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France, elle est assez forte pour paralyser toute tentative qui pourrait se proposer pour but d'entraîner la Russie dans une combinaison dirigée contre la puissance allemande. Le tzar a souligné cette nuance en précédant la signature du traité anglo-russe d'une entrevue avec le Kaiser à Swinemunde. Cette démarche a coupé court à toute interprétation tendancieuse du traité. Elle a fixé le principe directeur de la politique russe dans la période de recueillement politique de paix et d'équilibre. Surtout pas d'aventures. L'indication n'est pas superflue. L'accord anglo-russe était à peine signé que l'on a vu se manifester un curieux réveil des aspirations panslavistes, à l'occasion de la visite du grand-duc Vladimir à Sofia. Ces manifestations coïncidant avec la recrudescence des troubles en Macédoine, avec l'entrevue des ministres des affaires étrangères russe et austro-hongrois à Vienne, avec une intervention plus active de la diplomatie britannique dans les Balkans ont créé un certain malaise. On a pu se demander un moment si la Russie ne s'arrachait pas à l'hypnotisme asiatique que pour retomber sous la fascination du mirage du Bosphore. Le gouvernement russe est décidé à résister à cette tentation. Nous en avons recueilli l'assurance de la bouche même de M. Isvolsky.

La Russie n'a qu'une ambition pour le moment. Elle veut se régénérer par des réformes prudentes et reprendre en Europe le rôle qui lui revient, qu'elle a trop longtemps abandonné pour la poursuite de dangereuses chimères. La France a souffert des erreurs qui ont faussé l'orientation de la Duplice et ont privé les deux peuples d'une partie des avantages qu'ils étaient en droit. d'en attendre. Elle ne peut donc que se féliciter de voir son alliée revenir à une saine appréciation de ses intérêts.

L. DE ST VICTOR DE ST BLANCARD.

LE PARTI OUVRIER AU PARLEMENT ANGLAIS

Depuis les dernières élections le Parlement anglais compte un parti nouveau le Parti ouvrier, le Labour Party. Par son importance numérique, surtout par les forces politiques dont il est l'expression, ce parti semble destiné à un rôle considérable. Déjà en 1903, lorsqu'un candidat ouvrier, M. Will Crookes, présenté par le « Comité de la Représentation Ouvrière », fut élu à Woolwich, le Times écrivait: « Le sens trop clair de cette élection est que le mouvement ouvrier qui a détruit l'équilibre des partis sur le continent s'est manifesté également ici dans une forme pratique et que le pays aussi bien que les deux partis politiques doivent compter avec lui1».

Dans ces lignes le grand journal conservateur faisait preuve de clairvoyance, mais si telles étaient les réflexions qu'inspirait en 1903 le succès isolé d'une candidature ouvrière, quel bouleversement politique ne faut-il pas attendre du triomphe d'un parti organisé et résolu comptant 32 membres?

Pour beaucoup l'événement fut une surprise. Sans doute, il est exact que des circonstances extérieures ont pu accentuer encore le succès électoral du Labour Party. Mais son avènement à Westminster ne doit pas étonner, et ceux qui connaissent l'histoire du syndicalisme anglais le prévoyaient avec certitude. Car il n'est pas accidentel, ses causes sont profondes et le mouvement dont il procède peut être dégagé aisément.

Un tel examen s'impose, il nous permettra de mesurer la portée de la transformation politique qui résultera pour l'Angleterre de la présence du Parti Ouvrier au Parlement. Cette étude mérite d'autant mieux de retenir l'attention qu'il s'agit pour le syndicalisme de tous les pays d'une question primordiale et qui fait l'objet des

1. Times, leader du 12 mars 1903.

discussions les plus passionnées. La façon dont l'Angleterre l'a résolue, si elle n'apporte pas une solution, fournit des faits qui doivent être pris en considération.

Il faut noter immédiatement que l'action politique n'a pas pour objet de se substituer à l'action syndicale, mais de s'y superposer. L'idée de combiner les deux modes d'actions est d'ailleurs ancienne.

Déjà en 1874, n'ayant pu obtenir la modification de la loi syndicale de 1871, les Unions présentèrent 13 candidats aux élections générales deux, Burt et Mac Donald, furent élus.

Il y eut alors un embryon de parti du travail et le résultat souhaité fut obtenu.

On comprit que, si on les y contraignait, les forces politiques ouvrières à l'état latent interviendraient dans la lutte politique, c'est cette idée beaucoup plus que la présence aux Communes des Députés ouvriers qui décida les Conservateurs alors au pouvoir à voter les lois syndicales de 1875 et 1876.

L'effort ne fut pas renouvelé aux élections suivantes. Le Parlement a cependant eu depuis 1874 des membres ouvriers, mais ceux-ci n'étaient que les représentants particuliers d'Unions et non de la collectivité ouvrière. Ils n'avaient pas reçu l'investiture des Congrès des Trade-Unions ou de leur Comité Parlementaire. Ils ne défendaient que les intérêts particuliers de leur Union. Il y en avait 11 en 1889, 9 en 1886, 16 en 1892, 12 en 1895 et 1900. Mais ces représentants n'avaient pas l'autorité d'un parti indépendant et avec lequel les autres doivent compter. Toutes proportions gardées, ils ont été loin de jouer le rôle des nationalistes irlandais.

