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visions seraient nécessaires en tout temps (voy. suprà, p. 133), et le Corps législatif, par des votes successifs, avait déclaré l'abrogation, puis émis des dispositions nouvelles moins rigoureuses (voy. infrà, nos V et suiv.). Le Sénat, successivement saisi des propositions et projets de loi ainsi accueillis, en a renvoyé l'examen à une même Commission, pour qu'il y eût un rapport d'ensemble; après examen complet et prolongé, la Commission a conclu au rejet de la proposition des députés demandant l'abrogation de la loi de 1852 et à l'adoption des projets présentés par le gouvernement. Dans la discussion publique, le premier orateur, M. de Ségur d'Aguesseau, a soutenu que des nécessités reconnues par le pays avaient légitimé les lois attaquées, qu'en les abrogeant on condamnerait le passé et l'on compromettrait l'avenir, que l'idée de « supprimer la raison d'Etat » conduirait à « supprimer et l'Etat et la raison. » Le rapporteur et le président de la Commission ont objecté qu'il s'agissait de lois de circonstance, à modifier au moins pour l'avenir; et le Commissaire du gouvernement a insisté sur son motif d'abrogation avec dispositions différentes. Alors M. Baroche a réclamé le maintien, tout au moins pour celles des dispositions qu'il réputait essentielles à la sécurité publique, en présentant la thèse dont voici les termes mêmes : « Si à la suite de chacune de ces périodes de calme, qui se reproduisent souvent chez nous, mais qui, malheureusement, sont toujours précédées par des périodes toutes contraires, lesquelles laissent derrière elles beaucoup de mal, on voulait désarmer, c'est un mot dont on s'est servi, si l'on voulait abandonner toutes les mesures auxquelles la prudence avait obligé de recourir, on commettrait une grave imprudence. Il y a un grand peuple dont on invoque souvent l'exemple, un peu trop souvent, dans les assemblées délibérantes, c'est le peuple anglais. Il n'abolit pas ses lois, il les garde; il les met, pour ainsi dire, comme ses vieilles armures, à la Tour de Londres, et il les retrouve aux époques de crise quand il en a besoin. Dernièrement, quand l'Angleterre dut poursuivre des délits de presse d'un genre tout particulier commis par des journaux dévoués au fénianisme, c'est en vertu de lois couvertes de rouille qu'elle les a fait condamner par le jury, et la condamnation a été sévère. C'est un procédé que je recommande... » (séance du 14 juill., J. off. du 15). Le système de législation ainsi présenté est-il un principe, en Angleterre? Je ne le crois pas établi par l'exemple cité, qui révèle seulement l'existence d'une loi spéciale contre des tentatives redoutées quant à l'Irlande. Serait-il compatible avec les principes de notre droit public, proclamés en 1789 et confirmés par la Constitution ac

4 et 5. Voy. le rapport fait au nom de la Commission du Sénat, par M. de Marnas (Journ. off., 9 juill. 1870).

tuelle? J'en doute, si on le généralise au lieu d'admettre des distinctions rationnelles. En principe, une loi pénale, émise et promulguée, doit subsister ostensiblement, pour recevoir son application chaque fois que ses prohibitions sont enfreintes, ou bien étre abrogée si elle n'avait été émise qu'à raison de circonstances qui ont cessé. Pour avoir un caractère permanent, une loi qui restreint avec sanction pénale la liberté d'action des individus, ou qui donne sur eux à l'administration des pouvoirs considérables, doit être fondée sur des nécessités permanentes de sécurité publique, sans excéder les limites assignées pour les peines par la justice morale. Si elle ne remplit pas ces conditions, parce qu'elle était motivée par des circonstances accidentelles qui autorisaient plus de rigueur, c'est une loi de circonstance et exorbitante; on peut la conserver pour l'appliquer tant que subsiste le danger auquel elle a dû parer, mais il est convenable de l'abroger lorsqu'on reconnaît son incompatibilité avec les principes nouveaux et son inutilité actuelle. C'est une distinction qui va trouver son application dans l'examen des dispositions diverses qu'il s'agit d'abroger ou remplacer, sauf maintien de ce qui serait encore nécessaire.

