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l'avenir, que l'État de Saint-Paul n'est pas pressé de vendre, qu'il altendra le moment favorable qui se présentera inévitablement.

«Le gouvernement de l'État, déclarait le gouverneur dans son message du 14 juillet 1907, ne pense pas à se défaire des cafés acquis et dispose de ressources suffisantes pour retenir autant de temps qu'il le faudra les cafés qui sont sa propriété. Il prétend en disposer seulement quand les nécessités de la consommation l'exigeront et les vendre seulement à des prix compensateurs, assurant à l'agriculture les avantages que le gouvernement a en vue d'obtenir, tout en sauvegardant les intérêts du Trésor mais sans se préoccuper de bénéfices ou de préjudices, ces opérations n'ayant pas été réalisées dans un but de spéculation. »>

Si les valorisateurs ont tellement d'espoir dans des prix plus élevés pour l'avenir c'est que, se basant sur l'expérience du passé, ils estiment qu'après une récolte aussi exceptionnellement abondante que celle de 1906-1907 il ne saurait y avoir de récolte comparable en importance ayant 1911-1912.

« Après une saison trop riche, les branches fleurales du caféier meurent et il faut attendre plus de deux ans pour qu'elles soient remplacées. Les branches qui persistent sont anémiées par l'effort et ne donnent pas de fruits. Une année d'abondance entraîne deux ou trois années de disette 1. »

Pendant ces deux ou trois années, disent encore les valorisateurs, la production mondiale ne dépassera pas 13 à 14 millions de sacs, et sera inférieure à la consommation, qui est actuellement de 17 millions de sacs, avec tendance à s'accroître de 500,000 à 600,000 sacs par an. L'État de Saint-Paul se dégagera de ses 8 millions de sacs, lorsque le stock disponible sur le marché sera en telle diminution que les prix seront en vive hausse et qu'il pourra, tout à son aise et sans peser sur les cours, écouler ses réserves.

Telles sont les perspectives pour l'avenir des amis de la valori

salion.

Nous avons calculé, en prenant les chiffres très modérés donnés par les valorisateurs pour la récolte 1907-1908 (14 millions de sacs) et pour la récolte 1908-1909 (15,300,000 sacs), qu'au 1er juillet 1909

1. Voir lettre du Brésil publiée dans le journal Le Temps du 11 novembre 1907.

le stock sera encore d'un million de sacs supérieur à ce qu'il était le 1er juillet 1906, au moment où ont commencé les doléances des planteurs de café 1.

Si, à ce moment-là, après deux mauvaises récoltes, une grande récolte s'annonçait, on se trouverait placé de nouveau dans la même situation qu'avant la valorisation, avec cette différence que sur 11 millions de sacs 8 millions appartiendraient à l'État de Saint

Paul.

Ce ne sont là d'ailleurs que des prévisions et nous formons des vœux pour qu'il y ait une série de trois ou quatre récoltes médiocres, comme le désirent les amis de la valorisation, de façon à ce que la liquidation de cette opération se passe dans les meilleures conditions.

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Nous ne croyons pas contrairement à l'opinion des valorisateurs que l'on puisse affirmer que sans la valorisation le café serait tombé à 25 francs. Nous pensons en effet que si le raisonnement tenu par les valorisateurs est assez précis pour justifier leurs achats, les spéculateurs dont c'est la raison d'être de supputer l'avenir n'auraient pas manqué d'arriver à des déductions identiques et de faire des achats de café en prévision de la hausse future. Ces achats auraient empêché la baisse de se produire, tandis que lorsque l'État de Saint-Paul a commencé à intervenir, la spéculation a cessé complètement sur le café et aujourd'hui encore, en vertu de cet adage financier que la crainte d'un fait impressionne plus que sa réalisation, elle se tient à l'écart du marché du café, parce

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qu'elle craint tnujours que l'État de Saint-Paul ne vende, à un moment donné, tout ou partie des 8 millions de sacs. Une certaine quantité d'une denrée entre les mains d'un seul paralyse l'essor d'un marché davantage qu'une quantité beaucoup plus grande disséminée entre de nombreuses personnes.

On peut, dans une certaine mesure, s'expliquer l'attitude d'expectative et de réserve dans laquelle se tient la spéculation vis-à-vis du marché du café. En effet, l'État de Saint-Paul est dans la situation d'un spéculateur qui a une forte position à la hausse. Il peut arriver tel ou tel événement inattendu qui l'oblige à liquider cette position dans un délai très court.

A quelle somme correspond, en effet, son engagement? D'après une étude très documentée parue dans le Journal du Commerce de Rio de Janeiro, les 8 millions de sacs représentent £ 18,000,000, soit 450 millions de francs ou 36 fr. 25 par sac de 60 kilos. Dans cette somme sont compris le prix d'achat au Brésil, les commissions. d'achat, les frais d'envoi dans les ports européens et les autres frais divers. L'auteur de la même étude estime que si les 8 millions de sacs étaient actuellement vendus, la perte subie serait de 70 millions de francs.

