Sivut kuvina
PDF
ePub

période de transition de vingt ans. Les libéraux avaient de leur côté concédé aux conservateurs que les réunions publiques seraient interdites aux jeunes gens de moins de dix-huit ans.

Le ministre ne dissimulait aucunement qu'il eût voulu frapper les Polonais et rien qu'eux il fit remarquer que les états considérés pourraient apporter des exceptions au paragraphe 7 et il laissa à entendre qu'en ce qui concernait l'Alsace-Lorraine, le chancelier et le conseil fédéral (de qui dépendent les pays annexés) se montreraient très libéraux. M. Grégoire prit acte de cette déclaration et se montra disposé à voter la loi ainsi que les autres Lorrains. Les Alsaciens montrèrent plus de hauteur d'esprit l'abbé Delsor déclara <«< qu'il ne voulait pas se mettre à l'abri de l'incendie en allumant la maison des Polonais, et qu'il préférait ne pas bénéficier de la bienveillance passagère des hommes au pouvoir ».

Finalement le paragraphe 7 fut voté par 200 voix contre 179: les Lorrains s'étaient joints aux conservateurs, aux nationaux-libéraux et aux libéraux (4 avril). Il fut décidé que la loi entrerait en vigueur le 15 mai, par conséquent qu'elle serait appliquable lors des prochaines élections au Landtag prussien. Les Polonais profitèrent des quelques jours qui leur restaient pour tenir quelques réunions dans leur langue et pour stigmatiser la conduite des « laquais libéraux de Bülow ».

Dans les états du Sud, on autorisa l'emploi des langues étrangères dans les réunions d'ouvriers ayant pour but la discussion d'intérêts professionnels et la présence des jeunes gens au-dessous de dix-huit ans dans les réunions syndicales. La loi ne restait donc très dure qu'en Prusse, contre les Polonais et les socialistes.

Ce fut la dernière loi importante votée par le Reichstag dans cette session. La réforme financière était remise à l'automne on voulait se préparer aux élections pour le Landtag de Prusse.

Les élections au Landtag de Prusse eurent lieu le 3 juin. C'était toujours l'antique système des trois classes (que d'aucuns trouvent renouvelé de Servius Tullius) qui était en vigueur.

Les socialistes menèrent une campagne vigoureuse. Mécontents de l'attitude des libéraux sur la question du suffrage universel, ils avaient déclaré qu'ils n'admettraient le report des voix socialistes sur les candidals libéraux que dans deux cas 1° dans les circons

criptions où l'on n'élit qu'un député, si le candidat libéral s'engageait par écrit à défendre au Landtag le suffrage universel; 2° dans les circonscriptions où l'on nomme plusieurs députés, si le parti libéral se déclarait prêt à céder un siège aux socialdémocrates. Sinon ils s'abstiendraient.

Dans leurs manifestes, les trois groupes libéraux réclamaient bien le suffrage universel, mais pratiquement ils agissaient sans aucune énergie pour l'obtenir.

Bernstein déclara dans une réunion que la formation d'un bloc de gauche, comme cela avait eu lieu en France, était peut-être désirable, mais probablement impossible.

La caractéristique des élections du 3 juin fut la victoire des socialistes. Dès cette première journée, ils firent entrer six des leurs au Landtag quatre circonscriptions de Berlin, une de Hanovre, et Rixdorf-Schoeneberg (dans la banlieue berlinoise) avaient élu des socialistes. Jamais jusqu'alors, par suite du système censitaire appliqué, aucun socialiste n'était entré au Landtag. Ce succès fut probablement le résultat de l'attitude indécise des radicaux : beaucoup d'électeurs d'esprit réformiste se détournèrent d'un parti qui se montrait si peu fidèle à ses principes et qui, depuis qu'il était entré dans le bloc, perdait peu à peu son indépendance et ses tendances réformatrices.

Le 16 juin eurent lieu les élections du deuxième degré. Les socialistes firent élire à Berlin un septième candidat, bien que les voix conservatrices se fussent presque toutes portées sur le candidat libéral. Malgré ce succès des socialistes, la majorité conservatricecentriste du Landtag (majorité de composition toute différente de celle du Reichstag) restait écrasante les conservateurs gagnaient huit sièges, le centre neuf, les Polonais deux, les libéraux trois les conservateurs libres perdaient cinq sièges, les nationaux-libéraux douze.

