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« On ne peut s'empêcher de se demander à quoi pourra servir le vote de nouvelles motions fiscales. Voici vingt ans que nous nous efforçons d'apprendre aux leaders conservateurs à réformer la politique fiscale de nos grand'mères. Jusqu'à présent, ces résolutions, constatant l'opinion délibérée de la Douma conservatrice, n'ont pas été plus loin que la corbeille à papier du Chief-Whip. Nous savons ce que nous voulons, mais nous ne savons pas comment l'obtenir, parce que nous avons été paralysés par des convictions mal assises dans les hautes sphères.... Sans doute d'enthousiastes Tariff Reformers comme M. Balfour nous ont dit que la réforme fiscale est et doit rester la première œuvre constructive du parti unioniste; mais qui soutiendra sincèrement que nos chefs ont déployé l'énergie et l'enthousiasme convenables pour demander à la nation le mandat nécessaire pour poursuivre cette grande politique? Durant quatre fatales années l'Unionisme officiel a attendu pour voir de quel côté le chat allait sauter, et pendant ce temps le parti a mené une vie de chien. Il est grand temps que les leaders de l'Unionisme resserrent les rangs, pour d'urgentes raisons nationales et impériales... Nous espérons très ardemment, pieusement et respectueusement que ce soir l'oracle proférera des sons intelligibles et que le pays entendra dire dans un langage compréhensible pour le peuple que le Tariff Reform est une partie intégrante du programme du parti unioniste, et que le premier soin du parti revenu au pouvoir sera d'imposer un droit général sur les produits manufacturés étrangers. Enfin nous espérons apprendre que tout candidat unioniste sera mis en demeure de soutenir la politique réformiste. »>

La sommation était nette. La réponse fut satisfaisante. Le soir même l'oracle parla, et il proféra des sons intelligibles. M. Balfour débuta par ces mots, qui peignent bien la situation : <«< Je viens devant vous comme votre chef. Je crois avoir votre confiance...» puis, dans sa manière aisée et fluide, il fit l'historique du mouvement, déplora l'insuccès de la dernière conférence coloniale, déclara que le premier devoir de l'Unionisme revenu au pouvoir serait de la convoquer de nouveau; enfin sur la question vitale : quant au programme de réforme fiscale, emprunté, je crois, à un discours que j'ai prononcé devant le conseil de cette union, je n'ai pas besoin de dire que j'y souscris de bon cœur ».

La déclaration du leader souleva dans l'assemblée un enthousiasme qui se répandit au dehors. La presse réformiste entonna un hosan na

La National Review1, entre autres, proclama bien haut l'union du parti, Etait-elle si étroite? M. Balfour était-il si complètement converti? Il prononça, le 17 janvier, à Glasgow un discours dans lequel il semblait considérer les Tariff Reformers comme des extrémistes, et la National Review le reprit vivement là-dessus. Il est permis de penser qu'après comme avant Birmingham le leader conservateur réserve in petto son libre arbitre. La majorité réformiste a pu obtenir de lui une adhésion que les circonstances rendaient inévitable, elle ne l'a pas réduit au rôle médiocre de porte-parole. Pour apprécier justement la situation il faut se rappeler la fidélité et la soumission des partis anglais à leur chef; il faut se dire encore que le leader actuel dépasse de toute la tête son état-major. On a dit de lui qu'il était « un géant parmi des nains »2. Du moins on ne peut douter que M. Balfour ne soit un esprit intelligemment souple, accoutumé aux horizons larges et aux vues d'arrière-plan. Il est assez adroit pour donner, en passant, une satisfaction aux agités du parti. Ces échauffés sont nécessaires; ils forment le levain qui fera fermenter la masse. Il est trop maître de lui et trop conscient de sa supériorité pour s'enfermer avec eux dans leur cabanon. Ces agités sont des politiciens ils ressassent sans arrêt la même idée et frappent toujours au même point. M. Balfour est un homme d'État : il sait qu'en politique le dénouement vient presque toujours du côté où on ne l'attendait pas et qu'il faut laisser beaucoup de portes ouvertes pour lui livrer passage. L'important n'est pas d'engager hâtivement son parti dans une voie douteuse, mais de le tenir en bon ordre de marche, rassemblé et bien en main, pour le moment décisif. M. Balfour a, là-dessus, ses idées qu'il ne cache pas il veut faire du parti conservateur un grand parti démocratique, destiné à balancer un jour l'influence du socialisme. « Je crois, disait-il récemment 3, qu'il y a peu de place actuellement, dans les conditions politiques de ce pays, pour les libéraux à l'ancienne mode. Ils ont rendu, en leur temps, de grands services à l'État. Ils furent une puissance directrice dans une importante période de transition, mais le cours des événements a, en fait, effacé toutes les différences (et elles ne furent peut-être jamais bien grandes) qui les séparaient du parti auquel nous appartenons. Nous marchons actuellement vers une

