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à l'ordre du jour et discuter des motions et des projets de loi donnant satisfaction aux Trade-Unions, quant à leur statut légal. Le 2 mai 1902, le Ministère Balfour ne put obtenir que 29 voix de majorité contre une proposition de M. Beaumont déclarant qu'une loi était nécessaire pour empêcher les ouvriers de se trouver placés par des arrêts judiciaires dans une situation inférieure à celle que leur avait accordé le Trade-Union Act de 1871. En 1903, Shakleton déposait un projet de loi qui rendait légal le picketing paisible, amendait la loi de conspiracy et mettait les fonds des Unions à l'abri des atteintes. Le Speaker des Communes fit retrancher cette dernière disposition; cependant le Bill ne vint pas en discussion. En 1904, malgré qu'il fut énergiquement combattu par M. Balfour, ce même Bill fut adopté en seconde lecture à une grosse majorité et le premier ministre dut recourir à la ruse pour l'empêcher d'être discuté en Comité. L'année suivante, les Trade-Unionistes représentèrent le projet. La seconde lecture fut votée à la presque unanimité, le gouvernement s'étant désintéressé de la discussion après avoir compris qu'il ne pourrait empêcher la Chambre de le voter. Le Bill fut examiné par le Grand Comité de la Chambre, mais là il subit, à la requête des amis de M. Balfour, des modifications si importantes que rien ne subsistait de ses dispositions essentielles. Aussi les ouvriers n'insistèrent-il pas pour la troisième lecture. Ils se contentèrent d'exercer leur action en dehors du Parlement en vue d'augmenter l'effectif de leur représentation 1.

Mais les résultats obtenus n'étaient pas négligeables. Or, les syndicats ne s'étaient pas en effet leurrés d'illusions sur le sort réservé aux propositions ouvrières, ce qu'on avait cherché c'était à signifier aux autres partis la puissance dont disposaient les travailleurs organisés. D'un autre côté, on montrait aux hésitants l'efficacité de l'action politique au cas où des membres ouvriers seraient en nombre suffisant. « Voyez, leur disait-on, ce qu'a pu faire une majorité infime! elle a obtenu ces votes si importants et la défaite du gouvernement. Si, au lieu de 12, le parti comptait 40 ou 30 membres et qu'il fût en mesure d'établir ou de rompre la majorité par son vote, il obtiendrait, non plus des décisions platoniques,

1. 1902, 1904 et 1905. Bills connus sous le nom de Motion Beaumont et Paulton et Shakleton Bills.

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mais des mesures efficaces; le Ministère, quel qu'il fût, lui ferait des concessions pour obtenir sa neutralité, puisque le Parti du Travail serait l'arbitre de la situation entre Libéraux et Conservateurs. >>

Le Comité de Représentation Ouvrière n'est pas parvenu à assurer l'unité du mouvement ouvrier. On peut se demander pourquoi? Issu des Congrès syndicaux, dont il devrait être un organe permanent, son rôle étant précisément d'assurer la coordination des efforts des divers syndicats sur le terrain politique, il devait servir de lien entre eux, concentrer les fonds, déterminer les circonscriptions où on livrerait bataille et choisir les candidats du travail. Mais nous avons dit l'influence prépondérante qu'eurent dans ces Congrès les organisations socialistes. Or, si à la Conférence de Londres on avait décidé «< que le Parti du Travail pourrait coopérer avec les partis bourgeois, s'ils travaillaient à faire voter une législation de réformes ouvrières, et que l'on pourrait admettre parmi les membres non seulement des travailleurs mais des hommes en sympathie avec le but poursuivi par la classe ouvrière et dont la candidature serait soutenue par l'une quelconque des organisations représentées à la conférence », vote qui avait entraîné l'adhésion au L. R. C. des syndicats d'ouvriers qualifiés, il devait naître bientôt des divergences sur cette question de tactique entre eux et les socialistes. En vue des élections, ils préconisèrent en effet l'alliance avec les Libéraux, espérant, grâce aux bonnes dispositions de ce parti, qu'elle leur assurerait le succès dans un grand nombre de circonscriptions. Les socialistes Will Thorne, Pele Curran (gaziers), Ben Tillett, Sexton (dockers), Keir Hardie, d'autres encore, firent prévaloir l'opinion contraire. Avant tout, le nouveau Parti devait sauvegarder son indépendance: créé pour défendre des intérêts de classe distincts et souvent antagonistes des intérêts des partis bourgeois, il ne devait ni faire leur jeu, ni se confondre avec eux, il y allait de son autorité morale, de sa puissance véritable, quand même il devrait y perdre quelques sièges électoraux. « Et seront seuls Labour Candidates, dit la résolution adoptée, ceux qui ayant accepté