V. Lorsqu'il ordonnait la transportation des libérés en rupture de ban et même de tout condamné pour affiliation à une société secrète, le décret dictatorial du 8 déc. 1851 émettait assurément des dispositions exorbitantes, ne pouvant se justifier que par les circonstances de l'époque, ainsi que je dus le faire observer alors (J. cr., art. 5166). Elles ne devaient pas subsister après l'avénement du régime libéral, ce qu'a reconnu même le rapport approuvé par l'Empereur pour un projet de loi abrogatif (J. off., 16 fév. et 25 mars 1870). Aussi l'abrogation proposée a-t-elle été votée à l'unanimité par le Corps législatif (J. off., 18 juin), admise sans difficulté par la Commission du Sénat (J. off., 9 juill.) et même accueillie après discussion par les orateurs d'abord opposants, dont l'amendement définitif dit : « Les art. 1, 2, 5, 6, 7 et 8 du décret du 8 décembre 1851 sont abrogés. » Si la prise en considération de cet amendement a nécessité un renvoi à la Commission du projet entier, et s'il y a eu ensuite ajournement, cela tient aux conditions du mécanisme législatif et aux graves événements survenus (voy. J. off., 15 et 18 juill.).

Mais le caractère de dispositions permanentes appartient à celles des art. 3 et 4 du décret, qui ont réglé autrement que ne l'avait fait l'art. 44 du Code pénal de 1832 les effets du renvoi sous la surveillance de la haute police (voy. J. cr., art. 5166). Pour celles-ci, on ne pouvait prononcer une abrogation pure et simple, qui eût laissé dans nos lois pénales une dangereuse lacune: il fallait opter entre les différents systèmes déjà essayés pour la surveillance, considérée comme mesure de précaution nécessaire à la sécurité publique, ou bien rem

placer le dernier par quelque système nouveau, ce qui est d'une difficulté extrême, ainsi que je l'ai prouvé dans ma dissertation sur la récidive et les rechutes réitérées (suprà, art. 9038). Le gouvernement a d'abord consulté les procureurs généraux, dont la majorité paraît avoir déclaré que le système de 1851 était funeste pour les libérés sans profiter réellement à l'état social; puis le Conseil d'Etat, appelé à rechercher quelque autre système, a pensé qu'il convenait en abrogeant le décret de rétablir provisoirement l'art. 44 de 1832; dans la discussion au Corps législatif, un député ayant demandé s'il ne serait pas possible de n'appliquer la surveillance qu'aux récidivistes et de la rendre facultative ou temporaire, le commissaire du gouvernement a déclaré que toutes questions étaient soumises aux méditations des hommes les plus compétents, que le but était de « provoquer cette amélioration de la surveillance de la haute police dans le même ordre d'idées qui a présidé à la rédaction de l'art. 44 lorsqu'un garde des sceaux éminent, qui était un homme de cœur, l'honorable M. Barthe, disait : « Il n'est pas possible, quand on a laissé la vie à un homme, de ne pas lui permettre de la soutenir honnêtement. » Cette déclaration ayant été reçue avec de nombreuses marques d'approbation, le Corps législatif a voté à l'unanimité la loi abrogative et le rétablissement provisoire de l'art. 44 (séance du 17 juin, J. off. du 18). Au Sénat, le rapport de la Commission, proposant l'adoption de ce projet en même temps que le rejet d'un autre, a dit notamment quant à la surveillance << Chaque système soulève de nombreuses objections. La loi de 1810, le décret de 1851 pèchent peut-être par quelque sévérité; quant à l'art. 44 du Code de 1832, c'est un reproche d'une nature différente qui doit lui être adressé. Il dépouillait le gouvernement de toute action sur des hommes qu'il est nécessaire de surveiller et de contenir. Le problème est délicat; toutefois, les termes en sont simples: une loi humaine, mais une loi efficace. Le gouvernement a exprimé le désir que ce problème ne soit pas tranché aujourd'hui; il s'occupe de la réformation de nos lois pénales. Ce qui touche à la surveillance sera l'objet de ses premières et plus sérieuses méditations 5. » Mais dans la discussion en séance, après un discours où il était dit que « ce qu'il y a de plus libéral, c'est ce qui protége la sécurité et les intérêts de l'immense majorité contre le petit nombre de ceux qui compromettent l'ordre par leurs excès, » et nonobstant les réponses de la Commission ainsi que du commissaire du gouvernement pour le rétablissement provisoire d'une disposition qui commence par donner à l'autorité des pouvoirs déjà considérables, M. Baroche, avec l'appui de plusieurs orateurs, a soutenu que ce système désarmait à peu près le gouvernement, que celui de 1851

