Sivut kuvina
PDF
ePub

je l'expliquerai dans une dissertation consacrée aux discussions législatives de la session qui finit.

Un autre moyen consisterait à enfermer dans des maisons de travail les libérés, ce qui s'appliquerait notamment aux récidivistes et pourrait être étendu aux coupables en rechute réitérée qui sont l'objet de cette étude. Il a été demandé dans des écrits soutenant que la surveillance, quel que soit le mode, replonge et endurcit le condamné dans le vice; qu'elle est insuffisante et surabondante, comme moyen de police et de précaution; que l'exécution de cette peine accessoire rencontre des difficultés d'exécution, surtout dans les communes rurales; qu'enfin elle est funeste pour les condamnés, funeste pour la société elle-même. Aussi, non-seulement y a-t-il dans certains pays des établissements analogues aux dépôts de mendicité qui ont été affectés en France à une classe de condamnés, mais même des législations ont adopté le mode qu'indique le Code prussien disant, art. 1160 : « Si un individu deux fois condamné pour vol s'en rend coupable une troisième fois, il y a lieu, les peines étant subies, de le contraindre au travail en le tenant enfermé dans une maison de force, jusqu'à ce qu'il se corrige et qu'il justifie que désormais il pourra suffire à ses besoins par des moyens honnêtes. » La grande difficulté serait d'approprier un tel système à notre législation pénale, dont les principes n'admettent pas que des individus ayant subi leur peine soient encore enfermés après expiation, l'établissement de travail ne saurait être une prison pour peine.

Il y a bien un moyen analogue, qui n'est pas sans précédents en France; mais de tristes souvenirs et l'état politique nouveau ne permettraient de l'employer qu'avec tempéraments. Notre première Assemblée Constituante ayant décrété la déportation dans une colonie lointaine, vis-à-vis des malfaiteurs, le Code pénal de 1791 allait jusqu'à vouloir que les condamnés pour crime en récidive, après avoir subi leur peine, y fussent transportés (part. 1re, t. 2, art. 1 et 2): aucun lieu n'ayant été fixé, cette disposition pénale resta sans exécution. Amendant en 1846 un projet de loi sur l'emprisonnement cellulaire, la Chambre des Députés disait qu'après avoir subi dix ans cette peine, le condamné serait transporté hors du territoire continental, pour le temps qui resterait à courir jusqu'au terme fixé par l'arrêt de condamnation : c'était un système qui n'a pu prévaloir et ne saurait nous guider aujourd'hui. L'insurrection de juin 1848 motiva un décret ordonnant la transportation, dans les possessions françaises d'outre-mer, des détenus qui seraient reconnus y avoir pris part (1. 2 juin); mais cette mesure de sûreté générale n'est pas un précédent à suivre. Le décret dictatorial du 8 décembre 1851, dans sa disposition relative aux libérés en rupture de ban, permettait de les transporter «dans une colonie pénitentiaire, à Cayenne ou en Algérie »

(voy. J. cr., art. 5166) : ce n'est pas encore là qu'il faudrait chercher un moyen vis-à-vis des délinquants à juger, même en récidive. Dans son système pénal présenté ces jours-ci au Corps législatif, M. Raspail admettait que les coupables réputés dangereux pourraient être « déportés et cantonnés dans une colonie où ils travailleraient » (voy. J. off., 18 juin) la concession est à retenir, quoique le système émis soit complétement inadmissible, en ce que sa base première est tout à fait fausse. Ecartons ce qui a le caractère d'une mesure de sûreté générale, toute pénalité du genre de la déportation ou de la transportation au loin, dont on a pu dire à la tribune qu'une telle peine n'est pas française. Ne recherchons que ce qui serait compatible tout à la fois avec notre législation pénale et avec la situation spéciale des récidivistes en rechute réitérée, pour vol ou délits analogues.

VII. Notre Code pénal, sans parler ici des lois ou codes ayant leurs pénalités particulières, a déjà des peines assez nombreuses et diverses pour qu'on doive éviter d'en créer de nouvelles, qui paraîtraient exceptionnelles et peut-être exorbitantes. Quand il ne s'agit que de délit correctionnel, fût-il en récidive même réitérée, c'est l'emprisonnement qui doit être infligé comme peine; sa durée seule peut être prolongée, avec accessoires s'il est nécessaire. Mais aussi le mode d'exécution de cette peine comporte, comme d'autres, certaines modifications, surtout au moyen d'une loi spéciale. Le Code s'est borné à dire que l'emprisonnement a lieu « à temps dans une maison de correction »> (art. 9); que le condamné à l'emprisonnement « sera renfermé dans une maison de correction et employé à l'un des travaux établis dans cette maison selon son choix » (art. 40); que « les produits du travail de chaque détenu pour délit correctionnel seront appliqués partie aux dépenses communes de la maison, partie à lui procurer quelques adoucissements s'il les mérite, partie à former pour lui, au temps de la sortie, un fonds de réserve; le tout ainsi qu'il sera ordonné par un règlement d'administration publique » (art. 41). On a bien pu, même en vertu de simples ordonnances réglementaires, affecter un quartier dans certaines maisons centrales de détention, qui pourtant sont avant tout des maisons de force, aux individus des deux sexes condamnés à plus d'un an de prison, classement conforme aux dispositions du Code pénal sur la récidive (ordonn. 2 avril 1817 et 6 juin 1830). Une loi ne pourrait-elle pas, pour les délinquants d'habitude qui ont besoin d'être contraints au travail, décréter l'établissement de colonies pénitentiaires où le travail aurait lieu à l'air libre, avec des combinaisons qui auraient pour but l'intérêt public et l'amendement des coupables?