Le socialisme allemand, malgré ses succès au Landtag, ne semble pas avoir fait de sensibles progrès au cours de ces derniers mois : il est de plus menacé d'une grave scission entre les deux partis radical (du Nord) et réformiste (du Sud).

Le gouvernement s'est montré sévère pour les tendances antimilitaristes qui se sont manifestées à quelques reprises. Karl Liebknecht a été poursuivi devant le tribunal d'empire de Leipzig pour la publication d'une brochure intitulée Militarisme et antimilitarisme,

au point de vue spécial du mouvement international parmi la jeunesse. Bien que ce factum fût beaucoup plus modéré que les publications « hervéistes» (Liebknecht repousse la grève militaire, l'insurrection el la désertion, il veut rester sur le terrain légal et se défend de faire de la propagande dans les casernes, en un mot il avoue l'antimilitarisme, mais repousse l'antipatriotisme), Liebknecht fut condamné à un an et demi de détention dans une forteresse.

L'antimilitarisme est du reste très rare chez les ouvriers allemands. Il y a même parmi eux un grand nombre de syndicats loyalistes et nationalistes tels sont la plupart des syndicats chrétiens, évangéliques ou catholiques, qu'on qualifierait en France de syndicats <«< jaunes » et qui ont tenu en octobre à Berlin un congrès dit «< congrès des ouvriers allemands », remarquable par la modération de ses revendications et son éloignement pour la lutte de classes.

Le 23 juin s'ouvrit à Hambourg le congrès des syndicalistes à tendance socialiste; 323 délégués étaient présents; Karl Legien présenta le rapport de la commission centrale : le nombre des syndicalistes à tendance socialiste s'élevait à la fin de 1907 à 1,865,000; les recettes de 1907 avaient atteint le chiffre de 51 millions de marks, et l'encaisse était de 33 millions. Les dépenses (secours, indemnités, etc.) avaient été de 43 millions de marks.

Le congrès ne s'occupa ni d'antimilitarisme, ni de grève générale. Il discuta la question du 1er mai. La commission centrale n'était pas favorable au chômage du 1er mai, trouvant que c'était une démonstration inutile, qui fournissait aux patrons l'occasion de faire aux ouvriers la guerre à date fixe et de déclarer des lock-out, souvent fort onéreux pour ceux-ci. Pourquoi ne pas se contenter de faire une fête le soir du 1er mai? On vota une motion qui maintenait en principe le chômage, mais qui laissait désormais les caisses locales et non plus les caisses centrales faire les frais de ces fêtes et des lock-out qui pourraient en résulter.

On s'occupa aussi du travail à domicile: on vota une résolution pour obliger les ouvriers à faire inscrire dans les syndicats leurs enfants lorsque ceux-ci travaillaient à la maison pour des industriels. Les députés au Reichstag devraient tâcher d'obtenir la suppression de l'obligation du couvert et du logis chez le patron dans certaines professions.

Le député Molkenbuhr a fait un rapport important sur l'extension désirable de la législation sociale allemande qui subit un temps d'arrêt. Il a réclamé la journée de 8 heures, l'augmentation des

indemnités de maladie et d'accident, une loi d'assurance pour les veuves et les orphelins, etc. Le congrès a protesté contre le projet de loi du gouvernement sur les chambres de travail, projet qui ne respecte pas assez les droits des ouvriers.

On s'est occupé aussi des coopératives dont le congrès se tenait au même moment à Eisenach. Les coopératives sont très florissantes en Allemagne certaines d'entre elles font de gros bénéfices. Les syndicats reprochent à ces bénéfices d'être perçus sur les camarades et de rappeler la production capitaliste. On a engagé des négociations entre syndicats et coopératives, négociations qui aboutiront peut-être à une entente profitable aux deux sortes de groupements.