le programme du L. R. C. seront présentés par lui et se porteront uniquement comme représentants du travail 1. »

Et, dès avant les élections, les membres du L. R. C. observèrent au Parlement leur principe d'indépendance, n'acceptant avec les partis bourgeois qu'une coalition momentanée, votant aujourd'hui avec les libéraux, demain avec les conservateurs, ce qui contribua à accentuer les dissensions entre eux et les Libéraux ouvriers qui, fiers des résultats qu'ils avaient déjà obtenus, voulaient donner leur appui aux Libéraux en échange de leur concours pour les questions ouvrières. La tactique du L. R. C. était hardie, utile à l'avenir du parti ouvrier. Elle était périlleuse et risquait d'aboutir lors des élections à l'émiettement des voix ouvrières que sa création avait eu pour but d'éviter. Ces anciennes Unions, qui n'étaient entrées dans l'action politique qu'en raison des arrêts des Law Lords, étaient effrayées de ces tendances. De plus elles avaient dû, pour suivre le L. R. C., sacrifier les hommes qui les représentaient au Parlement et ne le voulaient pas.

C'est ce qui explique pourquoi, après les élections de 1906, il n'y avait pas à Westminter un parti ouvrier mais trois le Parti du Travail (avec 29 membres), les Libéraux ouvriers (avec 9), les Mineurs (avec 14), ayant chacun leur Whip spécial.

En dépit des difficultés de son entreprise, le Parti du Travail remportait donc un succès. Par ses seuls efforts, combattant à la fois conservateurs et libéraux, il a fait élire 29 députés sur 50 candidats. Il est d'ailleurs intéressant de remarquer qu'aucun d'entre eux n'a été élu comme socialiste, mais que tous l'ont été comme représentants du travail (22 étaient Trade-Unionistes, 7 furent désignés par les organisations socialistes), et Hyndman malgré sa popularité a été battu à Burnley par Madison, le plus libéral des Libéraux ouvriers.

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1. Le L. R. C., pour être assuré que ses candidats ne contracteraient aucune alliance électorale qui leur fit abandonner une portion, si faible fùt-elle, de leur indépendance, - après avoir affirmé sa résolution par des motions de plus en plus nettes, faisait signer la déclaration suivante à tous ceux qui sollicitaient son appui : ... Ils s'engagent à s'abstenir strictement de toute action ayant pour but de s'identifier aux, ou de favoriser une section quelconque, des Partis libéral et conservateur et à ne s'opposer à aucun autre Candidat proposé par le Comité. Tous les Candidats s'engagent à accepter cette constitution, à se soumettre aux décisions du groupe pour parvenir aux fins de cette Constitution ou à démissionner ».

A l'intérieur même du Parti, après les élections, deux tendances se sont manifestées : l'une, modérée, qui proposa Shakleton comme leader avec l'espoir que grâce à ce choix un rapprochement pourrait se faire avec les Libéraux ouvriers; l'autre, intransigeante, avait pour candidat Keir Hardie, chef de l'Independant Labour Party, qui fut élu par 2 voix de majorité.

Les Libéraux Ouvriers de leur côté désignèrent un leader.

Quant aux Mineurs, ils occupent une situation intermédiaire entre les deux groupes précédents. Par certains de leurs membres. comme Burt, ils se rapprochent des Libéraux, par d'autres tels que Glover et Walch, du Parti du Travail. Les puissantes organisations des mineurs, qui ont des intérêts propres à défendre, une législation particulière à faire voter, ont persévéré dans leur action politique indépendante, elles ont tenu à ce que leurs représentants conservent théoriquement leur autonomie et soient en quelque sorte aux autres partis du Travail ce que le Parti du Travail veut être aux Conservateurs et aux Libéraux.

