous devrons nous y opposer, même si nous sommes attaqués. » Mais ces paroles ne furent approuvées que par un nombre très restreint de délégués.

Et n'oublions pas que, par suite de la très forte discipline du parti, les idées exprimées par Bebel et approuvées par la majorité des délégués du congrès d'Essen sont répandues et imposées dans toute la socialdémocratie ouvrière.

Notons que le Manuel du Parti, édité en 1906, contient ceci : « Aucun membre du parti ne met en doute que, dans une guerre, tous les soldats de l'armée allemande, sans aucune différence de rang. feront leur devoir. >>

Pour conclure sur cette importante question, nous croyons que non seulement le soldat, le bourgeois mais que l'ouvrier allemand lui-même est encore aujourd'hui imprégné, plus que ne le croient

les socialistes français, de cet instinct puissant qui existe au fond du cœur de la plupart des hommes, à savoir l'attachement à la terre natale, aux traditions, à la langue, tout ce qu'on appelle de ce mot vague et précis, le patriotisme. Il nous semble très improbable qu'en cas de conflit international les socialistes allemands soient disposés à jeter leurs fusils et à refuser de se battre. Et par conséquent ce serait une duperie dangereuse, pour nous autres Français, que de laisser étouffer ou seulement même affaiblir en nous le sentiment patriotique, tant qu'il sera encore vivace et puissant de l'autre côté du Rhin.

Si nous considérons maintenant la question religieuse, nous devons constater que le programme d'Erfurt a déclaré la religion. «< chose privée », a réclamé la suppression du budget des cultes et la laïcité de l'école. Il est certain que les préférences du socialisme allemand vont à la libre pensée, que la plupart des ouvriers socialistes ne pratiquent aucune religion ni protestante, ni catholique : mais nous ne pouvons dire qu'ils soient d'une manière générale antireligieux ils sont plutôt areligieux, indifférents. Ils ont une autre foi qui n'est ni métaphysique, ni théologique; ils ont la foi sociale.

Uu certain nombre d'entre eux, entre autres Bebel, sont anticlėricaux et voudraient notamment soustraire l'école à l'influence de la religion protestante mais la tendance dominante est plutôt un esprit de tolérance, et il n'y a pas longtemps que le parti a accueilli dans ses rangs deux pasteurs, MM. Goehre et Blumhardt.

En ce qui concerne la question agraire, le parti est divisé. D'une part, il devrait s'intéresser aux ouvriers agricoles qui sont des prolétaires comme les ouvriers des villes d'autre part, doit-il s'intéresser aux paysans, petits ou moyens propriétaires? Le petit paysan n'est pas fortuné, n'est pas heureux dans l'état de choses. actuel il pourrait être un allié précieux dans la lutte électorale pour la conquête des pouvoirs mais le paysan n'est-il pas un propriétaire privé et individualiste, un possesseur d'instruments de travail, très défiant à l'égard d'une socialisation du sol et des projets collectivistes? La question est délicate.

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