Sivut kuvina
PDF
ePub

ce serait la chambre d'accusation qui aurait prononcé le non-lieu et qui devrait statuer à nouveau : c'est sans objet quand le non-lieu émane du juge d'instruction, désigné par la loi elle-même pour l'instruction nouvelle; mais cela concourt à prouver qu'avant cette instruction le procureur impérial a des pouvoirs d'investigation, qui peuvent s'exercer selon les règles ordinaires.

Comme la reprise des poursuites n'a pour objet ni un flagrant délit, ni une mesure des plus urgentes, nous n'admettons pas que le procureur impérial puisse faire lui-même un de ces actes d'instruction qui ne sont dans ses attributions qu'exceptionnellement et que selon certaines dispositions tout à fait spéciales. S'il y avait nécessité de s'assurer de la personne du prévenu ou de prendre quelque autre mesure conservatoire, ce magistrat ne pourrait, comme tout officier de police judiciaire ayant sous sa main un inculpé, que le faire conduire devant le juge d'instruction, duquel il requerrait un mandat de dépôt car l'art. 248 réserve expressément à celui-ci le pouvoir de décerner un tel mandat, avec la condition de ne le faire que «< sur les nouvelles charges. »

Le devoir du procureur impérial, ayant recueilli des éléments nouveaux, est de saisir par voie de réquisition avec pièces le juge d'instruction compétent. Ce juge est celui qui avait fait l'instruction première et rendu l'ordonnance de non-lieu, selon les règles ordinaires sur la compétence et sur les deux degrés de juridiction; sans qu'on ait besoin ici d'aucune indication par le président de la chambre d'accusation, puisque le juge d'instruction se trouve désigné de plein droit. A la différence du cas où ce serait la chambre d'accusation qui aurait prononcé le nonlieu, ce juge est compétent, quand même cette chambre aurait connu de l'instruction pour un autre prévenu, comme dans celui où les charges nouvelles seraient découvertes dans un arrondissement autre dont le juge d'instruction aurait eu compétence par quelque circonstance différente (voy. arr. 34 août et 22 nov. 1824, 14 mai 1829, 18 févr. 1836, 18 mai 1839, 11 août 1842, 13 mars 1846, 21 août 1847, 5 janv. 1854, 28 sept. 1865, J. cr., art. 5917 et 8174).

Une réquisition n'est-elle pas nécessaire, pour que le juge d'instruction soit ressaisi? M. Duverger dit : « Lorsque c'est le juge d'instruction qui reprend les poursuites d'une affaire dont il a déjà connu, il procède dans les mêmes formes qu'après le réquisitoire primitif; et je pense même qu'un réquisitoire spécial n'est pas indispensable pour le mettre en mouvement, quoiqu'il me semble plus régulier que le ministère public provoque de nouvelles informations » (t. 3, no 535). Ce que cet auteur reconnaît plus régulier, nous le trouvons nécessaire, par deux raisons d'abord l'art. 248 l'indique assez, en disant qu'il sera, « à la poursuite de l'officier du ministère public, procédé à une nouvelle instruction »; en second lieu, c'est une conséquence de l'obligation, pour le ministère public, d'indiquer les éléments nouveaux qu'il présente comme charges, afin qu'elles soient constatées et ensuite appréciées.

La constatation des charges survenues est une condition première,

pour la reprise de l'instruction; mais aucun texte n'a prescrit un mode spécial ou une forme particulière. Dans notre opinion, elle comporte un double moyen; c'est l'énonciation par le procureur impérial, dans son réquisitoire reprenant la poursuite, des éléments nouveaux, faits révélés ou pièces découvertes, qu'il présente comme charges survenues qui fortifient les premières; et c'est le visa de ce réquisitoire, avec ces énonciations, dans le premier des actes de la nouvelle information, lequel se trouvera ainsi avoir une base légale.

