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étaient présents à la cérémonie ce fut une véritable manifestation germanique.

Quelques jours après, Guillaume II alla en Alsace inaugurer le château de Hochkoenigsburg restauré (13 mai). M. Zorn de Bulach en fut nommé gouverneur, et l'écusson impérial fut placé à côté de celui de Charles-Quint. On avait espéré que peut-être à cette occasion une grande parole de libéralisme serait prononcée par le souverain au sujet de la situation des pays annexés cet espoir a été déçu.

Lors des entrevues de M. Fallières avec Édouard VII à Londres (fin mai) et d'Édouard VII avec Nicolas II à Revel (juin) la presse allemande manifesta un peu de nervosité: il fut de nouveau question d'encerclement et d'isolement de l'Allemagne. Cette nervosité se manifesta également dans diverses paroles impériales à Dœberitz notamment, lors d'une inspection militaire, l'empereur se serait exprimé ainsi : « Le Germain n'a jamais si bien combattu que lorsqu'on l'attaque de tous côtés; ils peuvent venir, nous sommes prêts ». Enfin lorsque les soldats de Moulaï-Hafid1 eurent vaincu ceux d'Abd-el-Aziz (août), la diplomatie allemande recommença une politique marocaine qui devait gêner plus d'une fois les diplomaties française et espagnole dans la tâche que leur avait confiée la conférence d'Algésiras. Le voyage du consul allemand, M. Vassel, à Fez, la demande faite aux différentes puissances de reconnaître MoulaïHafid avant même que celui-ci ait approuvé l'acte d'Algésiras, les réserves avec lesquelles l'Allemagne a accueilli la note franco-espanole du 14 septembre, sont autant de petites tracasseries apportées à l'action franco-espagnole au Maroc.

Et cependant il semble incontestable que Guillaume II veut maintenir la paix. On a pu remarquer le ton très pacifique du toast qu'il a porté le 30 août à Strasbourg, quand il s'est rendu dans cette ville. à l'occasion des manoeuvres. Une phrase de ce toast aurait pu être considérée comme la critique de sa propre diplomatie: « La paix européenne, a-t-il dit, repose sur des fondements trop solides pour que ceux-ci puissent être renversés par les tracasseries continuelles et les calomnies inspirées par la jalousie de certaines gens ». Et l'empereur a une fois de plus manifesté le sentiment si profondément enraciné de sa responsabilité de souverain, en prononçant les paroles suivantes : « Une ferme garantie est offerte en première

1. Les envoyés de Moulaï-Hafid avaient été reçus non officiellement, mais officieusement à Berlin, par le baron de Langwerth au mois de mai.

ligne par la conscience des souverains et des hommes d'État de l'Europe, qui se savent et se sentent responsables devant Dieu de la vie et de la prospérité des peuples dont la direction leur est confiée ». Le petit discours de forme parfaite prononcé en français par M. de Bülow au congrès interparlementaire de Berlin (septembre) a été aussi une manifestation pacifique. Au moment où s'ouvre dans les Balkans une crise menaçante, il sera intéressant de constater si les actes de l'empereur et du ministre seront d'accord avec le caractère pacifique de leurs récentes paroles officielles.

GASTON ISAMBERT.

CHRONIQUE D'ANGLETERRE

(1907-1908)

LES PARTIS POLITIQUES

1. LE PARTI LIBÉRAL. Défaites électorales. Insuccès politiques. Les vues de M. Campbell Bannerman. Le changement de leadership. La politique du Cabinet Asquith.

II. LE PARTI CONSERVATEUR. Divisions et indiscipline. La conférence de Birmingham et le ralliement de M. Balfour au Tariff Reform. La lutte contre le socialisme.

III. LE PARTI SOCIALISTE. Les conférences de Hull, de Manchester et de Huddersfield. Concentration dans le sens socialiste.

IV. LE PARTI IRLANDAIS. Le conflit avec l'episcopat catholique anglais.

Je voudrais considérer, dans la présente chronique, l'attitude et l'évolution des différents partis au cours de la dernière année parlementaire. D'octobre 1907 au 1er août 1908 on a vu les hésitations, les échecs électoraux et les changements de tactique du parti libéral, la réorganisation du parti conservateur, la concentration des socia listes, les divisions des Irlandais. Ce sont autant de points que nous allons observer successivement.

I

Le parti libéral a subi des échecs électoraux; il a hésité dans ses vues; il a changé de chef, et son leader actuel lui impose une direction nouvelle.

