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Qu'en résulte-t-il? Si les auteurs de la proposition ne l'ont pas formellement retirée, au moins paraît-il y avoir l'équivalent d'un abandon par ajournement, ou bien de grandes probabilités de rejet. Quoi qu'il en soit, et comme l'étendue du rapport ne permet pas de le recueillir ici, je crois devoir donner l'analyse succincte de ses principaux arguments, qui peuvent se résumer ainsi qu'il suit : - 1o Le droit de défense, pour la société comme pour les individus, rend légitime ce qui est absolument nécessaire à son exercice : c'est le fondement du droit de punir, irrécusable dans la mesure des nécessités de l'ordre social ou de la sécurité publique. Les plus hautes considérations obligent à reconnaître la légitimité même de la peine de mort, édictée par le législateur et infligée en jugement, quand l'intérêt de la sécurité sociale se trouve, à raison de certains crimes et dans de certaines circonstances, si gravement engagé que leur répression par ce moyen extrême soit commandée par la plus étroite et la plus impérieuse nécessité : car autrement on arriverait à cette énormité, que le droit social devrait fatalement périr sous les coups du droit individuel excessif. - 2o A l'objection actuelle des abolitionnistes, s'appuyant sur la faillibilité des jugements humains et sur les effets irréparables de la peine capitale, on répond: qu'il y a beaucoup d'exagération dans les dires et calculs à l'aide desquels ils ont voulu établir ce qu'ils appellent « le martyrologe des erreurs judiciaires; que même en examinant de près les causes notables par eux citées pour exemples, on ne voit pas des preuves comme il en faudrait pour appuyer l'objection; qu'aujourd'hui, d'ailleurs, la peine de mort n'est édictée que pour un petit nombre de crimes déterminés et n'est infligée que lorsqu'il y a certitude de culpabilité d'un crime atroce; que les pouvoirs du jury et le droit de grâce sont si largement exercés, qu'il serait impossible de supposer l'exécution à mort d'un innocent. 3o Quant à la nécessité de la peine pour l'exemplarité ou l'intimidation, relativement aux crimes qui la comportent selon nos lois, elle est prouvée par l'expérience et le raisonnement: car il résulte des statistiques qu'il y a augmentation du nombre des crimes capitaux, quand la loi pénale ou la justice répressive faiblissent; et que le vol est presque toujours le mobile des malfaiteurs, qui ne reculeraient pas devant l'homicide supprimant un témoin révélateur, si la crainte de l'échafaud ne leur était plus inspirée par la loi et des condamnations exécutées.

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J'ajoute que, malgré les efforts faits en différents pays et avec agitation pour l'abolition actuelle, elle est refusée presque partout et même par les plus récents codes, au moins pour les crimes réputés très dangereux; qu'il en est ainsi en Italie, quoiqu'il y eût abolition dans l'heureux duché ayant fourni la capitale du nouveau royaume; que dans l'Allemagne du nord, les états confédérés n'ont voulu ad

mettre pour eux le code pénal préparé par le gouvernement prussien ou le conseil fédéral qu'à la condition du maintien de la peine de mort, qui est édictée même pour le simple meurtre 2.

II. C'est aussi sans résultat, jusqu'ici du moins, qu'a été discutée la difficile question relative à la publicité pour les exécutions capitales. On reconnaît généralement que l'exécution en place publique, au lieu de produire les effets espérés de l'exemplarité comme moyen d'intimidation vis-à-vis des masses, est devenue pour elles un spectacle sanglant et concourt à leur dépravation morale. Aussi plusieurs États, mêmes voisins de la France, ont-ils récemment introduit dans leur législation pénale une disposition prescrivant que les exécutions se fassent dans une cour de prison, en présence de certains fonctionnaires et de quelques autres personnes : c'est ce qu'on voit notamment dans le Code pénal bavarois, art. 15, dans le Code pénal prussien, art. 8, et dans un bill anglais, disant comme la loi américaine que « les exécutions auront lieu dans l'enceinte de la prison où était détenu l'accusé condamné, en présence du schériff chargé d'y pourvoir, du gouverneur, du chapelain, du chirurgien de la prison et des autres officiers que ceux-ci pourront requérir. » Mais en France il faudrait des garan

