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ligne par la conscience des souverains et des hommes d'État de l'Europe, qui se savent et se sentent responsables devant Dieu de la vie et de la prospérité des peuples dont la direction leur est confiée ». Le petit discours de forme parfaite prononcé en français par M. de Bülow au congrès interparlementaire de Berlin (septembre) a été aussi une manifestation pacifique. Au moment où s'ouvre dans les Balkans une crise menaçante, il sera intéressant de constater si les actes de l'empereur et du ministre seront d'accord avec le caractère pacifique de leurs récentes paroles officielles.

GASTON ISAMBERT.

CHRONIQUE D'ANGLETERRE

(1907-1908)

LES PARTIS POLITIQUES

1. Le parti libÉRAL. Défaites électorales. Insuccès politiques. Les vues de M. Campbell Bannerman. Le changement de leadership. La politique du Cabinet Asquith.

II. LE PARTI CONSERVATEUR. Divisions et indiscipline. La conférence de Birmingham et le ralliement de M. Balfour au Tariff Reform. La lutte contre le socialisme.

III. LE PARTI SOCIALISTE. Les conférences de Hull, de Manchester et de Huddersfield. Concentration dans le sens socialiste.

IV. LE PARTI IRLANDAIS. Le conflit avec l'episcopat catholique anglais.

Je voudrais considérer, dans la présente chronique, l'attitude et l'évolution des différents partis au cours de la dernière année parlementaire. D'octobre 1907 au 1er août 1908 on a vu les hésitations, les échecs électoraux et les changements de tactique du parti libéral, la réorganisation du parti conservateur, la concentration des socia listes, les divisions des Irlandais. Ce sont autant de points que nous allons observer successivement.

I

Le parti libéral a subi des échecs électoraux; il a hésité dans ses vues; il a changé de chef, et son leader actuel lui impose une direction nouvelle.

Les échecs électoraux ont été aussi nombreux que retentissants. Pour en apprécier justement la signification, il faut bien se représenter les conditions spéciales du parti libéral à l'heure actuelle, et la portée habituelle des manifestations politiques de ce genre. Les hommes d'État anglais pointent soigneusement les résultats des

élections partielles, parce que, dans un pays où les partis ne sont pas divisés sur des questions de principe, l'électeur de la masse populaire ne s'attache ni étroitement, ni longtemps à un groupe politique. Il subit l'impression du moment et la traduit fidèlement dans son vote. De là l'importance de chaque consultation partielle, et la signification d'une série de consultations successives. Lorsqu'un parti perd à peu près constamment au jeu électoral, comme ce fut le cas pour les libéraux au cours de la dernière année, on doit évidemment en conclure que sa situation politique s'affaiblit. Mais peuton dire, comme le proclame à grands cris l'opposition, que le libéralisme court à une ruine prochaine? Personne ne le soutiendra après avoir considéré les conditions spéciales dans lesquelles se meut le parti du gouvernement à l'heure actuelle. On ne peut pas perdre de vue, en effet, qu'il a conquis, aux dernières élections générales, par un succès presque sans précédent, un nombre considérable de circonscriptions qui étaient restées, durant de longues années, fidèles à l'Unionisme. La fatigue du vieux parti, les erreurs de ses dernières années, l'audace inquiétante de son nouveau programme, les hésitations de ses chefs avaient pu détacher momentanément ces circonscriptions de leurs leaders habituels. Les voici qui reviennent, une à une, à leur obéissance traditionnelle et à leurs convictions coutumières. Il ne faut ni s'en étonner, ni tirer de leur volte-face des conclusions trop rapides.

Cette réserve faite, nous apprécierons mieux la valeur des récentes élections partielles. Certaines ont fait très grand bruit. A Peckham, le 24 mars 1908, le candidat libéral M. T. Gautrey n'obtint que 4,476 voix contre 6,970 à M. H. C. Gooch (conservateur). En 1906 Peckham avait donné une majorité de 2,339 voix au libéralisme; en 1900, 1895 et 1892, il avait élu des tories. On attendait avec une réelle anxiété le jugement de la circonscription métropolitaine : les élections avaient lieu au plus fort de l'agitation sur le Licensing Bill, que le Gouvernement venait de déposer. Qu'en penserait l'électeur? La réponse fut nette. Il condamna la mesure. La lutte électorale avait été très vive. On prétendit que le commerce des brasseurs, grandement intéressé dans le débat, avait pesé de tout son poids contre la candidature libérale. Le gouvernement n'en poursuivit pas moins son projet de restreindre le nombre des licences des cabaretiers.

En avril, à Manchester, le Ministère subit un échec plus personnel encore. L'un de ses membres, M. W. Churchill, qui venait d'aban

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donner le poste de sous-secrétaire colonial pour la Présidence du Board of Trade, dut, selon la coutume anglaise, se représenter devant ses électeurs de Manchester (N.-W.) qui lui avaient donné en 1906 une majorité de 1,241 voix. Il trouva cette fois une minorité de 429 voix et dut aller chercher un siège en Ecosse, où Dundee l'élut quelques jours plus tard1.

