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être réputée définitive, plus qu'un jugement susceptible d'opposition ou d'appel, qui est distingué des jugements irrévocables et produit luimême l'effet interruptif quant à la prescription de l'action, ainsi qu'on le décide d'après les art. 636 à 638 combinés. La décision n'ayant été que provisoire et d'instruction si la poursuite est reprise conformément aux prévisions de la loi, il est naturel de la comprendre parmi les actes interruptifs, dont le dernier fixe un nouveau point de départ pour le cours de la prescription; c'est d'autant moins extraordinaire, qu'aux termes des dispositions du Code spéciales pour l'instruction et le règlement de la procédure, l'ordonnance a dû suivre immédiatement les réquisitions finales du ministère public, qui sont elles-mêmes interruptives.

II. Comment ou à quelles conditions, dans les trois ans depuis l'ordonnance de non-lieu fondée sur l'insuffisance des charges, la poursuite peut-elle être reprise pour charges nouvelles?

C'est dans le titre intitulé « des affaires qui doivent être soumises au jury », et dans le chapitre « des mises en accusation », que sont les seules dispositions réglant les effets d'un non-lieu et les conditions de reprise des poursuites. L'art. 246 dit que « le prévenu à l'égard duquel la Cour impériale aura décidé qu'il n'y a pas lieu à renvoi à la Cour d'assises ne pourra plus y être traduit à raison du même fait, à moins qu'il ne survienne de nouvelles charges »; indiquant ce qui sera réputé nouveau, l'art. 247 énonce les déclarations, pièces et procès-verbaux qui n'ont pu être soumis « à l'examen de la Cour impériale » et qui cependant sont de nature à fortifier « les preuves que la Cour aurait trouvées trop faibles »; puis l'art. 248, pour les formes, prescrit à l'officier ayant les pièces de les envoyer au procureur général, à ce magistrat de requérir et au président de la Cour de donner l'indication du juge qui fera la nouvelle instruction. Tout cela présuppose qu'il s'agit des crimes justiciables des Cours d'assises, de la reprise d'une instruction criminelle qui appartient à la chambre d'accusation. On a voulu en conclure que c'était inapplicable aux matières correctionnelles, et récemment encore nous avons lu l'argumentation dont voici la substance: La réserve des poursuites nouvelles est une grave dérogation au principe de la chose jugée; elle a pu paraître nécessaire pour les crimes, infractions graves qui troublent l'ordre social; il n'y avait pas mêmes motifs à l'égard des infractions moindres, délits ou contraventions; pour étendre jusqu'à elles la dérogation et le droit de reprise des poursuites, il aurait fallu des dispositions spéciales qui organisassent une procédure appropriée aux instructions pour délits et aux pouvoirs y afférents; c'eût été nécessaire, surtout lorsque la suppression des chambres du Conseil a fait passer leurs pouvoirs dans les mains des juges d'instruction, qui cumulent avec leurs fonctions ordinaires le règlement de la procédure en matière correctionnelle; cependant il n'existe aucun texte à cet égard, ni dans les dispositions primitives du Code d'instruction, ni dans les textes revisés.