Mais si les Trade-Unions avaient repris après 1874 leur action individuelle, si elles s'étaient cantonnées temporairement sur le terrain professionnel et économique, elles n'avaient pas en principe répudié l'action politique comme moyen de défense des intérêts généraux de la classe ouvrière quand elle serait nécessaire. Cependant, en fait, un certain nombre d'Unions n'étaient pas favorables à cette tactique.

L'une des causes qui devaient conduire le Parti Ouvrier à se constituer en parti politique, c'est l'introduction dans le Trade Unionisme d'éléments nouveaux qui, plus que les anciens, avaient besoin de

l'action législative, et n'avaient pas à son égard les mêmes répugnances. A cette cause d'ordre interne il faut ajouter une cause d'ordre externe, l'hostilité contre les Trade-Unions manifestée surtout par les arrêts fameux de la Chambre des Lords, qui firent sentir à toutes les Unions la nécessité de l'action parlementaire.

La cause d'ordre interne, c'est l'avènement du Néo-Trade Unionisme. Les nouvelles organisations professionnelles qui se constituèrent après la grande grève des Docks de 1889 étaient fortement pénétrées d'esprit socialiste. Les mêmes hommes, Keir Hardie, Ben Tillet, Tom Mann, qui étaient à leur tête, dirigeaient aussi le mouvement socialiste.

Aussi, l'action de ces groupements nouveaux différa-t-elle nécessairement de celle des anciennes Unions d'ouvriers qualifiés. Nouvellement constitués, ils n'avaient pas de traditions; formés d'ouvriers à bas salaires, ils n'auraient pu organiser des mutualités ni accumuler des capitaux. D'ailleurs, cela était incompatible avec les principes de leurs chefs. D'autre part, les anciennes Unions groupant la majorité des ouvriers habiles de leur profession, hommes que l'on ne pouvait remplacer s'ils quittaient le travail, avaient un moyen d'action qui échappait aux nouvelles. Celles-ci, composées de manœuvres qui n'étaient jamais indispensables aux employeurs, puisqu'on pouvait leur substituer n'importe quelle unité dans l'innombrable armée de réserve, ne pouvaient maintenir par leurs propres moyens leurs conditions d'existence, d'où leur tactique de grèves courtes et fréquentes.

Mais ce moyen était encore insuffisant, et c'est de l'action législative qu'elles attendaient différentes améliorations; c'est pourquoi elles l'inscrivirent en tête de leurs revendications et commencèrent en sa faveur une propagande incessante. Longtemps les congrès des Trade-Unions repoussèrent leurs motions, mais en 1899 elles remportèrent un premier succès au Congrès de Plymouth, qui invita son Comité Parlementaire à provoquer la réunion d'une conférence entre syndicats, organisations socialistes et coopératives, afin de discuter la question de la représentation ouvrière directe au Parlement.

Cette conférence se réunit à Londres les 27 et 28 février 1900 sous le nom de Comité de la Représentation Ouvrière. Elle compre

nait 68 organisations syndicales et les organisations socialistes anglaises Social Democratic Federation, Independant Labour Party et Fabian Society; les sociétés coopératives s'étaient et se sont tenues depuis à l'écart du mouvement.

La conférence décida qu'il y avait lieu de «< fonder un groupe distinct au Parlement, qui aurait ses propres chefs et sa politique particulière; entre autres objets, ce groupe doit être prêt à coopérer avec le parti, quel qu'il soit, qui à ce moment précis cherchera à faire voter des mesures intéressant directement le travail ». L'intervention de John Burns fit prévaloir l'avis que le nouveau parti s'occuperait des intérêts généraux de la classe ouvrière, et non pas de ceux de catégories professionnelles particulières.

Dans le Comité Exécutif de la Représentation Ouvrière, les organisations socialistes, quoiqu'elles ne représentassent que 22 000 adhérents, avaient 6 membres, tandis que les 465 000 syndiqués n'en avaient que 7.

L'influence des socialistes était prépondérante, et il put sembler alors que le Comité n'était qu'un prolongement de l'Independant Labour Party, dont il adopterait sans doute le programme de collectivisation des moyens de production, de transport, d'échange et aussi de réformes ouvrières.

Ce programme ne pouvait rallier les suffrages de la majorité des ouvriers qualifiés, qui n'étaient pas socialistes. Comme les ressources devaient être fournies par leurs Unions il semblait que le mouvement dût avorter, et d'autre part les socialistes seuls ne pouvaient aboutir. Tous leurs efforts électoraux n'avaient ouvert la porte de Westminster qu'à un seul représentant, Keir Hardie, élu en 1900. Mais c'est alors qu'intervient la cause externe que nous avons signalée, qui amène parmi les anciennes Unions un revirement favorable à l'idée de la Représentation du Parti au Parlement.

L'arrêt des Law-Lords de 1901 posait en effet une question très précise et urgente à résoudre. Après la proclamation de la responsabilité civile des Trade-Unions pour les dommages causés par leurs membres, et la démonstration faite de l'ambiguïté des textes des lois syndicales, il s'agissait par l'action politique, non d'acquérir des avantages nouveaux, mais de conserver les libertés que les syndicats avaient cru posséder l'avenir du syndicalisme, son exis

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