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sentie par acte sous seing privé n'aurait aucune valeur pratique, puisqu'il faut pour exécuter un titre inscrit et exécutoire » et qu'ils invoquent à l'appui de cette affirmation un arrêt de la Cour de céans en date du 21 décembre 1902.

<«< Attendu que cette version, pour si justifiée, qu'elle paraisse, étant admis que le décret de 1897 ne se suffit pas à lui-même et doit être complété pour les dispositions du Code de Procédure civile, a, il faut bien le reconnaître, le défaut de contrevenir à la règle d'interprétation qui était formulée dans l'article du titre V du livre préliminaire qui devait figurer en tête du Code Civil, laquelle était ainsi conçue : « quand une loi est claire il ne faut point en éluder la lettre sous prétexte d'en pénétrer l'esprit. >>

Attendu que

l'article 167 du décret est très clair :

« La vente forcée des immeubles ne peut être poursuivie qu'en vertu d'un titre inscrit ou exécutoire ».

Attendu que le sens de cet article textuellement emprunté à la loi tunisienne du 15 mars 1892 apparaît avec évidence quand on suit les modifications que sa rédaction primitive a suivies;

Attendu que la loi du 1er juillet 1885 disait : « La vente forcée des immeubles ne peut avoir lieu qu'en vertu d'un titre authentique et exécutoire. »

Que la loi du 16 mai 1886 disait : « La vente forcée des immeubles ne peut être poursuivie qu'en vertu d'un titre inscrit et exécutoire.

Que la loi du 6 novembre disait : « La vente forcée des immeubles ne peut être poursuivie qu'en vertu d'un titre exécutoire. >>

Attendu qu'il est inadmissible que l'attention du législateur n'aít été à maintes reprises attirée sur les conditions dans lesquelles pouvait être poursuivie la vente forcée des immeubles et que sa volonté, a été de simplifier de plus en plus jusqu'ä l'autoriser, en dernière analyse, en vertu d'un titre inscrit ou exécutoire :

Attendu qu'il nous est permis d'affirmer que l'arrêt du 21 décembre 1902 aurait été tout autre si les textes ci-dessus avaient été portés à la connaissance de la Cour... » 1.

On doit donc considérer maintenant à la suite de cet arrêt qu'un

1. Arrêt de la Cour d'appel de Tananarive. 1er août 1906, revue de la Tribune des Colonies, 1906, p. 293.

immeuble immatriculé peut être vendu en vertu d'une hypothèque constituée par acte sous seing privé.

Le reste du décret foncier est consacré à la réglementation du service de la Conservation foncière, aux formes de l'inscription du droit réel, enfin à l'immatriculation des immeubles vendus à la barre. Ces textes nous paraissent d'un intérêt trop spécial pour les commenter ici.

Situation des immeubles non'immatriculés. Il nous semble intéressant d'examiner en terminant la situation des immeubles non immatriculés à Madagascar.

Ces immeubles ne sont pas régis par le décret foncier du 16 juillet 1897, l'immatriculation ayant justement pour effet de les soumettre au nouveau régime, ainsi que le déclare l'article 8 du décret : << L'immatriculation a pour objet de placer l'immeuble qui y a été soumis sous le régime du présent décret ».

Quel est donc le régime de ces immeubles non immatriculés?

Il faut distinguer entre les immeubles appartenant à des Malgaches qui sont soumis à la loi locale et les immeubles appartenant à des Européens.

En ce qui concerne le régime des terres malgaches, nous ne pourrions le décrire sans sortir du cadre de cette étude1.

Remarquons seulement que par arrêt du 20 juin 1900 la Cour de Tananarive a décidé que le droit de propriété éminente que le souverain malgache se réservait sur les immeubles de ses sujets était purement théorique et que l'indigène capable, ayant la propriété utile, était, vis-à-vis de l'État français, le seul et incommutable propriétaire.

Quant aux immeubles appartenant à des Européens ou assimilés ils sont, théoriquement, soumis au régime du Code Civil. Nous disons théoriquement, car il résulte du défaut d'organisation administrative conforme qu'ils ne peuvent y être soumis réellement.

Il n'existe pas à Madagascar de conservation des hypothèques ni d'administration de l'enregistrement, on ne peut donc ni inscrire une hypothèque, ni faire enregistrer une vente immobilière.

C'est à tort qu'on verrait dans cette situation un oubli du législa

1. Voir sur ce point le savant ouvrage de M. Cahuzac : Institutions juridiques des Malgaches.

teur, c'est la sanction indirecte, mais très efficace, de l'obligation pour les Européens d'immatriculer leurs immeubles.

Voici la preuve de ce que nous avançons.

La loi d'annexion de 1896 a compris dans le territoire de Madagascar deux anciennes petites colonies françaises l'ile de Nosi-Bé et le territoire de Diego Suarez. Il existait dans ces deux colonies des Conservations des hypothèques; aucun texte ne les ayant supprimées, la Cour de Tananarive, par arrêt du 19 novembre 1902, en reconnaissait formellement l'existence et le fonctionnement, en ce qui concerne les immeubles non immatriculés. Le Gouvernement s'étant ému de cet arrêt, deux solutions pouvaient être adoptées ou créer près de chaque Tribunal une Conservation des hypothèques, ce qui eût été ruiner le régime de l'immatriculation ou supprimer les deux Conservations existantes pour accorder définitivement la suprématie au nouveau régime foncier.