Une telle thèse ne pouvait triompher. Aucun argument n'est fourni par la place qu'occupent les art. 246 et 248: car il y a dans nos codes beaucoup de dispositions qui, quoique placées sous un titre ou chapitre spécial, ont manifestement une portée sans laquelle la loi aurait des lacunes que pourtant le législateur n'a pu vouloir. La considération relative aux simples délits n'est pas non plus suffisante car il en est qui, à raison de leurs circonstances, sont aussi graves que certains crimes. Quant aux expressions concernant les formes et l'appréciation des charges, elles s'expliquent par le motif que les instructions aboutissant à la chambre d'accusation sont celles qui ont le plus préoccupé les rédacteurs; la seule conséquence sera qu'il y aura des difficultés à lever dans l'application aux matières correctionnelles. Il est d'ailleurs une raison décisive, qui doit l'emporter sur tout autre argument. L'art. 246 est la seule disposition du Code où il ait été dit que le non-lieu, très-différent d'un acquittement ou d'une condamnation modérée, ne permet pas une mise en jugement, à moins qu'il ne survienne de nouvelles charges. S'il était inapplicable aux ordonnances ou arrêts de non-lieu pour inculpation de délit, ces décisions ne trouveraient nulle part écrite la règle dont elles ont besoin contre la reprise arbitraire des poursuites. C'est ce qui a fait l'objet d'une ancienne controverse, M. Legraverend ayant soutenu que de telles ordonnances ne faisaient aucunement chose jugée, et l'opinion contraire ayant été justifiée par MM. Bourguignon, Merlin, Barris et Mangin (Act. publ., no 387). Sous la législation d'après laquelle c'étaient les chambres du Conseil qui rendaient les ordonnances de non-lieu en matière correctionnelle, sauf opposition du ministère public et arrêt de la chambre d'accusation, la jurisprudence s'est fixée sur deux points, à savoir d'une part, que ces ordonnances, comme les arrêts de non-lieu, étaient protégées par la disposition principale de l'art. 246; d'autre part, que la chose jugée en résultant n'était aussi que provisoire, selon la réserve exprimée au même article et avec les conditions des dispositions suivantes; qu'ainsi les ordonnances ou arrêts de non-lieu, pour défaut seulement de charges suffisantes, n'excluaient pas la reprise de poursuites si des charges nouvelles survenaient (C. cass., 13 sept. 1814, 19 mars 1813, 22 nov. 1824, 18 sept. 4834, 13 mars 1846, 12 déc. 1850, 5 janv. 1854; J. cr., art 2642, 4400, 4633, 4918 et 5917).

Ce principe subsiste nécesssairement, nonobstant les modifications opérées en 1856. Aujourd'hui encore, des arrêts de non-lieu en matière correctionnelle sont rendus par les chambres d'accusation : ils comportent l'application des art. 246 et suiv., d'autant plus facilement qu'alors on est exactement dans les termes de l'art. 247 pour les charges et de l'art. 248 pour les formes. Quant aux ordonnances de non-lieu actuellement rendues par les juges d'instruction, elles équivalent à celles que rendaient les chambres du Conseil, leur autorité est la même ni plus ni moins, la reprise des poursuites doit être permise sous les mêmes conditions. C'est ce qu'admettent, dans leurs nouvelles éditions, les au

teurs qui avaient parlé des ordonnances de non-lieu (Duverger, éd. de 1862, t. 3, no 528 et suiv.; F. Hélie, 2o éd., t. 5, no 2081 et suiv. ). C'est aussi ce que reconnaissent les arrêts postérieurs sur la question de principe (Grenoble, 31 juill. 1862; Cass. 28 sept. 1865; Paris, 29 nov. 1866; Rej. 17 janv. 1867; Alger, 1er sept. 1869; Rej. 28 janv. 1870; J. cr., art. 7434, 8434 et infrà).

S'il y a des difficultés, c'est pour les conditions de reprise des poursuites sur lesquelles il y avait eu ordonnance de non-lieu : car il faut des règles précises, qui garantissent contre l'arbitraire; et l'embarras est de les trouver dans les textes qui n'ont pu prévoir que le juge d'instruction deviendrait une juridiction statuant sur des procédures.

Ayant uniquement parlé des poursuites criminelles sans renvoi à la Cour d'assises, pour défaut de charges suffisantes, les art. 246-248 ont prévu le cas ou il surviendrait des charges nouvelles, telles que « déclarations de témoins, pièces ou procès-verbaux, qui, n'ayant pu être soumis à l'examen de la Cour impériale, sont cependant de nature, soit à fortifier les preuves que la Cour aurait trouvées trop faibles, soit à donner aux faits de nouveaux développements utiles à la manifestation de la vérité »; pour ce cas, il été dit que l'officier de police judiciaire, ou le juge d'instruction, adresserait sans délai copie des pièces et charges au procureur général, sur la réquisition duquel le président de la section criminelle indiquerait le juge devant lequel il serait procédé à une nouvelle instruction. Comment doit-on appliquer ces dispositions à une instruction pour délit, au cas d'ordonnance de non-lieu comportant décision contraire par le seul juge d'instruction?