Les pouvoirs du juge d'instruction, magistrat instructeur pour l'information nouvelle et juge pour la nouvelle décision à rendre, comprennent celui de rouvrir l'instruction d'après le réquisitoire, de constater les éléments nouveaux qui y sont présentés comme charges survenues, de les contrôler ou fortifier par l'instruction nouvelle ayant lieu dans les formes ordinaires, d'apprécier ensuite l'ensemble des charges qui résulteraient de la double instruction, enfin de statuer sur la prévention par une décision nouvelle, soit non-lieu, soit renvoi en police correctionnelle, hors le cas extraordinaire où la chambre d'accusation serait seule compétente pour cause d'évocation ou de crime découvert. Investi de tels pouvoirs, le juge d'instruction ne peut être arrêté par aucune exception d'incompétence qui serait uniquement fondée sur le dessaisissement qu'avait opéré l'ordonnance de non-lieu pour insuffisance des charges. En effet, ce des saisissement n'était que provisoire ou éventuel; il concernait moins l'instruction, pouvant être reprise, que le règlement de la procédure, décision qui ne sera changée qu'après appréciation différente de l'ensemble des charges.

Le juge d'instruction pourrait-il, en l'absence de tous éléments nouveaux présentés comme charges survenues, ouvrir ou ordonner une nouvelle information pour en découvrir? Cette question fut confondue avec celle de l'étendue des pouvoirs du procureur impérial, dans la controverse qui eut lieu entre M. Carnot et plusieurs criminalistes. Ce commentateur exagérait les conditions en repoussant toutes charges qui auraient été provoquées, en refusant au procureur impérial ainsi qu'au juge d'instruction le pouvoir de recueillir et vérifier l'exactitude des renseignements qui leur parviendraient, et d'en faire la matière d'une information. Ce fut cette exagération qui motiva des contradictions, allant trop loin elles-mêmes, en ce qu'elles supposaient qu'une information pouvait être requise et faite pour rechercher et obtenir de nouvelles charges, qui feraient tomber le non-lieu. Dans notre opinion, la police judiciaire ayant pu recueillir les nouvelles charges dans la sphère de ses pouvoirs étendus, ce qui n'a pas été fait de la sorte ne peut l'être sous forme d'information avec les moyens de contrainte dont dispose le magistrat instructeur. Par exemple, nous ne saurions admettre que le juge d'instruction, sans qu'il y eût un réquisitoire appuyé de pièces d'où résulteraient de nouvelles charges déjà recueillies, pût commencer son information nouvelle par une perquisition avec saisie, par un mandat avec interrogatoire, par une délégation à un commissaire de police pour

une opération coercitive, qui mettrait sous la main de justice des pièces ou des personnes pouvant fournir les charges ainsi recherchées. Ce serait alors qu'on pourrait sérieusement objecter, qu'avec un pareil système, la décision de non-lieu n'aurait aucune autorité, les nouveaux actes étant faits comme si elle n'existait pas; une plainte sans preuve suffirait pour la reprise de l'instruction sur poursuite, avec possibilité de détention préventive nonobstant l'ordonnance ayant mis le prévenu en liberté; l'instruction pourrait se renouveler plusieurs fois, sans qu'il y eût un terme d'après ce qui a été dit sur la question de prescription. Or, suivant nous, des pouvoirs aussi étendus, sans limitation pour le cas spécial, ne sauraient se concilier avec la décision existante, qui ne doit fléchir que devant des charges déjà survenues, comme elle ne peut être anéantie qu'à raison de charges jugées suffisantes.

Est-ce à dire que la nouvelle instruction, légalement requise, ne peut être commencée avant rétractation de l'ordonnance de non-lieu ? Cette opinion a paru avoir été émise, mais ne pourrait être soutenue: l'équivoque vient d'une confusion entre l'instruction reprise nonobstant le non-lieu et la décision contraire à cette première ordonnance. Ainsi que l'a dit M. Faustin-Hélie (t. 5, no 2085), une instruction est nécessaire pour constater les nouvelles charges, puisque l'art. 248, quand ces charges surviennent, ne s'occupe que de désigner le juge qui doit y procéder; cette constatation est le préalable nécessaire à l'appréciation ultérieure, qui pourra faire détruire la première décision; le juge d'instruction ne pourrait apprécier si les charges alléguées par le ministère public existent ou n'existent pas, avant qu'elles eussent été recueillies et constatées; si deux décisions devaient intervenir, l'une pour rouvrir l'instruction, l'autre pour en apprécier les résultats, l'une empiéterait sur l'autre et la rendrait inutile. Aussi le seul arrêt doctrinal sur ces questions, celui du 5 janvier 1854, a-t-il proclamé que « la nouvelle instruction n'est nullement subordonnée à une appréciation préalable des charges nouvelles....; toute autorisation préalable de reprendre la poursuite n'aurait aucun objet, puisque les nouvelles charges ne peuvent être constatées que par une instruction. » S'il faut une formule de rétractation, ce sera seulement lorsqu'il y aura mise en prévention, et pour la régularité.

