Sivut kuvina
PDF
ePub

discussions les plus passionnées. La façon dont l'Angleterre l'a résolue, si elle n'apporte pas une solution, fournit des faits qui doivent être pris en considération.

Il faut noter immédiatement que l'action politique n'a pas pour objet de se substituer à l'action syndicale, mais de s'y superposer. L'idée de combiner les deux modes d'actions est d'ailleurs ancienne.

Déjà en 1874, n'ayant pu obtenir la modification de la loi syndicale de 1871, les Unions présentèrent 13 candidats aux élections générales deux, Burt et Mac Donald, furent élus.

Il y eut alors un embryon de parti du travail et le résultat souhaité fut obtenu.

On comprit que, si on les y contraignait, les forces politiques ouvrières à l'état latent interviendraient dans la lutte politique, c'est cette idée beaucoup plus que la présence aux Communes des Députés ouvriers qui décida les Conservateurs alors au pouvoir à voter les lois syndicales de 1875 et 1876.

L'effort ne fut pas renouvelé aux élections suivantes. Le Parlement a cependant eu depuis 1874 des membres ouvriers, mais ceux-ci n'étaient que les représentants particuliers d'Unions et non de la collectivité ouvrière. Ils n'avaient pas reçu l'investiture des Congrès des Trade-Unions ou de leur Comité Parlementaire. Ils ne défendaient que les intérêts particuliers de leur Union. Il y en avait 11 en 1889, 9 en 1886, 16 en 1892, 12 en 1895 et 1900. Mais ces représentants n'avaient pas l'autorité d'un parti indépendant et avec lequel les autres doivent compter. Toutes proportions gardées, ils ont été loin de jouer le rôle des nationalistes irlandais.

Mais si les Trade-Unions avaient repris après 1874 leur action individuelle, si elles s'étaient cantonnées temporairement sur le terrain professionnel et économique, elles n'avaient pas en principe répudié l'action politique comme moyen de défense des intérêts généraux de la classe ouvrière quand elle serait nécessaire. Cependant, en fait, un certain nombre d'Unions n'étaient pas favorables à cette tactique.

L'une des causes qui devaient conduire le Parti Ouvrier à se constituer en parti politique, c'est l'introduction dans le Trade Unionisme d'éléments nouveaux qui, plus que les anciens, avaient besoin de

l'action législative, et n'avaient pas à son égard les mêmes répugnances. A cette cause d'ordre interne il faut ajouter une cause d'ordre externe, l'hostilité contre les Trade-Unions manifestée surtout par les arrêts fameux de la Chambre des Lords, qui firent sentir à toutes les Unions la nécessité de l'action parlementaire.

La cause d'ordre interne, c'est l'avènement du Néo-Trade Unionisme. Les nouvelles organisations professionnelles qui se constituèrent après la grande grève des Docks de 1889 étaient fortement pénétrées d'esprit socialiste. Les mêmes hommes, Keir Hardie, Ben Tillet, Tom Mann, qui étaient à leur tête, dirigeaient aussi le mouvement socialiste.

Aussi, l'action de ces groupements nouveaux différa-t-elle nécessairement de celle des anciennes Unions d'ouvriers qualifiés. Nouvellement constitués, ils n'avaient pas de traditions; formés d'ouvriers à bas salaires, ils n'auraient pu organiser des mutualités ni accumuler des capitaux. D'ailleurs, cela était incompatible avec les principes de leurs chefs. D'autre part, les anciennes Unions groupant la majorité des ouvriers habiles de leur profession, hommes que l'on ne pouvait remplacer s'ils quittaient le travail, avaient un moyen d'action qui échappait aux nouvelles. Celles-ci, composées de manœuvres qui n'étaient jamais indispensables aux employeurs, puisqu'on pouvait leur substituer n'importe quelle unité dans l'innombrable armée de réserve, ne pouvaient maintenir par leurs propres moyens leurs conditions d'existence, d'où leur tactique de grèves courtes et fréquentes.

Mais ce moyen était encore insuffisant, et c'est de l'action législative qu'elles attendaient différentes améliorations; c'est pourquoi elles l'inscrivirent en tête de leurs revendications et commencèrent en sa faveur une propagande incessante. Longtemps les congrès des Trade-Unions repoussèrent leurs motions, mais en 1899 elles remportèrent un premier succès au Congrès de Plymouth, qui invita son Comité Parlementaire à provoquer la réunion d'une conférence entre syndicats, organisations socialistes et coopératives, afin de discuter la question de la représentation ouvrière directe au Parlement.

Cette conférence se réunit à Londres les 27 et 28 février 1900 sous le nom de Comité de la Représentation Ouvrière. Elle compre

nait 68 organisations syndicales et les organisations socialistes anglaises Social Democratic Federation, Independant Labour Party et Fabian Society; les sociétés coopératives s'étaient et se sont tenues depuis à l'écart du mouvement.

La conférence décida qu'il y avait lieu de « fonder un groupe distinct au Parlement, qui aurait ses propres chefs et sa politique particulière; entre autres objets, ce groupe doit être prêt à coopérer avec le parti, quel qu'il soit, qui à ce moment précis cherchera à faire voter des mesures intéressant directement le travail ». L'intervention de John Burns fit prévaloir l'avis que le nouveau parti s'occuperait des intérêts généraux de la classe ouvrière, et non pas de ceux de catégories professionnelles particulières.

Dans le Comité Exécutif de la Représentation Ouvrière, les organisations socialistes, quoiqu'elles ne représentassent que 22 000 adhérents, avaient 6 membres, tandis que les 465 000 syndiqués n'en avaient que 7.

L'influence des socialistes était prépondérante, et il put sembler alors que le Comité n'était qu'un prolongement de l'Independant Labour Party, dont il adopterait sans doute le programme de collectivisation des moyens de production, de transport, d'échange et aussi de réformes ouvrières.