Au temps même où c'étaient les chambres du Conseil qui rendaient les ordonnances de non-lieu, des dissidences ont existé entre les auteurs, quant aux conditions nécessaires. Carnot voulait que les charges nouvelles eussent été recueillies dans une autre affaire, ou fussent survenues accidentellement et sans provocation: il n'admettait ni une nouvelle plainte sans pièces justificatives, ni une information nouvelle pour rechercher ou constater de nouvelles charges; et il allait jusqu'à demander que l'ordonnance de non-lieu fût rétractée, en connaissance de cause, avant la reprise de l'instruction (t. 2, p. 292 et 293). M. Rauter admettait que la recherche des charges nouvelles est, pour la police judiciaire, un droit et un devoir (Droit crim., t. 2, p. 260); c'était aussi l'opinion d'autres criminalistes, mais sauf tempéraments (Rép. cr., vo Chose jugée, no 12; Dalloz, Rép: gén., vo Inst. cr., no 1178). M. Mangin combattait fortement les idées de M. Carnot, notamment en disant «< Tant qu'il n'existe qu'une décision qui ne clôt la poursuite qu'à défaut de charges suffisantes, le devoir des officiers de police judiciaire est de continuer à veiller. Qui ne sait que les preuves d'un crime ne se manifestent souvent qu'après les décisions provisoires? La loi s'est bornée à défendre qu'on pût les rétracter s'il ne survenait pas de charges nouvelles, afin que les magistrats ne livrassent point aux tribunaux, sans nouveaux motifs, le prévenu qu'ils n'avaient pas cru

devoir y traduire; mais ces magistrats n'étaient point, pour cela, dessaisis de l'affaire. Et bien loin de leur défendre de rechercher des charges nouvelles, la loi les y autorise formellement; en les faisant résulter de déclarations de témoins et de procès-verbaux, elle autorise à verbaliser, à informer, à poursuivre enfin (Act. publ., no 534). » De son côté, M. Faustin-Hélie disait que les charges nouvelles « peuvent résulter, soit de procès-verbaux ou d'autres pièces inconnues lors de la première poursuite, soit de déclarations de témoins entendus dans une autre affaire, soit d'informations faites par un officier de police judiciaire d'un autre arrondissement, soit de recherches et de poursuites faites contre les complices du prévenu mis en liberté »; puis, rappelant l'opinion de Carnot, il ne la contredisait qu'en tant que cet auteur aurait voulu des preuves ayant surgi d'elles-mêmes et par quelque cause accidentelle; enfin il disait : « Les juges, qui se sont dessaisis a raison de l'état de l'instruction, sont tenus, pour se ressaisir, de préciser les faits ou les preuves nouvelles qui leur font présumer une culpabilité qui n'existait pas précédemment à leurs yeux, et c'est là qu'est la garantie du prévenu (t. 3, p. 626-628). »

Quant à la jurisprudence, devant guider surtout en cette matière, elle était avant la suppression des chambres du Conseil ce que vont indiquer les motifs d'un arrêt de rejet du 5 janvier 1854 qui, après avoir visé l'art. 246 et aussi l'art. 248, chargeant le président de la chambre d'accusation d'indiquer le juge devant lequel il sera procédé à une nouvelle instruction, considère « que, de cette désignation pure et simple, qui est nécessaire dans cette hypothèse par suite du dessaisissement des premiers juges, il résulte que la nouvelle instruction n'est nullement subordonnée à une appréciation préalable des charges nouvelles par la chambre d'accusation; que cette conséquence reçoit une nouvelle force de ce que la désignation émane du président et non de la Cour elle-même ; que cette instruction demeure donc soumise aux mêmes règles que la première, et que, d'ailleurs, toute autorisation préalable de reprendre la poursuite n'aurait aucun objet, puisque les nouvelles charges ne peuvent être constatées que par une instruction, et que cette instruction doit nécessairement précéder l'appréciation même de ces charges; que si, dès lors, la première procédure a été terminée par une ordonnance de la chambre du Conseil, non suivie d'opposition, le ministère public, à qui les charges survenues sont signalées, peut directement requérir le juge d'instruction de procéder à la constatation de ces charges; que ce juge n'est lié par cette ordonnance que relativement aux charges existantes à l'époque où elle est intervenue; qu'au cas de charges nouvelles, il reprend de plein droit sa compétence pour instruire sur les éléments nouveaux qui n'ont pas fait l'objet de la première instruction; que la garantie résultant de l'exception de la chose jugée réside dans la constatation de ces éléments, que la chambre du Conseil et la chambre d'accusation sont tenues de faire avant de se ressaisir et de statuer sur la nouvelle procédure. »