Plusieurs conditions enfin sont nécessaires, pour l'existence réelle de nouvelles charges autorisant d'abord la nouvelle instruction et ensuite une décision contraire à la précédente. Il faut, en premier lieu, que les déclarations de témoins, pièces ou procès-verbaux recueillis n'eussent pas été soumis à l'appréciation du juge avant sa décision; mais sans que l'impossibilité supposée par un mot de l'art. 147 fût tellement absolue, qu'on doive écarter des charges nouvelles par cela seul qu'elles auraient pu être découvertes si on les eût alors recherchées. Il faut, en second lieu, que les charges survenues soient de nature à fortifier les preuves jugées insuffisantes lors du premier examen, ou à suppléer les indices qui manquaient, de telle sorte qu'elles motivent le change

ment de décision, suivant l'appréciation rationnelle du juge (voy. art. 247). On ne devrait pas réputer nouvelles charges, dans le sens spécial, des éléments nouveaux qui ne feraient que présenter l'affaire sous un nouveau jour, pour arriver à une qualification différente du fait (Cass., 19 mars 1843; Carnot, t. 2, p. 292.) Mais, dans le cas même où la première ordonnance aurait vaguement écarté les charges comme insuffisantes ou nulles, il faudrait réputer nouvelle toute charge qui paraîtrait n'avoir pas été appréciée dans la première instruction, comme celle qui n'aurait pas été comprise dans les énonciations (Cass. 31 août 1824 et 10 avril 1823).

Les conditions voulues ont été justement trouvées dans les circonstances suivantes: après non-lieu sur une prévention de suppression d'enfant, un délit de cette nature s'est révélé par la découverte du cadavre d'un enfant nouveau-né et aussi par des traces d'un récent accouchement; par suite, l'instruction faite pour le second délit, et portant aussi sur le premier, a fortifié les charges d'abord jugées trop faibles; ce concours de preuves, ainsi révélées et constatées, a légalement fait condamner pour les deux délits, avec maintien de la condamnation par rejet du pourvoi (C. de Paris, 29 nov. 1866; Rej. 17 janv. 1867; J. cr., art. 8434).

Il en a été de même dans les circonstances extraordinaires que nous allons indiquer. Après une longue instruction sur une inculpation d'escroquerie par obtention d'un transport- cession en 1863, laquelle avait été provoquée par une plainte avec communication du dossier d'un procès civil engagé, une ordonnance du juge d'instruction conforme au réquisitoire final avait déclaré n'y avoir lieu à poursuivre (2 mars 1867). Le procès civil ayant été repris, l'arrêt qui le terminait a fondé sur le dol déclaré une disposition ainsi conçue : « faisant droit aux réquisitions du ministère public, ordonne que les pièces de la procédure seront déposées au greffe de la Cour pour y être mises à la disposition de M. le procureur général » (C. d'Alger, 28 nov. 1869). Conformément aux instructions de ce magistrat, le procureur impérial a requis le juge d'instruction de reprendre l'information pour charges nouvelles indiquées avec pièces (Req. 30 déc. 1868). Les premiers actes du juge d'instruction ont été ceux-ci: 2 janvier, délégation à un commissaire de police, pour rechercher et saisir chez l'inculpé toutes pièces relatives au transport dont l'obtention était arguée d'escroquerie; 2 janvier, commissions rogatoires à deux juges d'instruction pour audition de témoins; 13 janvier, mandat de comparution pour l'interrogatoire de l'inculpé, qui a protesté avec déclinatoire fondé sur ce qu'il y avait eu dessaisissement. Le juge d'instruction a repoussé cette exception, mais décidé de nouveau qu'il n'y avait pas lieu à renvoi en police correctionnelle (ordon. 2 juillet 1869). Opposition du procureur général, et par suite opposition du prévenu, présentant dans un mémoire les moyens qui vont être indiqués. C'est dans cette situation qu'ont été rendus les deux arrêts suivants.

