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niaire des syndicats, les employeurs triomphèrent et poussèrent des cris de victoire. Ils firent preuve de courte vue. Il est des victoires qui sont pires que des défaites et qu'il vaut mieux ne pas remporter. L'atteinte que les employeurs portèrent aux droits syndicaux pour consolider l'édifice social de leurs droits et de leurs privilèges fut le premier coup de pioche porté à cet édifice. Ils en détachèrent la pierre angulaire. >>

MAURICE ALFASSA.

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Pour comprendre toute l'importance d'une réglementation de la propriété foncière à Madagascar il faut se souvenir que le régime foncier malgache avait été une cause de dissentiment entre le gouvernement français et celui de la Reine de Madagascar.

Les expéditions de 1883 à 1885 ont été causées en effet par le refus du premier ministre Rainilaiarivony d'admettre les réclamations de la France au sujet de la succession immobilière de Jean Laborde. Celui-ci à sa mort en 1878 laissait une fortune immobilière évaluée à plus d'un million. Aux termes des articles 4 et 11 du traité franco-hova du 8 août 1868 cette fortune devait revenir à ses héritiers. Cependant le gouvernement malgache prétendit que la coutume ne permettait pas aux étrangers de posséder des terres à Madagascar, en pleine propriété. Invoquant ce droit coutumier, Rainilaiarivony refusa d'admettre les réclamations des héritiers Laborde. II proclama même sa théorie, dans le Code malgache, dit des 305 articles, qu'il fit promulger en 1881.

En 1885, après plusieurs campagnes de médiocre succès, le gouvernement français dût abandonner une partie de ses prétentions. Le traité de 1885 ne reconnaissait plus aux Français le droit d'être propriétaires fonciers à Madagascar, mais seulement celui d'être locataires par baux emphyteotiques, renouvelables il est vrai au seul gré des parties, avec faculté de transmettre aux héritiers des contractants les avantages et les charges du contrat 2.

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1. Traité franco-hova de 1868, art. 4: Les Français pourront... en se conformant aux lois et réglements du pays, s'établir partout où ils jugeront convenable, prendre à bail, et acquérir toutes espèces de biens, meubles, et immeubles

2. Traité du 15 décembre 1885, art. 6: « Les citoyens français pourront résider, circuler et faire le commerce librement dans toute l'étendue des États

Seul, l'insuccès de nos expéditions avait entraîné l'abandon d'une partie de nos prétentions, aussi après la campagne de 1895 et la prise de possession de l'île, le gouvernement français put-il prendre sa revanche sur ce point. Une loi de la Reine du 9 mars 1896, inspirée par le Résident général, reconnaissait à tous le droit d'être propriétaire foncier au moins en « domaine utile », l'État se réservant un domaine éminent. Cette même loi créait l'immatriculation à Madagascar et instituait à Tananarive un conservateur de la propriété foncière. Elle proclamait, en outre, solennellement l'inviolabilité de la propriété immatriculée. Tel est l'embryon du régime foncier actuel de Madagascar 1. Peu après cette loi, l'Ile de Madagascar était déclarée colonie française 2.

Le Gouverneur général, par un arrêté du 10 septembre 1896, réglementait de nouveau la législation foncière, ne se contentant plus comme la loi malgache précitée de poser les principes de l'immatriculation, l'arrêté en réglementait l'application. Malheureusement i reproduisait un grand nombre de dispositions du Code Civil, dont il était inutilement encombré; il modifiait, d'autre part, insuffisamment le régime métropolitain pour le mettre d'accord avec celui de l'Act Torrens. C'était en résumé un compromis entre deux systèmes inconciliables, celui du Code Civil et celui de l'immatriculation.

On comprit bientôt la nécessité de modifier cette réglementation et d'appliquer résolument le système de l'Act Torrens. C'est ce que fit le décret du 16 juillet 1897 que nous allons étudier.

de la Reine. Ils auront la faculté de louer pour une durée indéterminée par bail emphyteotique renouvelable au seul gré des parties, les terres, maisons, magasins, et toute propriété immobilière... Dans le cas où un Français devenu locataire d'une propriété immobilière viendrait à mourir ses héritiers entreraient en jouissance du bail conclu par lui pour le temps qui resterait à courir avec faculté de renouvellement.

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1. Notons le curieux exposé du motif de cette loi : « Voici ce que je vous dis. ô peuple... Vous savez qu'autrefois des abus ont existé, abus qui ont jeté le trouble parmi vous au sujet de vos biens. A l'avenir cela n'existera plus, car chaque propriétaire pourra se procurer un titre avec un plan constatant les limites de sa propriété, et, quand le propriétaire aura le titre, personne au monde, pas même Moi votre Reine, ne pourra toucher à vos biens. Vous pourrez donc désormais développer en toute sécurité vos travaux de culture..... ceux qui désireront obtenir des titres de propriété n'auront qu'à s'adresser au Gouvernement, il ne leur en coûtera rien que les frais indispensables pour lever des plans et rédiger des titres ».