Quelles que fussent alors les divergences, quant aux moyens de faire tomber une décision de non-lieu rendue par la chambre du Conseil, on s'accordait du moins sur un point, sur la nécessité de garanties contre une reprise arbitraire de poursuites, qui aboutirait à la mise en prévention contrairement à l'ordonnance de non-lieu; la garantie principale, on la trouvait dans l'obligation pour le ministère public et le juge d'instruction de soumettre les nouvelles charges, recueillies et constatées, à l'appréciation de la chambre du Conseil, qui ne pourrait, qu'après examen et qu'en rétractant son ordonnance, renvoyer au tribunal correctionnel, lequel sans cela serait lié par la chose jugée. Or cette garantie n'existe plus au même degré, depuis que le juge d'instruction se trouve avoir la double qualité de magistrat instructeur et de juge pour la mise en prévention : car, s'il peut être ressaisi sur simple réquisitoire et s'il pouvait même se ressaisir d'office, un pouvoir sans contrôle lui appartiendrait pour, nonobstant l'ordonnance de non-lieu, prononcer un renvoi en police correctionnelle qui ne comporte pas même d'opposition par le prévenu. Cela rend d'autant plus nécessaire la fixation précise, avec exécution stricte, des conditions dont l'ensemble doit constituer une garantie suffisante contre l'arbitraire.

La reprise des poursuites et de l'instruction comportant le concours de deux magistrats qui ont des attributions différentes, on peut, en les distinguant entre elles, fixer les pouvoirs de chacun, avec les conditions de leur exercice, de manière qu'il y ait une latitude suffisante pour la vindicte publique et la garantie nécessaire pour l'inculpé menacé de redevenir prévenu.

Les pouvoirs du procureur impérial, officier de police judiciaire et du ministère public, peuvent bien comprendre, avec celui de recevoir ou recueillir les éléments de preuve qui se présenteraient « sans provocation »>, suivant l'opinion limitative de M. Carnot, ou de rassembler les charges survenues qui lui sont signalées, selon l'expression de l'arrêt précité, le pouvoir analogue de « s'emparer des procès-verbaux ou déclarations qui auraient eu lieu dans un autre affaire ou dans un autre arrondissement », comme l'indiquait M. Faustin-Hélie, et même le pouvoir plus étendu qui est aussi un devoir pour la police judiciaire suivant MM. Rauter et Mangin, «< celui de rechercher et recueillir les charges nouvelles en verbalisant, » pour ainsi reprendre les poursuites et requérir la reprise de l'instruction d'après ces éléments nouveaux. Tout cela peut lui être permis, parce que l'ordonnance de non-lieu qui n'était pas définitive n'a point exclu la possibilité des recherches et constatations nouvelles; parce que le procureur impérial, en sa double qualité, est précisément le fonctionnaire auquel principalement il appartient d'agir pour qu'il y ait information; parce qu'enfin cela se trouve assez exprimé dans l'art. 248, qui prescrit, comme préalables à la nouvelle instruction, un envoi des pièces et charges, une réquisition et une poursuite. A la vérité, les prescriptions quant à l'envoi au procureur général et à l'indication d'un juge instructeur, sont pour le cas où

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