1. Dont le rédacteur en chef est M. Maxse, l'auteur du discours significatif que nous venons de citer.

2. Rob. White, Fortn. Review, fév. 1908, p. 320.

3. Discours à l'Association conservatrice de la Cité, 23 janvier 1908.

transformation des affaires politiques dans laquelle le parti unioniste sera l'élément directeur d'un côté, quoique pas tout à fait le seul, et nos amis socialistes qui viennent d'élever leur drapeau, seront sans doute la force militante de l'autre côté. C'est entre les deux conceptions sociales que ces opinions représentent qu'aura lieu le grand combat de l'avenir. »

Dès maintenant M. Balfour oppose les deux conceptions. Il distingue le socialisme et la réforme sociale : « socialisme signifie et ne peut signifier rien autre chose que ceci : la communauté de l'Etat doit s'emparer de tous les moyens de production; l'entreprise privée et la propriété privée doivent disparaître, de même que tout ce qui est impliqué dans l'entreprise et la propriété privées. Voilà ce qu'est le socialisme, et rien autre n'est le socialisme. La réforme sociale, c'est quand l'Etat, basé sur l'entreprise privée et sur la propriété privée, reconnaissant que les meilleurs résultats de production ne peuvent être obtenus qu'en respectant la propriété privée et en encourageant l'entreprise privée, leur demande de collaborer à la poursuite des grands objets d'intérêt national, public et social. Voilà ce qu'est la réforme sociale. Il n'y a pas, il ne peut y avoir de conpromis entre les deux 1. »

M. Balfour trouve sa nouvelle politique dans les tendances de son parti et dans les hésitations du parti adverse. L'élection d'une quarantaine de députés socialistes en 1906 a beaucoup ému l'opinion. Les libéraux ont assez cordialement accueilli les Labour Members, du moins ceux qui ont paru disposés à voter avec eux. Le jeu de l'unionisme était tout indiqué: il n'a plus qu'à recueillir sous son aile et à encadrer dans ses rangs tous ceux qu'effraye le spectre rouge. La spéculation est habile et peut devenir fructueuse; mais pour cela il faut garder ses rangs assez largement ouverts et n'effrayer personne par des résolutions radicales et intempestives. Moyennant ces précautions, l'unionisme pourra devenir un grand parti démocratique. Il fait dès maintenant appel à toutes les bonnes volontés et parle le langage de la circonstance : « Notre force vient du peuple, et a pris naissance dans le peuple. Le parti ne peut avoir de puissance et de durée que par le peuple 2... »

1. Discours à la Convention de Birmingham.

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2. M. Balfour à Birmingham, 15 novembre 1907. Dès le mois d'octobre, la presse conservatrice était en campagne : Le parti unioniste a devant lui la plus belle occasion qu'il ait jamais connue de prouver son utilité. Les dernières élections générales ont prouvé que le libéralisme et le radicalisme n'opposent pas un front solide aux attaques du socialisme, et même qu'ils les favorisent. Le seul

Ainsi le vieux parti se remet lentement de sa défaite de 1906 et il retrouve peu à peu sa cohésion et sa discipline sous la main plus souple que ferme de son chef.

III

Le parti socialiste s'est également concentré. On se rappelle l'émotion soulevée par l'élection de 54 représentants du travail en 1906. Les vieux partis avaient cru jusqu'alors que le socialisme parlementaire était une spécialité du continent. Ils reprirent courage en constatant les divisions du nouveau groupe. On y trouvait, en effet, 29 députés qui, sous la direction de M. Keir Hardie, poursuivaient une politique de réforme démocratique et sociale indépendante (Independent Labour Party); 11 députés mineurs (miners' members) défendaient plus spécialement les intérêts des ouvriers de houillères; enfin 14 autres Labour M. P's représentaient d'autres organisations syndicales. Les deux derniers groupes se rapprochaient volontiers des libéraux. Chez ces représentants du travail l'idée socialiste n'était pas fortement assise. Bon nombre d'entre eux semblaient disposés à poursuivre, loin des systèmes absolus, une politique. d'amélioration sociale. La dernière année a vu l'idée socialiste s'affermir et les groupes se resserrer autour d'elle.