Les socialistes n'ont pas été aussi heureux aux élections d'AlsaceLorraine qu'aux élections de Prusse. Les partis bourgeois, aussi bien indigènes qu'immigrés, se sont coalisés contre les socialistes : à Strasbourg, les anciens protestataires et les autonomistes ont préféré voter pour des listes où figuraient des vieux-allemands ou des alsaciens ralliés que pour des listes socialistes (où figuraient du reste aussi plusieurs immigrés): ils l'ont emporté, et les socialistes n'ont pu faire passer aucun candidat. Il en a été de même dans la banlieue de Strasbourg, à Colmar et à Mulhouse.

Au cours de ces derniers mois, une question grave est venue jeter le trouble dans le camp socialiste. Les socialistes bavarois et badois ayant voté le budget de leurs états respectifs, parce qu'il y avait dans ces budgets des améliorations concernant le traitement des instituteurs et des ouvriers de l'état, les socialistes wurtembergeois ayant aussi voté le budget du Wurtemberg, le Comité directeur s'émut de cette violation des principes, anathématisa les socialistes du Sud et résolut de porter cette question devant le Congrès.

En réalité la question se posait entre marxistes purs et revisionnistes, les premiers dominant dans le Nord, les seconds dominant dans le Sud de l'Allemagne. Les sudistes réclamaient le droit de voter le budget chaque fois que l'intérêt du parti pouvait y trouver un bénéfice (les Chambres du Sud étant plus libérales que celles du Nord, puisque les membres de la plupart de ces Chambres sont élus par le suffrage universel, les socialistes ont plus de chances d'y voir triompher quelques-unes de leurs revendications); les nordistes, s'appuyant sur les résolutions votées à Lübeck et à Dresde, exigeaient l'abstention des membres du parti dans ces votes de budgets, quel que fût l'intérêt en cause.

Les semaines qui précédèrent le congrès furent très agitées : le

comité directeur avait mobilisé toutes ses forces pour que la Prusse et la Saxe envoyassent au congrès le plus grand nombre possible de délégués il avait conseillé de donner aux délégués un mandat déterminé, ne laissant à ceux-ci qu'une liberté très restreinte. Les Bavarois, de leur côté, avaient menacé de créer un schisme et de ne pas aller au congrès ils étaient las de la dictature du comité directeur. Même dans le Nord, quelques sections (dans le Brandebourg et à Lübeck) avaient protesté contre le mandat impératif.

Le congrès s'ouvrit à Nüremberg ', le 13 septembre, sous la présidence de Singer. M. Quelch, de Londres, vint d'abord affirmer les sentiments pacifiques des ouvriers anglais. Mais les questions de guerre ou de paix n'intéressaient pas les congressistes, et ils refusèrent de mettre à l'ordre du jour « l'attitude du parti vis-à-vis de la politique extérieure de l'Allemagne '».

On discuta un peu sur l'organisation féminine du socialisme. Le Comité directeur proposait une motion assez impérative une femme devrait, dans chaque localité, faire partie du comité du parti. Von Elm protesta il avait l'impression « qu'on voulait mettre le parti sous la pantoufle de la femme », et il avait toutes les raisons du monde pour s'y opposer. Il citait une phrase d'une femme socialiste « Nous autres femmes, nous sommes des terroristes-nées ». La proposition du comité ne fut votée qu'avec des atténuations.

Un rapport de M. Eichhorn sur le rôle parlementaire du parti fut écouté sans objection. Enfin on arriva à la question primordiale, le vote des budgets dans les Landtage. Le Comité directeur avait déclaré dans sa motion préparatoire qu'un vote du budget devait être interprété comme un vote de confiance à l'égard du gouvernement, et qu'il fallait donc refuser cette marque aux gouvernements actuels, considérés comme hostiles.

Bebel avait été chargé de défendre la motion. Le tribun n'avait pas sa verve coutumière. Il semblait las, souffrant, mélancolique. Son discours fut calme et modéré. Suivant Bebel, « le vote d'un budget par les socialistes ne devrait avoir lieu que si, placés en face de deux budgets, l'un d'eux leur semblait plus favorable que l'autre à la classe ouvrière, ou si, les socialistes ayant la majorité dans un état, ils préparaient eux-mêmes le budget. Les Bavarois et les Badois ne s'étaient pas trouvés dans des cas semblables. La raison d'être des socialistes est de nier l'ordre existant, autrement ils ne

1. Quelque temps avant, un Congrès de femmes socialistes avait été tenu également à Nüremberg.

« EdellinenJatka »