C'est cette dernière solution qu'adopta très logiquement le décret du 18 mai 1904; toutefois, par une mesure d'équité, le décret déclara que les créanciers hypothécaires inscrits pourraient obtenir gratuitement l'immatriculation des immeubles qui leur avaient été donnés en gage, ainsi que l'inscription de leurs droits réels conformément au nouveau régime.

Nous en concluons donc que c'est volontairement que le législalateur a privé d'organisation hypothécaire les immeubles non immatriculés.

On doit donc admettre en ce qui concerne ces immeubles les conséquences suivantes : le privilège du vendeur existe en théorie, mais la vente ne peut être transcrite et comme la transcription de la vente est, aux termes de l'article 2108, une condition indispensable pour la conservation du privilège du vendeur, ce privilège est inexistant faute de pouvoir être conservé conformément à la loi1.

On pourrait appliquer le même raisonnement aux autres privilèges pour lesquels l'article 2106 impose la formalité de l'inscription comme condition même de leur efficacité.

1. En ce sens, jugement Tribunal Tamatave, syndic Joulia contre Coutet, du 12 octobre 1906. Il est vrai qu'un récent arrêt de la Cour de Tananarive vient d'infirmer ce jugement. Nous ne pouvons toutefois nous rallier à cette jurisprudence.

A. TOME XXIII. 1908.

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En ce qui touche les hypothèques, il y a lieu de faire une distinction entre les hypothèques des incapables et les autres hypothèques. Aux termes de l'article 2 135 les hypothèques du mineur, de l'incapable et de la femme mariée existent indépendamment de toutes inscriptions, ces hypothèques ont donc pu subsister à Madagascar. Il n'en est pas de même, au contraire, des hypothèques judiciaires qui, faute de pouvoir être inscrites, perdront toute efficacité. Il eût été d'ailleurs singulier que les jugements des Tribunaux de Madagascar aient entraîné hypothèques judiciaires sur les immeubles non immatriculés, sans avoir la même conséquence sur les immeubles immatriculés.

Pour les hypothèques conventionnelles, on sait que la seule convention des parties constitue hypothèque, mais qu'en l'absence d'inscription le prêteur ne peut ni opposer son hypothèque aux tiers ni poursuivre contre le débiteur l'expropriation forcée. Une telle hypothèque aurait donc une existence purement théorique puisque, inopposable aux tiers, elle ne serait pas non plus susceptible d'expropriation forcée. La seule ressource qu'aurait un créancier hypothécaire dans ces conditions serait de requérir l'immatriculations de l'immeuble hypothéqué au nom de son débiteur comme propriétaire en ayant soin de faire inscrire son hypothèque par le jugement d'immatriculation. Il faut remarquer en effet que si l'hypothèque n'est pas inscrite par le jugement d'immatriculation elle ne pourra plus être inscrite par la suite.

En effet, le jugement d'immatriculation fait purge de tous les droits réels antérieurs et aucune preuve n'est admissible à l'effet d'établir l'existence d'un droit réel antérieur au jugement d'immatriculation et qui n'y a pas été mentionné.

Telle est la situation de défaveur où le législateur a placé le propriétaire d'immeubles non immatriculés. Certains lui en ont fait un grief, nous estimons au contraire cette législation satisfaisante.

Le législateur impose l'obligation de l'immatriculation à tout Européen qui reçoit un immeuble de l'État ou qui acquiert un immeuble d'un indigène; or, tout Européen propriétaire d'un immeuble le détient, lui ou son auteur, en vertu de l'une de ces deux origines concession de la Colonie ou vente d'un indigène, on peut donc admettre que tout Européen propriétaire d'un immeuble non imma

triculé est en faute, lui ou son auteur. C'est donc à bon droit, ainsi que nous le disions précédemment, que le législateur voulant établir le nouveau régime a mis dans une situation de défaveur ceux qui ne s'y sont pas soumis.

VII. CONCLUSION.

Tel est le nouveau régime foncier, dérivé de l'Act Torrens, établi à Madagascar par le décret du 16 juillet 1897. Essayons maintenant d'en apprécier la valeur. Il n'est pas douteux selon nous que ce nouveau régime soit infiniment supérieur à notre régime foncier métropolitain.

Toutefois, bien qu'il ait largement profité des précédentes applications qu'on ait faites aux Colonies françaises du système de l'Act Torrens, notamment du régime foncier tunisien, le régime foncier de Madagascar n'est pas sans défauts.

Nous avons signalé quelques-uns de ces défauts au cours de cette analyse, résumons ici nos observations.

Le reproche qui a été fait le plus souvent au décret foncier est l'insuffisance de la publicité qui précède l'immatriculation. Il arrive souvent, d'après certains critiques, que les intéressés et notamment les indigènes ne sont pas prévenus ou ne sont prévenus que trop tard d'une instance en immatriculation qui pourrait leur nuire.

Nous croyons qu'il y a dans ces critiques beaucoup d'exagérations. Il est possible, cependant, qu'il soit arrivé quelquefois que des indigènes n'aient pas fait opposition à des réquisitions d'immatriculation qui les dépossédaient. Mais il est injuste de rendre le décret foncier responsable de cette spoliation.

Il est en effet peu vraisemblable, si toutes les formalités exigées par la loi ont été légalement remplies par les fonctionnaires auxquels elles incombaient, que les intéressés aient ignoré la réquisition d'immatriculation. Si donc ils n'ont pas fait opposition c'est moins par ignorance que par crainte. Nous avons constaté nous-même dans la pratique certaines réquisitions d'immatriculation auxquelles il était inexplicable que des indigènes n'aient pas fait opposition s'ils avaient été informés de leurs droits et laissés

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