[ocr errors]

ARRET (Min. publ. c. Famin).

LA COUR; En ce qui touche l'opposition du prévenu:- attendu qu'elle a été formée dans les délais prescrits par l'art. 135 C. inst. cr.; qu'elle est fondée sur une exception ou déclinatoire tiré soit de ce que le délit objet de la prévention serait prescrit, soit de ce que Famin serait protégé par l'autorité de la chose jugée résultant de l'ordonnance de non-lieu rendue en sa faveur, le 2 mars 1867, soit de ce que l'information aurait été en la forme irrégulièrement reprise, soit enfin et au fond de ce qu'il ne serait point survenu de charges nouvelles; attendu, sur la prescription, que le transport incriminé porte la date du 18 mai 1863; qu'entre cet acte et le premier acte de poursuite consistant dans le réquisitoire d'information du 14 mars 1866, il s'est écoulé moins de trois ans; que la poursuite ne s'étant close que par l'ordonnance de non-lieu du 2 mars 1867, ce n'est qu'à partir de cette dernière date que pourrait courir le délai de la prescription; mais que, le réquisitoire à fin d'information sur charges nouvelles étant intervenu le 30 décembre 1868, il est évident qu'à aucune époque il ne s'est écoulé une période de trois années sans poursuites, d'où il suit que la prescription ne saurait avoir été encourue;

attendu, sur l'exception de chose jugée et les exceptions qui s'y rattachent, qu'une ordonnance de non-lieu ne présente le caractère de la chose jugée qu'à la condition qu'il ne survienne pas de charges nouvelles, la survenance de nouvelles charges autorisant, aux termes de l'art. 246 C. inst. cr., à rouvrir l'instruction et pouvant amener ainsi une seconde ordonnance modificative de la première; qu'il est en effet de principe que l'art. 246 C. inst. cr. est appli cable aux ordonnances du juge d'instruction, aussi bien qu'aux arrêts de la chambre des mises en accusation; qu'il n'est pas nécessaire d'ailleurs que le juge d'instruction, avant de rouvrir l'instruction, rapporte au préalable sa première ordonnance et déclare par une ordonnance spéciale l'existence des charges nouvelles, l'instruction qu'il est appelé à reprendre ayant précisément pour objet de rechercher si ces charges existent, en quoi elles consistent, et s'il y a lieu en conséquence par lui de modifier sa précédente ordonnance; et attendu, en fait, que l'information terminée par l'ordonnance de non-lieu du 2 mars 1867 a été reprise en vertu du réquisitoire du 30 décembre 1868, motivé sur la survenance de charges nouvelles; que le juge d'instruction n'a ouvert de nouveau l'information qu'à raison de ces nouvelles charges; d'où la conséquence qu'il a été procédé dans les conditions voulues par l'art. 246 précité, et qu'il ne s'agit plus que de rechercher si la nouvelle information a révélé des circonstances remplissant les conditions voulues par l'art. 247 C. inst. cr. pour constituer des charges nouvelles, c'est-à-dire, des pièces, procès-verbaux ou indices quelconques qui, n'ayant pu être soumis à l'examen du premier juge, sont cependant de nature, soit à fortifier la preuve qu'il aurait trouvée trop faible, soit à donner aux faits de nouveaux développements utiles à la manifestation de la vérité ; attendu qu'on ne saurait refuser ce caractère: 1° à la liasse intitulée « résidu de la créance Chenuat», saisie depuis la première information... (suit l'indication de pièces, déclarations et explications); — confirme l'ordonnance du juge d'instruction du chef qui a repoussé les exceptions préjudicielles du prévenu; réforme ladite ordonnance, en ce qu'elle déclare à tort que dans les faits ci-dessus ne se rencontrent pas les caractères du délit d'escroquerie......

[ocr errors]

Du 1er septembre 1869. C. d'Alger, ch. d'acc.-M. Brown, prés.

« EdellinenJatka »