En mai, le candidat libéral ne triompha à Wolverhampton que par 8 voix de majorité, au lieu des 2,865 voix que son prédécesseur avait obtenues en 1906. La campagne avait été menée surtout sur le protectionnisme et la presse libérale reconnut les progrès accomplis par le Tariff Reform.

Cependant le parti conservateur constate avec joie the swing of pendulum. En mai 1908 les Unionistes avaient conquis depuis 1906 6 sièges et 18,071 voix. Les libéraux avaient perdu 34,127 voix. Ces défaites électorales n'étaient que le contre-coup d'insuccès plus fâcheux encore dans la politique générale. Le ministère Campbell Bannerman avait été porté aux affaires, en janvier 1906, par une énorme majorité. Sa victoire éclatante au scrutin l'avait condamné à une politique de grands résultats. On excuse la mollesse et l'hésitation chez un gouvernement mal soutenu par un parti peu nombreux et découragé. On ne la comprend pas dans un gouvernement porté aux affaires par 300 voix d'une majorité enivrée de son triomphe. Le parti libéral attendait beaucoup de ses leaders. Il en espérait même des résolutions passablement contradictoires. Les grosses majorités sont rarement homogènes. On trouvait un peu toutes les idées dans celle qui soutenait M. Campbell Bannerman, et le désaccord éclata entre elles dès que le parti abandonna le rôle facile de l'opposition pour prendre la direction des affaires. Le ministère prit des résolutions graves; il rencontra des oppositions nettes; il recula ou demeura hésitant; parfois il chercha sa voie dans une nouvelle direction; il donna rapidement l'impression d'une politique tâtonnante et indécise.

Le bill sur l'éducation avait été rejeté par les Lords 2. M. Campbell Bannerman partit en guerre contre la haute assemblée et déclara solennellement qu'elle serait châtiée. Cependant le bill resta en suspens et la chambre des Lords ne fut pas touchée. Le ministère prépara un projet de réforme dans l'administration de l'Irlande.

1. Manchester N.-W., comme Peckham, était une vieille circonscription conservatrice, enlevée par surprise en 1906.

2. Voir la Vie politique dans les deux mondes, 1907-1908, p. 73 passim.

A. TOME XXIII. 1908.

52

L'Irish Council Bill fut repoussé le 21 mai 1907 par la convention nationaliste réunie à Dublin, et on n'en entendit plus parler 1. Le gouvernement mit au jour, quelques mois plus tard, un projet de réorganisation des universités irlandaises qui souleva d'autres mécontentements. Chacun de ces projets, heureux ou malheureux, aliéna au parti un groupe de ses adhérents. L'Education Bill avait ému les anglicans; son échec mécontenta les non-conformistes; le bill sur les universités irlandaises les exaspéra; l'insuccès de l'Irish Council Bill refroidit les Irlandais; les dépenses militaires déplurent aux radicaux et aux députés du travail (Labour Members); les projets d'économies sur le budget de la guerre mirent en éveil les libéraux orthodoxes.

Cependant M. Campbell Bannerman se tenait à son programme de grandes mesures politiques. Il persistait dans la lutte contre la Chambre des Lords. Dans un discours qu'il adressait, le 22 octobre, à ses électeurs de Dunfermline il classait ainsi les questions : « Je ne méconnais pas l'importance des affaires extérieures, mais les questions qui réclament actuellement une solution sont les maux qui assiègent notre corps politique à l'intérieur.... Alcoolisme, dépopulation, logements insalubres, mortalité infantile, ignorance, l'heure est passée des phrases inutiles sur ces sujets... Quant à la Chambre des Lords, nul n'a dit un mot pour la défense du système actuel. Par l'organe de ses avocats et sur l'avis de son conseil, elle plaide coupable.... La première chose que nous ayons à faire, et ce que nous allons faire, sera de régler les relations des deux Chambres de façon pratique et digne d'hommes d'État..... La coupe des Lords est pleine à déborder; il ne doit pas subsister un doute sur le contrôle suprême de la législation. » De même à Bristol, le 13 novembre. Le Premier Ministre ne signale les autres questions que pour les écarter aussitôt, et il ne précise sa pensée que sur le sujet qui lui tient au cœur : « Vous ne pouvez pas plus vous permettre de jouer avec une protection légère qu'avec une légère maladie contagieuse... Le parti unioniste n'a plus rien dans son buffet que les miettes moisies de la protection. A moins qu'il ne persuade le pays de les accepter, il est menacé de complète inanition et de perpétuel chômage.... Le pouvoir ne réside ni dans la Couronne ni dans la nation, mais dans la Chambre des Lords: telle est la leçon que nous venons de recevoir.... Rappelez-vous que tant que cet obstacle (la haute

1. La vie politique dans les deux mondes, p. 81.

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