La conférence annuelle du Labour Party se réunit à Hull au mois de janvier. Dès le début des séances, on sentit, au ton des discours, que le parti était décidé à une politique agressive. Les aspirations socialistes paraissaient dans toutes les paroles. Elles éclatèrent dans les discussions sur les retraites ouvrières. M. Barnes, répondant à un discours dans lequel M. Asquith avait récemment déclaré que les classes ouvrières devraient contribuer aux frais de la réforme, dit ceci « Les classes ouvrières paient actuellement plus que leur contribution légitime... Nous demandons les retraites ouvrières comme un droit civil. Nous demandons qu'elles soient imputées sur le produit des impôts du pays. Nous demandons qu'il n'y ait pas de taxes spéciales désignées pour cet objet, mais que les retraites soient une des choses ordinaires dont le gouvernement est responsable, de même que le gouvernement est responsable de l'entretien de notre immense marine. » M. Henderson ajouta : « Si quelqu'un doute de la parti qui leur résiste directement et franchement est ce puissant conservatisme qui est, en somme, la force la plus typique dans nos affaires publiques. C'est au parti unioniste à assumer ses responsabilités et à s'armer pour un combat déterminé et sans merci.

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source où l'on pourra puiser l'argent, je le renvoie à M. Philip Showden, qui estime qu'une taxe supplémentaire sur les revenus supérieurs à 5,000 livres rapporterait 13,825,000 livres. >> « D'où viendra l'argent pour les retraites! s'écria M. J. R. Clynes M. P., il n'y a qu'une source et c'est là où est l'argent. Les revenus immenses qui sont, non le résultat du travail personnel, mais de nos conditions sociales et industrielles illogiques, devront supporter le poids de la souffrance que leur création a provoquée. » Et comme on proposait d'ouvrir une enquête sur la question, le président répliqua : « Nous n'avons pas à nous occuper d'où l'argent viendra. Si la demande est suffisamment vigoureuse, la Chancelier de l'Échiquier saura bien trouver les fonds. >>

La conférence discuta ensuite l'adoption du programme socialiste. Elle le repoussa le 21 janvier, pour l'adopter le 22. Voici les raisons de cette apparente contradiction. Le 21 janvier, M. Grayson, dans un discours ardent, avait déclaré qu'il ne voulait pas, dans l'assemblée, d'une majorité trompeuse et qu'il lui fallait l'assurance que les votes de ses collègues étaient inspirés par un vrai socialisme « La conférence discute le problème du chômage. Si elle veut considérer deux minutes l'aspect économique de cette grave question, elle verra que le problème est parfaitement insoluble sans l'établissement du socialisme parfait. >> Au milieu du silence gêné qui suivit cette sortie vigoureuse, M. H. Quelch demanda que parti fit une déclaration nette : « Si vous êtes un parti socialiste, dites-le. Sinon, dites-le encore, et alors nous aurons chance d'en constituer un. Nous formerons un vrai parti socialiste si vous débarrassez la voie. Dites ce que vous êtes, au lieu de n'être, comme à présent, ni chair, ni poisson. » On entendit ensuite l'autre son avec M. Bruce Glasier : « Nous croyons qu'il vaut beaucoup mieux attirer le peuple au socialisme en lui prouvant qu'il est l'unique espoir du monde que d'essayer de l'y pousser de force. Je proteste contre toute résolution prise, au nom du socialisme, qui pourrait avoir pour effet d'écarter de nos rangs un seul trade-unioniste. » De même, M. F. R. Clynes : « Je suis moi-même un socialiste. Mais nous sommes ici, non pas des visionnaires, mais des politiques pratiques. Rappelons-nous le pacte dont le respect nous a assuré un grand succès à la Chambre des communes durant les deux dernières sessions. Nous devons remplir honnêtement nos obligations à l'égard de nos co-contractants, les trade-unionistes. La proposition envisage le but final du parti. A mon avis, nous ferions mieux, en

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