Il ne s'agit plus ici d'aggravation pénale ou de peine nouvelle ; nous pouvons même écarter la dénomination de « colonie pénale », qui a été parfois employée dans des écrits de publicistes ou criminalistes.

Ce qui est en question, pour le travail devant occuper le condamné, c'est le lieu où l'établissement avec le sujet de l'occupation productive. Une colonie agricole aurait de nombreux avantages: car le travail extérieur est celui qui tout à la fois à le plus besoin d'attirer des bras et offre le plus de moyens de moralisation, si bien que dès 1849 un message du prince président déclarait que l'administration se préoccupait de l'idée d'accorder à l'agriculture une part dans la réorganisation du travail des condamnés. Tandis que, dans une véritable prison, la charge de l'entretien du condamné reste à peu près la même pour l'Etat; dans une colonie, au contraire, elle diminue progressivement, jusqu'au jour où le condamné, ayant accompli sa tâche, se sera créé des moyens d'existence qui dispenseront désormais d'y pourvoir. On a objecté qu'il n'est pas permis à un pays de déverser sa criminalité sur un autre : l'objection serait puissante, si la métropole ou la capitale voulaient peupler avec leurs repris de justice un pays annexé ou tel département; mais elle disparaîtrait, lorsque le législateur représentant la France entière choisirait un territoire à la fois nouveau et manquant de bras pour des travaux de colonisation.

Un précédent considérable se trouve dans ce qui s'est fait pour l'exécution de la peine des travaux forcés, que le Code pénal édictait sans fixer précisément le lieu où elle s'exécuterait, mais alors qu'il était sous-entendu que ce serait en France, dans un arsenal maritime ou dans une maison centrale. On n'a pas eu besoin de recourir au système de transportation à titre de peine, directement prononcée et subie, qu'ont expérimenté les Anglais dans la Nouvelle-Galles du Sud et dans la terre de Van-Diemen, quoiqu'il y eût à imposer plus que les épreuves du probation system, qui commence par un emprisonnement cellulaire ou par l'assujettissement à de rudes travaux dans un pénitencier. Il s'agissait seulement, en maintenant la peine édictée et prononcée, de la faire exécuter dans une colonie lointaine, dans des établissements spéciaux que créerait le Gouvernement. L'Assemblée législative avait pris en considération une proposition de MM. Boinvilliers et Dupetit-Thouars, qui tendait à ce but. Un message du prince président avait même dit (12 nov. 1850) : « Il me semble possible de rendre la peine des travaux forcés plus efficace, plus moralisatrice, moins dispendieuse et plus humaine, en l'utilisant au profit de la colonie française. » Et comme c'était une question d'exécution, sans aggravation effective pour les condamnés détenus qui s'y prêteraient, le décret du 27 mars 1852 a proclamé « que sans attendre la loi qui doit modifier le Code pénal quant au inode d'application des travaux forcés pour l'avenir, le gouvernement est dès à présent en mesure de faire passer à la Guyane française, pour y subir leur peine, un certain nombre de condamnés, détenus dans les bagnes, qui y seront em

ployés aux travaux de la colonisation, de la culture, de l'exploitation des forêts, et à tous autres travaux d'utilité publique. » Enfin la loi <«< sur l'exécution de la peine des travaux forcés » a disposé notamment que cette peine « sera subie, à l'avenir, dans des établissements créés par décrets de l'Empereur, sur le territoire d'une ou plusieurs possessions françaises autres que l'Algérie » (1. 1er juin 1854, art. 1er). Le Gouvernement avait créé un de ces établissements à Cayenne, où étaient déjà des condamnés antérieurs qui avaient consenti à leur translation, et c'était là que semblait devoir s'exécuter désormais la peine des travaux forcés pour ceux qui n'étaient pas dans des cas d'exception actuellement on expérimente la colonisation dans la Nouvelle-Calédonie, possession française qui paraît préférable sous plusieurs aspects.