5. Voy. note 4, p. 263.

était préférable et nécessaire, qu'il n'y avait aucun motif pour le renverser, qu'on pouvait le conserver au moins comme provisoire jusqu'à ce qu'un meilleur systéme fût trouvé et proposé. L'amendement en ce sens étant pris en considération, la Commission, après examen nouveau, a proposé une rédaction reproduisant à peu près les termes du décret de 1851 quant à la surveillance (J. off., 15 et 19 juill.). Tel est l'état des discussions législatives, dont la continuation a été ajournée par suite des graves événements survenus et avec les réserves ciaprès indiquées (nos VI et VII). Quoi qu'on fasse, il sera plus que difficile de découvrir et organiser un système de surveillance qui soit satisfaisant, au double point de vue des nécessités de la sécurité publique et des devoirs sociaux vis-à-vis de tous libérés ayant besoin de travail.

VI. La loi dite « de sûreté générale, » émise à la suite d'un crime horrible (27 fév. 1858), avait trois séries de dispositions diverses (J. cr., art. 6558). Les unes, déclarées temporaires par la loi elle-même, avaient pris fin en 1865 c'étaient celles qui permettaient l'internement ou l'expulsion de certains condamnés (art. 5, 6 et 7, 9 et 10). D'autres ont paru exorbitantes, en ce qu'elles feraient condamner des faits échappant à toute définition ou précision, non-seulement des provocations sans effet aux crimes prévus par les art. 86 et 87 C. pén., mais aussi le fait d'avoir, dans un but d'hostilité politique, « pratiqué des manœuvres ou entretenu des intelligences soit à l'intérieur, soit à l'étranger » (art. 1 et 2) : l'abrogation de celles-ci était proposée par le gouvernement lui-même, reconnaissant que la loi de 1819 et le droit commun avaient des prévisions suffisantes contre de telles provocations (voy. suprà, p. 133). Une autre enfin punissait spécialement << tout individu qui, sans y être légalèment autorisé, a fabriqué ou fait fabriquer, débité ou distribué des machines meurtrières agissant par explosion ou autrement, ou de la poudre fulminante» (art. 3) : celle-ci devait être ou maintenue, ou remplacée par une loi spéciale, que proposait le gouvernement (J. off., 8 mars). L'abrogation et le projet nouveau ont été votés à l'unanimité par le Corps législatif (voy. J. off., 16 fév. et 25 mars).