2. Loi française du 30 mai 1896.

On sait que l'immatriculation, appliquée pour la première fois dans la loi australienne, connue sous le nom d'Act Torrens, a pour but de créer un état civil des immeubles en portant sur un titre officiel de propriété les mutations successives dont l'immeuble est l'objet.

Le but évident de ce système est de faciliter la circulation ou la mise en gage des immeubles.

Les auteurs de ce régime sont donc partis d'un point de vue opposé à celui du Code Civil et de notre ancien droit. Nos anciens auteurs, considérant comme un danger économique et surtout social de laisser le propriétaire aliéner ses immeubles, entravaient ces aliénations; les législateurs modernes au contraire, cherchant à faciliter la circulation sous toutes ses formes, facilitent ces mêmes aliénations d'immeubles.

Ce principe étant posé, on doit se demander si le régime de l'Act Torrens est une chose désirable dans une colonie nouvelle, et en particulier à Madagascar.

Si l'on envisage cette question au point de vue des seuls colons Européens, la réponse affirmative n'est pas douteuse ce système leur assure le maximum de garanties, en ce qui concerne les droits de propriété des vendeurs indigènes.

Au point de vue des indigènes la question est singulièrement plus délicate. N'est-il pas imprudent de faciliter aux indigènes les transactions foncières, et n'est-ce pas leur permettre de se ruiner. eux-mêmes? Les peuples primitifs sont des peuples mineurs, devons-nous les laisser, pour l'appât d'un gain immédiat, se déposséder pour l'avenir?

Mais sur ce point il faut remarquer que les garanties que le Code Civil accorde à la propriété foncière, dépendent presque toutes du statut personnel (minorité, régime matrimonial, hypothèque de la femme, du pupille, de l'interdit), statut qu'on n'a jamais songé à appliquer aux peuples sujets.

Si la vente, conforme au Code Civil, est plus dangereuse pour l'acquéreur, elle n'est pas plus difficile à réaliser pour le vendeur. En fait, ce mode de vente n'a pas empêché les Arabes d'Algérie de vendre la majeure partie de ce qu'ils possédaient. On peut donc considérer cette garantie comme illusoire.

Il est par contre d'un très grand intérêt de protéger l'indigène contre les exactions d'autres indigènes, ou même d'Européens, en les rendant propriétaires indiscutables de leurs terres.

Le principe de l'immatriculation étant admis à Madagascar, une première question se posait pour le législateur: devait-on rendre cette immatriculation obligatoire, ou laisser les propriétaires libres de ne pas se soumettre au nouveau régime?

Il n'est pas douteux que l'immatriculation obligatoire qui place en une fois, sous le nouveau régime, tous les immeubles d'un pays, soit infiniment préférable.

Nous avons pu constater par nous-mêmes que presque toutes les difficultés qui naissent à l'occasion de l'application du régime de l'Act Torrens proviennent de la simultanéité de l'ancien et du nouveau régime cette situation ambiguë entraînant la confusion dans l'esprit du public... et parfois même des hommes de loi.

Malheureusement si l'immatriculation obligatoire évite cet inconvénient, elle a par contre celui d'être très onéreuse pour le pays qui l'entreprend.

En effet, si l'État force les propriétaires à faire immatriculer leurs terrains il lui est difficile d'exiger d'eux les frais de l'immatriculation.

On ne pouvait, à Madagascar, engager cette dépense, ni aux frais de la Colonie, ni aux frais des particuliers; aussi a-t-on adopté le principe de l'immatriculation facultative. Deux restrictions toutefois ont été portées à ce principe et sont contenues dans l'article 14 du décret « l'immatriculation est facultative. Exceptionnellement «l'immatriculation est obligatoire : 1° dans tous les cas de vente, << location ou concession de terrains domaniaux; 2° dans tous les cas « où des Européens ou assimilés se rendront acquéreurs de biens « appartenant à des indigènes. Dans les cas de vente, location ou « concession de terrains domaniaux les intéressés auront un délai « de trois ans pour faire immatriculer les immeubles. »

Toutefois, aucune sanction n'est prescrite à ces obligations. Pour les contrats passés avec l'État, si le concessionnaire n'a pas, dans le délai de trois ans après la concession, engagé la procédure d'immatriculation, l'État peut reprendre le terrain concédé; pour les terrains achetés par des Européens à des indigènes il n'en est pas de même

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