N'y a-t-il pas là des précédents ou exemples qui pourraient guider, relativement à d'autres condamnés dont les récidives ou rechutes réitérées commandent quelque combinaison analogue, avec tempéra ́ments? A la vérité, des rapports ont fait connaître les mauvaises dispositions de la plupart des forçats assujettis seulement à une résidence temporaire, dans la Guyane; et il a été constaté que 23 p. 100 de ces libérés étaient repris en récidive, dans les deux années qui suivaient celle de leur rapatriement. Mais l'amélioration qui faisait défaut à Cayenne, par des causes ayant motivé le changement, pourra s'obtenir dans la colonie nouvelle ; et d'ailleurs la proportion pour ces récidivistes est encore moindre que pour les libérés des maisons centrales, qui donnent de 29 à 52 p. 100. Le résultat est d'autant moins décisif contre l'idée d'y puiser un enseignement utile, que nous aurons l'expérience pour les écueils à éviter, outre qu'il s'agit d'une classe très différente de délinquants.

VIII. Voyons quelles sont les combinaisons de la loi de 1854, et comment elles pourraient être appropriées à la situation qui nous préoccupe.

La loi émise, ayant pour objet l'exécution de la plus grave des peines afflictives ou infamantes, a dû excepter des possessions françaises où seraient créés les établissements nécessaires, l'Algérie, qui s'assimile de plus en plus à la métropole : l'exception permettrait de fonder ici, surtout dans la partie qui n'est pas encore tout à fait territoire civil, un établissement se distinguant des autres par la classe spéciale des délinquants et par la nature propre de la peine moindre qui serait à y subir, encore bien qu'elle comporte l'obligation du travail dans certaines conditions. Cette loi implique translation des condamnés, sans qu'il s'agisse de transportation comme peine, et aussi en admettant qu'il pourrait y avoir des empêchements qui feraient subir la peine provisoirement en France (art. 1er); cela serait également possible ici, surtout pour infractions et condamnations

postérieures à la loi nouvelle. Des dispositions ont réglé ce qui serait afférent au travail et à la discipline (art. 2-4): on pourrait faire de même ou bien, se référant à l'art. 41 C. pén., renvoyer à un règlement d'administration publique pour les détails. Une disposition spéciale porte que l'individu condamné à moins de huit ans de travaux forcés sera tenu, à l'expiration de sa peine, de résider dans la colonie pendant un temps égal à la durée de sa condamnation (art. 6): on examinerait s'il ne conviendrait pas aussi d'imposer une prolongation de séjour; ce serait permis, puisqu'il s'agirait d'une loi pénale pour l'avenir, sauf à voir quelles combinaisons seraient à adopter selon la durée de la peine prononcée. D'autres dispositions prévoient et punissent les évasions (art. 7-10): il y aurait à édicter des mesures analogues. Enfin la loi a dit : « Les condamnés des deux sexes qui se seront rendus dignes d'indulgence par leur bonne conduite, leur travail et leur repentir, pourront obtenir : 1° l'autorisation de travailler, aux conditions déterminées par l'administration, soit pour les établissements de la colonie, soit pour les administrations locales; 2o une concession de terrain et la faculté de le cultiver pour leur propre compte. Cette concession ne pourra devenir définitive qu'après la libération du condamné » (art. 11 et suiv.). Voilà où serait la tâche du Gouvernement et de l'administration, le but moral de la loi voulant moins punir qu'amender autant que possible les délinquants, enfin le moyen restant aujourd'hui à essayer après tant d'autres qui n'ont pas réussi.

Un criminaliste, sans nier absolument les bons effets du système de colonisation, l'a critiqué en ce qu'il s'y trouverait une sorte d'appât pouvant exciter à la récidive, pour les malfaiteurs qui verraient en perspective les hasards d'un voyage lointain et l'éventualité de concessions les faisant devenir propriétaires fonciers. Il y a dans cette objection critique une grande exagération, due surtout au vif désir de faire accepter de préférence, le système des libérations préparatoires, sur le continent même. Sans doute il ne faudrait pas proclamer comme principe d'une loi, dont la promulgation et l'exécution immédiates la font connaître à tous, que ceux qui commettront telle récidive seront conduits dans une colonie où ils auront du travail et pourront obtenir des concessions de terres : c'est alors qu'existerait l'écueil supposé, pour la sûreté des habitants de la métropole. Mais, avant tout, il y aurait des dispositions répressives, qui sont une protection préventive contre les méfaits. De plus, on éloignerait la perspective supposée attrayante, soit en ne l'inscrivant pas dans la loi elle-même et en laissant des pouvoirs d'appréciation aux autorités administratives, soit surtout en exprimant formellement toutes les conditions auxquelles serait subordonnée la réalisation de l'avantage final qui serait promis. Au reste, il ne s'agit plus ici de malfaiteurs ne reculant de

« EdellinenJatka »