Au Sénat, le rapport de la Commission a voulu justifier les dispositions subsistantes de la loi de sûreté générale, et néanmoins a proposé de déférer au vœu du gouvernement 6. C'était surtout contre ce

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6. «< Faut-il défendre cette double prescription? Faut-il justifier le législateur d'avoir, au milieu d'attentats inouïs, fait de la provocation publique non suivie d'effet aux crimes prévus par les art. 86 et 87 C. pén. un délit spécial, de l'avoir frappée d'une peine sérieuse, enfin d'avoir coupé court à toutes les arguties par la formule absolue qu'il a employée? Au moment où des mains étrangères jetaient le deuil dans la cité, faut-il le blâmer d'avoir puni les manœuvres et les intelligences pratiquées au dedans ou au dehors dans le but de troubler la paix publique et d'exciter à la

vœu et cette proposition qu'étaient dirigées les critiques émises dans la discussion publique, qui ont fait profiter des circonstances nouvelles pour l'ajournement devenu indéfini (voy. suprà, nos Iv et v). Mais le gouvernement, par l'organe de M. le conseiller d'Etat Philis, a fait ses réserves en disant : « Le gouvernement vous demande acte de ceci, que l'ajournement n'implique aucun préjugé dans un sens ni dans l'autre à l'égard des projets d'abrogation qui ont été votés à l'unanimité et sans discussion par le Corps législatif, et que le Sénat ne cède, en ajournant la discussion, qu'à une seule considération : c'est qu'en présence des préoccupations actuelles, le Sénat ne peut discuter et voter d'urgence que les propositions de nature à pourvoir à la sécurité du pays. » Et il a été déclaré par le président lui-même « que l'ajournement ne préjuge rien » (J. off., 19 juill.).

VII. La loi du 9 juillet 1852, sur les interdictions de séjour dans la capitale et dans les communes de l'agglomération lyonnaise, avait des précédents et des motifs tenant à la sécurité publique, ainsi que l'indiquaient ces preiniers mots de l'exposé : « A toutes les époques, on a considéré comme une des plus sûres garanties de la sécurité publique le droit attribué au gouvernement d'éloigner de Paris les gens sans aveu, les repris de justice et, en général, tous les individus sans domicile et sans. moyens d'existence, dont la présence dans ce grand centre de population est un danger réel et permanent. Il est avéré que, dans tous les troubles qui ont éclaté au sein de la capitale, c'est parmi les individus étrangers à cette ville, sans domicile, sans ressource, ou déjà flétris par la justice, qu'on a toujours rencontré les auteurs et les agents les plus actifs du désordre (voy. Monit., 3 et 29 juin 1852; J. cr., art. 5401). C'était sur une proposition de trois dé

haine du gouvernement? Faut-il, avec des casuistes politiques, rechercher si les termes de l'art. 2 ne pêchent pas par une élasticité trop grande, comme si le délit n'était pas aussi difficile à définir qu'important à réprimer? Et que valent ces plaintes contre la nouveauté dans le vocabulaire pénal d'expressions qu'on trouve dans le Code de 1791, dans la loi de 1822, et enfin dans le C. Nap. lui-même ? Le gouvernement, en vous proposant l'abrogation de la loi de sûreté générale, cherche ses inspirations ailleurs que dans ces controverses; il pense que des temps meilleurs permettent une législation plus indulgente; après avoir réduit à l'impuissance les pervers, il tend la main aux égarés. Votre Commission s'associe à sa pensée, car elle ne le considère pas comme désarmé en face des agitations révolutionnaires. Si la provocation non suivie d'effet n'est plus punie par la loi de 1858, elle le sera par celle de 1819. Si la formule employée par la loi de sûreté publique, pour caractériser la provocation, disparaît, les termes généraux et compréhensifs de la loi de 1819 ne la laisseront pas impunie; et si la peine de la loi soumise à votre appréciation est plus sévère que celle à laquelle on revient, les proportions de cette pénalité adoucie ne sont pas telles qu'elles puissent inspirer l'inquiétude. Quant aux intelligences entretenues et manoeuvres pratiquées tant à l'intérieur qu'à l'étranger, les principes généraux en matière de complicité et les art. 75 et 76 C. pén. en assureront suffisamment la répression.» (Rapport de la Commission du Sénat.)

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