La scission entre le Parti Ouvrier et les Libéraux Ouvriers devait d'ailleurs s'accentuer encore après les élections. Keir Hardie, une fois nommé leader, proposa que les membres du Parti coopérassent avec les autres élus ouvriers sur toutes les. questions économiques. La proposition fut soumise au L. R. C. (réuni à Londres les 16, 17 et 18 février 1906) et repoussée; les libéraux ouvriers furent exclus du Parti.

Le L. R. C. (qui désormais prend le nom de Parti du Travail) décida en même temps que ses élus seraient à l'avenir soumis d'une manière permanente au contrôle du Comité Exécutif (et non plus seulement pendant les sessions) pour leurs actes et leurs paroles. Le succès électoral leur faisait plus que jamais un devoir de rester complètement indépendants.

Quel programme va défendre le nouveau parti? A dire vrai, il a de nombreuses revendications, mais elles ne constituent pas un véritable programme, et cela intentionellement. Il n'a pas voulu être lié, préférant conserver toute liberté pour présenter au

1. A leur congrès de l'automne 1906 la question fut posée de l'affiliation de la Fédération des Mineurs (près de 500,000 membres) au « Parti du Travail ». Après une très vive discussion, cette proposition fut rejetée.

moment le plus favorable l'une ou l'autre de ces revendications. Ces revendications portent en premier lieu sur les lois syndicales, dont les débats récemment terminés sont une grande victoire pour le parti, qui fit intégralement adopter le texte qu'il avait choisi, sur le principe du droit au travail, l'extension de la loi sur les accidents du travail, les retraites ouvrières, l'instruction élémentaire gratuite et même le paiement par les pouvoirs publics de la nourriture des enfants fréquentant les écoles, l'instruction secondaire gratuite (mais d'une façon moins pressante, on accorde que cela ne peut être immédiat), enfin la réforme électorale avec l'indemnité parlementaire et le paiement par l'Etat des returning officers, réforme que l'on s'étonnera peut-être de voir en tête d'un programme ouvrier, mais à laquelle est attachée l'extension et même peut-être le maintien de la représentation directe du Travail. Aussi convient-il de donner sur elle quelques explications.

La représentation au Parlement est une lourde charge pour les syndicats et le Labour Party aura grand'peine à faire face à ces dépenses. Si ses 50 candidats avaient été élus, il n'aurait pu y parvenir. En effet, il supporte 25 p. 0/0 des frais de campagne électorale et assure une indemnité annuelle de £ 200 à ses élus. Pour faire face à ces charges, il dispose en recettes d'une contribution de 1 d. par adhérent versée par les syndicats et organisations socialistes qui paient en outre 15 shillings par an et par 1,000 membres, et d'une contribution de 30 shillings pour le premier délégué et de 10 shillings pour les délégués supplémentaires des 76 TradesCouncils (équivalent de nos Bourses du Travail) affiliés; soit au total pour les 900,000 membres appartenant à l'Independant Labour Party, à la Fabian Society, aux 165 Trades Unions et aux 76 Trades Councils £4,423 auxquelles il faut ajouter £ 2,200 provenant de don en vue des élections générales. Or les seules indemnités aux 29 élus représentent très près de £ 5,000. Il va falloir, ce à quoi on est d'ailleurs résolu, augmenter les contributions. Mais le Tra

1. Pour payer leurs cotisations les Unions se sont constitué des fonds électoraux alimentés par des cotisations spéciales. Ces fonds (en dehors de la participation du L. R. C.) servent à couvrir les frais de l'action politique particulière de chaque Union qui paye également 25 p. 0/0 des dépenses d'élections de ses candidats patronnés par le L. R. C. C'est ainsi, par exemple, que les mineurs avec leurs 330,000 membres à 1 shilling recueillent £16,000 et les employés de chemins de fer, £ 2,670, avec 53,000 adhérents.

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