Les échecs électoraux ont été aussi nombreux que retentissants. Pour en apprécier justement la signification, il faut bien se représenter les conditions spéciales du parti libéral à l'heure actuelle, et la portée habituelle des manifestations politiques de ce genre. Les hommes d'État anglais pointent soigneusement les résultats des

élections partielles, parce que, dans un pays où les partis ne sont pas divisés sur des questions de principe, l'électeur de la masse populaire ne s'attache ni étroitement, ni longtemps à un groupe politique. Il subit l'impression du moment et la traduit fidèlement dans son vote. De là l'importance de chaque consultation partielle, et la signification d'une série de consultations successives. Lorsqu'un parti perd à peu près constamment au jeu électoral, comme ce fut le cas pour les libéraux au cours de la dernière année, on doit évidemment en conclure que sa situation politique s'affaiblit. Mais peuton dire, comme le proclame à grands cris l'opposition, que le libéralisme court à une ruine prochaine? Personne ne le soutiendra après avoir considéré les conditions spéciales dans lesquelles se meut le parti du gouvernement à l'heure actuelle. On ne peut pas perdre de vue, en effet, qu'il a conquis, aux dernières élections générales, par un succès presque sans précédent, un nombre considérable de circonscriptions qui étaient restées, durant de longues années, fidèles à l'Unionisme. La fatigue du vieux parti, les erreurs de ses dernières années, l'audace inquiétante de son nouveau programme, les hésitations de ses chefs avaient pu détacher momentanément ces circonscriptions de leurs leaders habituels. Les voici qui reviennent, une à une, à leur obéissance traditionnelle et à leurs convictions coutumières. Il ne faut ni s'en étonner, ni tirer de leur volte-face des conclusions trop rapides.

Cette réserve faite, nous apprécierons mieux la valeur des récentes élections partielles. Certaines ont fait très grand bruit. A Peckham, le 24 mars 1908, le candidat libéral M. T. Gautrey n'obtint que 4,476 voix contre 6,970 à M. H. C. Gooch (conservateur). En 1906 Peckham avait donné une majorité de 2,339 voix au libéralisme; en 1900, 1895 et 1892, il avait élu des tories. On attendait avec une réelle anxiété le jugement de la circonscription métropolitaine : les élections avaient lieu au plus fort de l'agitation sur le Licensing Bill, que le Gouvernement venait de déposer. Qu'en penserait l'électeur? La réponse fut nette. Il condamna la mesure. La lutte électorale avait été très vive. On prétendit que le commerce des brasseurs, grandement intéressé dans le débat, avait pesé de tout son poids. contre la candidature libérale. Le gouvernement n'en poursuivit pas moins son projet de restreindre le nombre des licences des cabaretiers.

En avril, à Manchester, le Ministère subit un échec plus personnel encore. L'un de ses membres, M. W. Churchill, qui venait d'aban

donner le poste de sous-secrétaire colonial pour la Présidence du Board of Trade, dut, selon la coutume anglaise, se représenter devant ses électeurs de Manchester (N.-W.) qui lui avaient donné en 1906 une majorité de 1,241 voix. Il trouva cette fois une minorité de 429 voix et dut aller chercher un siège en Ecosse, où Dundee l'élut quelques jours plus tard'.

En mai, le candidat libéral ne triompha à Wolverhampton que par 8 voix de majorité, au lieu des 2,865 voix que son prédécesseur avait obtenues en 1906. La campagne avait été menée surtout sur le protectionnisme et la presse libérale reconnut les progrès accomplis par le Tariff Reform.

Cependant le parti conservateur constate avec joie the swing of pendulum. En mai 1908 les Unionistes avaient conquis depuis 1906 6 sièges et 18,071 voix. Les libéraux avaient perdu 34,127 voix. Ces défaites électorales n'étaient que le contre-coup d'insuccès plus fâcheux encore dans la politique générale. Le ministère Campbell Bannerman avait été porté aux affaires, en janvier 1906, par une énorme majorité. Sa victoire éclatante au scrutin l'avait condamné à une politique de grands résultats. On excuse la mollesse et l'hésitation chez un gouvernement mal soutenu par un parti peu nombreux et découragé. On ne la comprend pas dans un gouvernement porté aux affaires par 300 voix d'une majorité enivrée de son triomphe. Le parti libéral attendait beaucoup de ses leaders. Il en espérait même des résolutions passablement contradictoires. Les grosses majorités sont rarement homogènes. On trouvait un peu toutes les idées dans celle qui soutenait M. Campbell Bannerman, et le désaccord éclata entre elles dès que le parti abandonna le rôle facile de l'opposition pour prendre la direction des affaires. Le ministère prit des résolutions graves; il rencontra des oppositions nettes; il recula ou demeura hésitant; parfois il chercha sa voie dans une nouvelle direction; il donna rapidement l'impression d'une politique tâtonnante et indécise.

Le bill sur l'éducation avait été rejeté par les Lords 2. M. Campbell Bannerman partit en guerre contre la haute assemblée et déclara solennellement qu'elle serait châtiée. Cependant le bill resta en suspens et la chambre des Lords ne fut pas touchée. Le ministère prépara un projet de réforme dans l'administration de l'Irlande.

1. Manchester N.-W., comme Peckham, était une vieille circonscription conservatrice, enlevée par surprise en 1906.

2. Voir la Vie politique dans les deux mondes, 1907-1908, p. 73 passim.

A. TOME XXIII. 1908.

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