2. Quoique révisé plusieurs fois avant 1848, le Code pénal prussien maintenait toujours la peine de mort; à cette époque, un projet la remplaçait, pour les provinces rhénanes, par les travaux forcés à perpétuité, et pour les autres par la détention à vie dans une maison de force ou une forteresse, mais voulait qu'elle fût appliquée en cas de guerre ou d'état de siége. Le parlement national ayant été dissous et la question étant reprise, le nouveau Code pénal, publié le 14 avril 1851, qui régissait toute la Prusse, a maintenu la peine de mort pour quatorze cas spécifiés. En Saxe, comme au parlement de Francfort, la question a aussi été agitée; mais le Code publié le 11 août 1855 a encore conservé la peine capitale. En 1866, sur une pétition présentée par cinquante avocats de Dresde à la Chambre des députés, l'abolition a été proposée dans un projet de loi contredisant les motifs des précédents; elle a été votée, si ce n'est pour les crimes militaires et malgré les protestations de la minorité, prévoyant que cette loi saxonne ne serait pas suivie par la législation fédérale (1 avril 1868). Quant aux autres Etats de la Confédération du Nord, ils persistaient à vouloir le maintien de la peine de mort dans leurs lois. C'est en cet état qu'a été soumis à l'examen fédéral un nouveau Code pénal, qui limite l'expiation suprême aux crimes de haute trahison, de lèse-majesté et de meutre par un moyen quelconque. Présentant les résolutions du Conseil fédéral au Reichstag ou parlement de la Confédération du Nord, le Ministre de la Justice a dit que les gouvernements confédérés acceptaient la plupart des modifications apportées à leur loi criminelle, mais ne pouvaient souscrire à l'abolition de la peine de mort et en demandaient le maintien pour plusieurs crimes spécifiés. Le député Blanck ayant demandé qu'il y eût distinction entre les Etats consentants et les Etats opposants, M. de Bismark « le combattit vivement au point de vue politique et national, et de l'importance qu'il y avait à maintenir le principe de l'unité judiciaire. » Enfin, le député Becker ayant proposé d'admettre éventuellement une atténuation facultative pour le crime de haute trahison, le ministre à déclaré que le succès de l'œuvre entière dépendait du rejet de cet amendement. Voilà comment le nouveau Code pénal a conservé la peine de mort dans tous les Etats confédérés, pour plusieurs catégories de crimes (voy. Journ. off., 9 juill. 1870).

ties telles, que nul ne pût douter de l'exécution du condamné à mort ni supposer une erreur quelconque. La proposition dont le Corps législatif était saisi par trois de ses membres cherchait ces garanties, à l'exemple des précédents cités, dans la présence obligée de certains fonctionnaires et dans la présence facultative d'un certain nombre de personnes désignées par catégories : j'en ai indiqué d'autres, plus efficaces, dans un document dont l'analyse a été insérée au Journal du Droit criminel (cah. de mai, p. 135-137), et qu'a cité à la tribune le rapporteur, organe de la Commission spéciale (J. offic., 22 juin). Elles ont été la base des dispositions proposées par la Commission 3, qui ajouteraient aux art. 371 et 376 C. inst. cr. et à l'art. 27 C. pén. ce qui suit : « Le condamné sera immédiatement conduit dans la prison par les huissiers audienciers et par le greffier qui a tenu la plume pendant les débats. L'un des huissiers dressera sur le registre parafé l'écrou constatant la remise au gardien de l'individu qui vient d'être condamné à mort, dont il certifiera l'identité; cet acte d'écrou sera signé par l'huissier rédacteur, par le second huissier, par le greffier, par le gardien. Un double, revêtu des mêmes signatures, sera remis au procureur général par l'huissier rédacteur » (art. 371). « En même temps qu'il donnera ses ordres, le procureur général avertira les huissiers et le greffier désignés à l'art. 371, qui se rendront à la prison. En marge de l'écrou, ils dresseront un acte attestant que le gardien leur a présenté le condamné, dont ils constateront l'identité, et qu'avec le gardien ils l'ont eux-mêmes livré à l'exécuteur. Cet acte sera signé par eux, par le gardien et par l'exécuteur. Le greffier, les deux huissiers et le gardien accompagneront le condamné au lieu de l'exécution » (art. 376). « L'exécution se fera dans l'intérieur de la maison de justice ou de détention, ou dans le lieu le plus voisin, désigné d'avance par un arrêté émané de l'autorité administrative et dont l'accès est interdit au public. Seront tenus d'assister à l'exécution, à peine de 100 fr. d'amende contre chaque absent: le greffier et les huissiers, le commissaire central ou le chef de police de la ville où il en existe, le commissaire de police de la circonscription, le directeur et le médecin de la prison, l'officier commandant le détachement de la force armée..... Le procès-verbal prescrit par les art. 378 C. inst. cr., 52 et 53 du tarif général des frais criminels sera dressé par le greffier, signé par lui et par les personnes dont la présence à l'exécution est obligatoire » (art. 36 nouveau). - Ces dispositions ont été justifiées et même votées, sans qu'il y eût opposition (séance du 21 juin, J. Off. du 22). Ensuite se présentait une disposition complexe, appelant à l'exécution un certain nombre de personnes désignées par leur qua

3. Voy. le rapport fait par M. Crémieux, au nom de la Commission qu'avaient nommée les bureaux (Journ. off., 23 juin 1870).

lité plus ou moins officielle, sans qu'il fût possible de leur en faire une obligation sanctionnée. Lorsque la discussion a porté sur les moyens d'assurer ce genre de demi-publicité, les difficultés ont apparu et des objections ont surgi, le renvoi à la Commission quant à ce a été demandé et voté, un amendement improvisé a proposé la suppression de cette partie secondaire, le gouvernement s'est abstenu d'émettre une opinion, les membres de la Commission se sont partagés et la disposition complexe a été divisée, puis repoussée par un vote spécial alors le principal auteur de la proposition a déclaré la retirer en ce qu'elle se trouverait dénaturée, sans admettre que la Commission se fût rendues propres ses dispositions modificatives (séances des 21 et 22 juin; J. Off. des 22 et 23). De la sorte, la question est posée et même préjugée en principe : la difficulté est d'ajouter aux garanties données dans les dispositions qui étaient votées, pour rassurer ceux qui craignent l'abus du système de publicité restreinte. Espérons que la discussion sera reprise avec résultat.