Ce programme ne pouvait rallier les suffrages de la majorité des ouvriers qualifiés, qui n'étaient pas socialistes. Comme les ressources devaient être fournies par leurs Unions il semblait que le mouvement dût avorter, et d'autre part les socialistes seuls ne pouvaient aboutir. Tous leurs efforts électoraux n'avaient ouvert la porte de Westminster qu'à un seul représentant, Keir Hardie, élu en 1900. Mais c'est alors qu'intervient la cause externe que nous avons signalée, qui amène parmi les anciennes Unions un revirement favorable à l'idée de la Représentation du Parti au Parlement.

L'arrêt des Law-Lords de 1901 posait en effet une question très précise et urgente à résoudre. Après la proclamation de la responsabilité civile des Trade-Unions pour les dommages causés par leurs membres, et la démonstration faite de l'ambiguïté des textes des lois syndicales, il s'agissait par l'action politique, non d'acquérir des avantages nouveaux, mais de conserver les libertés que les syndicats avaient cru posséder l'avenir du syndicalisme, son exis

tence même étaient menacés. Si la loi était ce que la faisait l'interprétation des Law-Lords, elle était mauvaise, il fallait la changer. C'est pourquoi, en 1901, le congrès de Swansea déclarait qu'il fallait faire préciser les actes licites en temps de grève et que le seul moyen d'y parvenir était la constitution d'un fort Parti Indépendant du Travail.

« Vous vous plaignez de la loi actuelle et de son injustice! qui l'a faite? Les patrons que les ouvriers envoient les représenter à la Chambre des Communes. Les ouvriers dépensent tous les ans 2 millions pour défendre les intérêts du Trade Unionisme et au jour du scrutin ils élisent des employeurs qui font des lois tendant à détruire ce Trade Unionisme pour lequel les ouvriers dépensent tant d'argent. »

Mais l'arrêt de 1901 n'était qu'un premier pas et la situation devait encore s'aggraver: cet arrêt rendait à peu près impossible la conduite d'une grève une fois celle-ci déclarée. Les ouvriers croyaient pouvoir cesser le travail brusquement en s'abstenant ensuite de tout fait de grève. Un arrêt des Lords décida que cette cessation brusque donnait lieu à des dommages-intérêts qui furent en l'espèce fixés à 1,250,000 francs.

Il n'était plus possible aux syndicats de faire grève autrement qu'en observant les délais de prévenance.

En 1905, un nouvel arrêt interdit dans ce cas à l'Union de verser à ses membres la paie de grève prévue par les statuts, sous prétexte qu'il y avait grève illicite, arrêt d'autant plus monstrueux que, d'après la loi, toutes les grèves sont licites, quel que soit leur motif 2.

Le droit de grève, toujours inscrit dans les Trade Unions Acts, n'est plus qu'un droit théorique. On comprend que la classe ouvrière tout entière, quelles qu'aient pu être ses préférences pour l'abstenti on politique, ait décidé d'envoyer au Parlement des représentants en nombre suffisant pour défendre des droits acquis et le mouvement, dont les élections de 1906 ont montré l'ampleur et la puissance, s'explique aisément.

1. Report of the Proceedings of the 34th Annual Trade Union Congress.

2. Cf. notre article, La Chambre des Lords et les Trade-Unions, Revue d'Economie politique, novembre 1905.

Les Congrès syndicaux de Swansea en 1901 et de Londres en 1902 adoptèrent à l'unanimité des résolutions invitant les Trade-Unions à coordonner leurs efforts en vue de l'action politique. Pour cela, elles devaient s'affilier au Comité de la Représentation Ouvrière, afin de constituer au Parlement un groupe homogène et indépendant, chargé de défendre les intérêts collectifs ouvriers.

Dès cette époque, il y avait à la Chambre des Communes un noyau de Parti du Travail, constitué par les quelques députés ouvriers que leurs organisations respectives avaient fait élire.

Au lendemain du jour où les Congrès s'étaient prononcés pour l'action politique, ces députés cessaient d'être les représentants d'un Union particulière pour devenir ceux de la classe ouvrière toute entière. Leur présence au Parlement prenait une signification nouvelle.

Et si leurs efforts, tant qu'ils avaient été isolés, n'avaient pas été sans résultat, on leur devait le peu de législation sociale votée jusqu'à cette époque, leur influence était singulièrement accrue du seul fait de leur nouveau caractère, surtout après les élections de Shakleton et de Will Crooks dont le programme était uniquement la défense des intérêts du travail.

Le parti libéral auquel jusqu'ici les députés Trade-Unionistes avaient prêté leur concours vit nettement la modification qui venait de se produire et qu'un nouveau parti politique était né dont il faudrait tenir compte. Mais il espéra qu'il pourrait canaliser le mouvement à son profit en appuyant les revendications formulées.

L'influence du nouveau parti est très sensible à la fin de la législature et tout à fait disproportionnée à son importance numérique. C'est que ces 12 députés représentaient un pouvoir considérable dans le pays, pouvoir qui jusque-là était resté inactif. Ce fut la cause de l'attraction qu'ils exercèrent sur le parti Libéral. Les Libéraux, favorables en principe aux revendications ouvrières, n'eussent pas, seuls, trouvé l'énergie nécessaire pour les faire entendre, si quelque considération de fidélité à leur parti les eût incités à laisser passer le moment opportun de les manifester. Mais, entraînés par les députés ouvriers, ils leur apportèrent leur concours très largement et sans hésitation. C'est ainsi que l'on vit par trois fois, malgré l'opposition du gouvernement, les députés ouvriers faire inscrire.

« EdellinenJatka »