Un pareil engagement se traduit par une lourde charge qui, à raison de 5 p. 0/0 d'intérêts, de 2 1/2 p. 0/0 de magasinage et d'assurance et de 3 p. 0/0 de commission, soit en tout 10 1/2 p. 0/0, est environ de 40 à 50 millions de francs par an. En temps normal, c'est-à-dire en période de prospérité, il est certain qu'une dépense supplémentaire de 40 à 50 millions de francs soit 30,000 contos environ au change actuel de 15 pence pas milreis est un sacrifice qu'un État aussi riche que l'État de Saint-Paul peut aisément supporter.

Mais supposons un instant que la situation financière de l'État de Saint-Paul et du Brésil vienne à être moins florissante, par exemple par suite d'une balance du commerce moins favorable, et que le gouvernement fédéral ne puisse seconder l'État de Saint-Paul au moment d'une échéance importante. Sans doute, la surtaxe d'expor tation de 3 francs par sac rapporte à cet État environ 23,000,000 francs par an en prenant pour base une récolte moyenne de 8,000,000 de sacs. Mais, comme le montant de ce droit est spécialement affecté

à la garantie de l'emprunt 1906 de £3,000,000, et en grande partie absorbé par le service de cet emprunt remboursable en un délai très court, en quatre ans à partir du 1er décembre 1908, cette ressource est presque entièrement indisponible pendant toute cette période. Qui peut savoir si, en présence d'une éventualité comme celle que nous venons de signaler, l'État de Saint-Paul ne serait pas forcé en toute hâte et à tout prix de liquider sa position et de subir les exigences des acheteurs?

Même si l'État de Saint-Paul parvient à vendre avec profit ses nombreux millions de sacs et si la valorisation doit être considérée comme une sorte de mesure de salut public exigée par les événements, il n'en restera pas moins vrai qu'elle aura créé un précédent fâcheux. Dès le mois de septembre 1906, des députés du nord du Brésil, gagnés par la contagion de l'exemple, déposaient à la Chambre un projet de loi tendant à réglementer le commerce du caoutchouc, du tabac, du cacao et du sucre, à élever la valeur de ces produits et à organiser un service de propagande pour en augmenter la consommation.

Plus récemment, vers la fin de 1907, au moment de la forte baisse du caoutchouc, des habitants de l'État de l'Amazone demandaient que le Brésil négociât un emprunt en Europe pour acheter aux producteurs la récolte du caoutchouc et l'emmagasiner jusqu'à ce que les cours se soient relevés. Puissent-ils ne pas obtenir gain de cause et puisse le Brésil être préservé de la valorisation du caoutchouc!

Comme on l'a dit très justement, c'est non pas tel ou tel produit, mais le Brésil tout entier qu'il faut valoriser « en mobilisant le plus possible la terre, en encourageant la production de toutes les denrées de première nécessité qu'on achète encore très cher à l'étranger, en organisant le crédit foncier et agricole1».

La vraie solution du problème économique qui s'est posé au Brésil à l'approche de la récolte 1906-1907 aurait consisté, à notre avis, à créer une Banque agricole destinée à fournir à l'agriculture

1. Voir le journal Le Brésil, 27 janvier 1907.

des capitaux et du crédit au moyen de prêts sur gage, escompte de warrants, etc.

L'État de Saint-Paul aurait pu éviter d'entreprendre lui-même les achats de café et donner satisfaction aux producteurs sans engager directement son crédit et celui du Brésil. Pour cela il aurait dû encourager les planteurs à conserver jusqu'à des temps meilleurs, tout ou partie de leur récolte (soit chez eux, soit dans les docks des ports européens), et les importateurs étrangers à profiter des bas cours pour faire des achats de café. Il aurait facilité la tâche aux uns et aux autres en leur faisant avancer par la Banque agricole, qui aurait été organisée, tout ou partie des fonds nécessaires.

De cette manière, ce n'était pas l'État qui prenait à sa charge le risque, mais des particuliers, et la situation était tout autre. De plus la Banque agricole, une fois créée, n'était pas destinée à jouer un rôle momentané, mais elle était appelée d'une façon permanente à rendre des services inappréciables aux producteurs agricoles du Brésil tout entier.

Le 28 novembre dernier, le Président de la République du Brésil a sanctionné une loi du Congrès qui autorise la création d'une Banque centrale agricole, et le ministre des finances prend des dispositions pour qu'elle puisse fonctionner bientôt. Ce que sera celte Banque, l'avenir se chargera de nous l'apprendre'.

MAURICE LÉVY.

1. Depuis que cet article a été écrit, deux faits importants se sont produits. Dans le courant du mois de mai, la Banque de France décidait qu'elle n'accepterait plus, jusqu'à nouvel ordre, de warrants de cafés du Brésil, sur une base supérieure à 40 franes par 50 kilogs rendus au Havre. En août, le Congrès législatif de l'Etat de São Paulc a voté une loi créant une série de mesures nouvelles pour régulariser la situation financière de l'Etat, embarrassée par l'exécution du plan de valorisation. Les mesures adoptées ont pour objet création d'un impôt additionnel de 20 p. 100 sur le café exporté de l'État, et excédant 9 millions de sacs pour l'année agricole actuelle, 9 millions 1/2 pour la prochaine, et 10 millions pour la suivante; - élévation de 3 francs à 3 francs de la surtaxe de sortie perque sur les cafés; - autorisation d'un emprunt extérieur jusqu'à concurrence de 15 millions de livres sterling.

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