III. Notre Code d'instruction criminelle, quoiqu'il ait reçu dans ces derniers temps encore des modifications diverses (voy. nos art. 6288 et 8112), est menacé de nouveaux changements, inspirés par le développement des idées libérales et qui seraient plus radicaux. D'un côté, usant du droit d'initiative parlementaire, M. Crémieux a fait une proposition modificative qui changerait beaucoup de dispositions et en ajouterait de nouvelles (voy. suprà, p. 138). De l'autre, le gouvernement a «< chargé une Commission de préparer la réforme du Code d'instruction criminelle,» selon un rapport du Garde des Sceaux, approuvé par l'Empereur, où on lit notamment : « La refonte du Code d'instruction criminelle occupe aussi depuis longtemps les esprits distingués. Dans les formes de la procédure pénale, il y a deux systèmes..... Ni la Constituante, dans sa loi du 29 septembre 1791, concernant la police de sûreté, la justice criminelle et l'établissement des jurés, ni la Convention, dans son Code des délits et des peines de brumaire an IV, n'ont rompu complétement avec ce passé. La procédure pénale a été divisée par les lois de ces deux assemblées en deux phases: celle de l'information ou instruction préparatoire, restée sous le coup du régime inquisitorial; celle de la procédure de jugement, placée sous les règles du régime accusatoire. C'est cette sorte de combinaison mixte, comme par accomodement et moyen terme de transition, qui a passé et qui s'est maintenue jusqu'à ce jour dans notre Code d'instruction criminelle. Le temps est venu de rechercher si l'on ne pourrait pas, sans danger pour la société, réduire la part laissée au système inquisitorial, simplifier l'action de la justice pénale, la rendre plus prompte, plus sûre, et peut-être aussi y associer davantage le pays lui-même. Le peuple surtout est intéressé à cette réforme, car pour celui que les influences sociales ne protégent pas au jour de la

faute ou du malheur, la protection doit être dans la loi elle-même >> (Journ. off., 14 mai 1870). Si nous devons tenir pour entièrement exactes certaines communications semi-officielles ou seulement officieuses, les deux idées fondamentales qui seraient dominantes tendraient à rendre publique avec conditions l'information préparatoire, dont les caractères actuels sont d'être écrite et secrète, et à introduire le jury dans les jugements correctionnels, pour ceux des délits qui comporteraient une telle innovation.

Ces vues étant plus larges que celles de la proposition, qui s'en tenait pour le moment à quelques innovations en faveur surtout des droits de la défense, son auteur n'a pas insisté pour un examen immédiat au Corps législatif et il y a ainsi ajournement. Dans mon opinion, que j'ai développée avec indication des changements qui seraient selon moi les véritables améliorations à opérer, il faut rechercher les meilleurs moyens de pondération et d'exercice concomitant des droits respectifs qui se trouvent en conflit à raison d'une infraction punissable; donner à chacun de ces droits la protection ou garantie la plus efficace, pour qu'aucun d'eux ne soit nullement sacrifié à l'autre; sauvegarder d'abord le droit de la défense sociale, par un système de procédure visant moins aux sévérités contre un malheureux qu'à la certitude d'une répression aussi juste que ferme; dégager d'entraves, autant que possible, l'exercice du droit qu'a l'individu lésé par un délit d'agir en justice répressive et de continuer son action, jusqu'à ce qu'il y ait jugement définitif irrévocable; faciliter aussi et surtout l'exercice du droit de défense en justice pour celui qui a le malheur d'être inculpé ou mis en jugement, puisqu'il doit être présumé innocent jusqu'à ce que le juge compétent l'ait régulièrement déclaré coupable. Les différents systèmes et moyens sont à l'étude, sans qu'on puisse prévoir tout ce qui sortira de l'examen successif : il y aura inévitablement des communications et des discussions publiques, qu'il faut attendre pour avoir des bases précises.

IV. Doit-on législativement abroger, ou bien réserver pour l'application que rendraient nécessaire des troubles ultérieurs, les lois qui, émises à la suite de graves désordres ou de quelque attentat, sont exorbitantes en temps calme et ne sauraient être réputées permanentes? La question s'est élevée relativement au décret dictatorial du 8 décembre 1851, à la loi du 9 juillet 1852 et à celle du 27 février 1858 (J. cr., art. 5166, 5401 et 6558). Dès l'avénement du régime libéral et parlementaire, leur abrogation a été demandée par une proposition de trois députés, disant : « Le temps est venu d'en finir avec la vieille et funeste doctrine de la raison d'Etat » (28 déc. 1869; J. off., du 29). Le gouvernement lui-même proposait d'abroger, pour incompatibilité ou dans des vues d'apaisement, les dispositions qu'il reconnaissait exorbitantes, mais avec remplacement de celles dont les pré

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